R.E.A.L

Conte de fées

                Ce n'était donc pas aujourd'hui que j'allais me mettre au travail. Allait-il enfin me caser dans son emploi du temps ? Ou devrais-je attendre son bon vouloir ? Cette situation ne me plaisait guère me trouvant tout à coup dans la même situation qu'Harold. Là, présente, prête, à son service.
          Cela ne me ressemblait pas. J'aimais les choses bien définies en particulier pour le travail, le sérieux, la rigueur et ne laissais guère de place à l'imprévu. J'avais cru comprendre que je devais l'aider sur son prochain film dont une partie se passerait en France. Très bien. Il s'agissait là d'une lourde responsabilité et je comptais bien la mener cette mission jusqu'au bout, pour peu qu'il m'en laisse la possibilité.

           Une certaine déception s'empara de moi. Peut être mettait-il mes compétences en question ? Je décidai donc d'avoir une conversation franche pour mettre les choses au clair avec lui dès ce soir. Je ne voulais pas perdre mon temps inutilement même si n'importe qui aurait été ravie de ma situation.

          Je descendis à la cuisine, décidée à me préparer moi-même un petit en cas, sans l'aide d'Harold.

          Sur le palier du premier étage une porte et un interrupteur. Une idée improbable me traversa l'esprit mais je voulais m'en assurer. J'appuyai donc sur le bouton et mon intuition fut la bonne. Un ascenseur ! Cette maison était décidément pleine de rebondissement. J'entrai. Un arrêt pour chaque étage et un sous sol. Ma curiosité me titilla, j'appuyai donc. L'ascenseur descendit en douceur, la porte s'ouvrit et là, Oh splendeur !

       Sous mes yeux éblouis, une magnifique piscine intérieure. Au bleu lagon accentué par un éclairage, des dégradés plus foncés formaient un large S au fond. Je m'approchai émerveillée, me baissai pour toucher du bout des doigts. Ma main plongea dans l'eau, chaude évidemment. Je me mis à sourire, ce genre de choses existait bien dans ce monde là. Des plantes vertes sur les bords donnaient un côté légèrement exotique à la pièce. Je fis le tour, attirée par une lumière orangée, tamisée. Un transat en bois était là comme posé au bord d'une plage. Le solarium. Mais ce n'était pas tout, deux autres portes s'offraient à moi dont chacune avait un hublot. Sur la première je pus lire « sauna », sur la seconde à peine plus éloignée de l'autre « hammam ». Je n'en revenais pas. Slack-jawed comme disent les anglais. En effet ma mâchoire s'était décrochée peut-être même disloquée d'émerveillement.

       Je continuai ma visite. D'autres enchantements m'attendaient peut être ailleurs. Ce fut le cas. A l'autre bout de la piscine, trônait un jacuzzi en bois. Des idées me vinrent immédiatement à l'esprit. Une journée fatigante, quelques longueurs de piscine et une séance de jacuzzi. Et d'autres idées plus coquines...

Je restai là à regarder autour de moi, à me dire que tout ceci était surréaliste mais à me dire aussi que j'aimais ça. Que cette maison avait décidément tout pour satisfaire n'importe quel habitant !

Je repris l'ascenseur qui me mena directement au rez de chaussé juste à côté de la cuisine. Je repérai le réfrigérateur. Il était plein. Impressionnant. Dans le mien il m'arrivait d'entendre mon propre écho. Je sortis un peu de salade, deux petites tomates bien mûres, un concombre. J'ouvris tous les placards pour trouver du pain de mie. Impossible du premier coup jusqu'à ce que mon regard se porte sur une sorte de placard vertical, je le tirai et un garde manger apparut comme par magie. Je me mis à rire nerveusement. Mickey Mouse allait très certainement surgir.

 Deux sandwiches, du jus d'orange, une pomme... un vrai déjeuner anglais.

J'étais sur le point de quitter la pièce pour m'installer  quand Harold apparut devant moi. Tout à coup très embarrassée, je faillis lâcher mon assiette.

- Avez-vous trouvé tout ce que vous souhaitiez Miss ? me demanda-t-il un peu pincé.

- Oui merci Harold. Je suis désolée, je sais j'aurai du vous appeler ...

J'essayais de me justifier du mieux que je pouvais mais je fus à court d'argument.

- Ne vous inquiétez pas pour moi Miss, faites comme il vous plaira. L'essentiel est que vous sachiez où et comment me trouver .

- Je n'ai pas l'habitude que l'on me serve ...

- S'il y a bien une chose que j'ai su apprendre, c'est bien de ne pas m'offusquer des habitudes de chacun.

- D'accord... très bien... Savez-vous quand Mr Nolan sera de retour ?

- Malheureusement non Miss... j'ai bien peur que vous soyez obligée de l'attendre. Mais si je peux me permettre vous devriez profiter du beau temps pour faire le tour de la propriété. Vous n'êtes pas sans savoir que le temps britannique est très capricieux.

- Et bien c'est une idée en effet, j'ai déjà découvert pas mal de choses ici et j'imagine que l'extérieur doit être tout autant magnifique.

- Je suppose que vous avez donc vu la piscine ?

- Effectivement.

Il me contourