Lizzie

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Quel plaisir de l'avoir ici.

Ma vie si vide malgré mon emploi du temps de Ministre avait pris un tout autre sens depuis qu'elle était là, dans cette maison bien trop grande pour moi.

Quelqu'un de vrai, d'une maladresse étonnante et touchante.

Quelques jours seulement s'étaient écoulés depuis son arrivée et nos habitudes si bien organisées, trop bien même, en avaient été bouleversées.

« Nos » car même ce cher Harold venait de voir sa cuisine transformée en patchwork psychédélique. Un peu de fantaisie, voilà ce qui peut être m'avait manqué. Ou peut être la vie tout simplement.

Je la regardais là assise, prenant le soleil tout en buvant un café sur la terrasse. J'eus du mal à détourner mon regard.

Dés le premier jour il y eut une sorte d'alchimie. J'ai aimé ses yeux si bleus, son teint de porcelaine et sa peau diaphane. J'ai aimé sa façon d'être mal à l'aise à mes côtés tout en essayant de le cacher, j'ai aimé l'expression de son visage à l'évocation du souvenir que j'avais gardé d'elle. Quel manque de tact de ma part ce jour là. Je m'en suis voulu. Je l'ai blessé et ça m'a fait mal à moi aussi.

Oui, j'aimai sa présence.

Je me sentais apaisé et serein à ses côtes.Enfin presque sauf hier, une peur indescriptible pour elle m'avait retourné les tripes, peur qu'elle soit harcelée dans la rue. J'ignorai si elle l'avait compris.

Pauvre Stewart lui aussi. Après avoir tourné dans Londres toute la journée, il ne s'était résigné à m'appeler que lorsqu'il fut sûr de ne pas la retrouver. Ma colère m'avait même poussé à regretter ce que j'avais pu faire pour elle le matin même. Mais ses yeux pleins de regrets avaient eu raison de mon courroux. Il me tardait.

Un sentiment oublié de béatitude m'envahissait. Serais-je heureux ? Inattendu. Inespéré. Un réveil doux amer d'un bonheur à porté de main.

Je la regardais là encore, ses cheveux châtains tombent sur ses épaules, une mèche sur son front.

Je me retins de la lui lever.

Je me suis surpris à avoir les mains qui tremblent et l'estomac noué en sa présence. J'avais tellement renoncé. Pourtant tant de choses me retenaient d'aller vers elle.

Ce monde dans lequel je naviguais, serait-elle assez forte pour l'intégrer ?. Quelle était cette fragilité, cette douleur que je n'arrivais pas à déterminer. Une blessure. Profonde.

Si seulement elle pouvait ressentir une quelconque  attirance pour moi ne serait ce qu'un peu, j'envisagerais de l'approcher.

Peut être me fallait -il l'apprivoiser... Cette idée me plaisait bien. Un besoin viscéral de la protéger me hantait. Je ne pourrais supporter qu'elle puisse souffrir de notre relation. J'aimerais la garder que pour moi, cachée, secrète. Pourtant, je savais aussi que j'allais l'exposer au grand jour de part notre collaboration.

« Ce n'est pas une bonne idée » m'avait dit Joan.

Peut être en effet.

Prudence.

Peur pour elle. Peur qu'on l'abîme, peur qu'on la change, peur qu'elle change car ce que j'aimais plus que tout chez elle c'était cette fraîcheur et ce naturel qu'elle dégageait. Pour une fois dans ma vie j'étais entouré d'une personne vraie, réelle et il m'était inconcevable d'envisager qu'on puisse m'enlever cette étincelle de vie.Mon âme en serait dévastée. Maîtresse de mon cœur si rudement mis à l'épreuve, elle en est à la fois la douleur et sa guérison.

Je la regardais là, caché par mes lunettes de soleil . Sentit-elle mon regard posé sur elle ? Sentit-elle à quel point elle m'attirait ? Savait-elle à quel point l'odeur de ses cheveux m'avait enivré tout à l'heure lorsque je l'ai aidé à se relever ? L'envie de la serrer fort dans mes bras et de ne plus la lâcher fût si forte, si intense. 

Savait-elle à quel point j'aimai fixer sa bouche lorsqu'elle me parlait en français, lorsqu'elle s'appliquait à m'apprendre des mots que je faisais souvent exprès de mal répéter pour qu'elle recommence ? J'aimai sa façon de se pincer les lèvres lorsqu'elle était gênée.

Ce qui lui arrivait souvent en fait.

Mon univers venait de basculer. Chamboulé par une douce tornade dont la trajectoire a fait sauter tous les verrous de ma vie et me donne envie . Envie de recommencer  à jouer du piano, je me suis surpris à vouloir composer, à écrire à nouveau.

Si elle savait...

Elle m'inspirait. Serait-elle ma muse ? Aurait-elle ce pouvoir sur moi ?

C'était  pourtant une parfaite inconnue. J'étais là assis à côté d'elle, l'observant à son insu. Le soleil caressait sa peau. Comme j'enviais cet astre brûlant.

Elle se tourna vers moi. Je lui souris elle me répondit.

Mon souffle se coupa.

- Je suis sur que vous n'imaginiez pas vous faire bronzer comme cela,ici en Angleterre, commençai-je.

Elle me lança un regard amusé et se mit à réfléchir un peu.

- Hum... je n'ai aucun préjugé concernant les caprices du temps Britannique, me dit -elle calmement.

Quel accent exquis !. Cela lui donnait un charme supplémentaire auquel je n'étais bien évidemment pas indifférent.

- Je me souviens avoir eu un coup de soleil sur les épaules un jour à St James' s park. Alors vous savez je m'attends à tout, ajouta-t-elle en me souriant.

- Vous vous plaisez ici ? avais-je demandé un peu brutalement. Elle avait baissé la tête tout en gardant son si doux sourire. Je vis la gêne s'installer car elle se pinça les lèvres. Délicieuse.

- Oui beaucoup, avoua-t-elle, c'est très paisible même si j'aime beaucoup l'animation de la ville, j'apprécie le calme de cette propriété. Et vous avez des chevaux magnifiques.

- Vous montez ?

- Oui un peu, dit-elle timidement, mais ça fait très longtemps.

- Peut-être pourrions-nous envisager de faire une balade à cheval prochainement. Qu'en dites-vous ? m'aventurai- je.

- Oui bien sur, j'adorerais cela, s'écria-t-elle.

Je vis son visage s'illuminer, le bleu de ses yeux s'intensifier et briller.

Mon portable se mit alors à vibrer gâchant ce début d'intimité. Je le maudis intérieurement. Je la vis se détourner de moi.

- Je suis désolé. Il faut vraiment que je décroche, me justifiai-je comme je pouvais.

Elle ne répondit pas se contentant de baisser la tête, un léger sourire aux lèvres. Aurais-je perçu de la déception ?

Je me mis légèrement à l'écart, pas trop loin, je voulais être sur qu'elle ne s'enfuirait pas.

Une nouvelle inattendue. Cette soirée de bienfaisance à laquelle je devais assister prochainement et pour laquelle je devais venir accompagner pour donner le change me pesait. Mais soudain une éclaircie au milieu des nuages. Et pendant que j'écoutais les plates excuses de celle qui me laissait tomber et qui n'avait aucun intérêt pour moi, je me mis à sourire à l'idée de pouvoir passer cette soirée en sa compagnie.

L'occasion était trop belle. Comment l'inviter sans être maladroit ? J'en mourrai d'envie.

Ma confiance habituelle m'abandonnait, je doutais fortement. Et si elle refusait ?

Le téléphone collé à l'oreille, je réfléchissais déjà à un plan pour lui en parler. A Joan qui, d'avance je le savais, ne serait pas d'accord. Tout ce qui avait un rapport avec Lizzie était une mauvaise idée.

Lizzie... Lizzie... ce surnom m'était venu instinctivement.

Oui...instinctivement c'était elle ... Je la regardais et je me mis à soupirer d'envie, elle se retourna et me sourit.

Le sol s'ouvrit sous mes pieds.

Lizzie...

R.E.A.LOù les histoires vivent. Découvrez maintenant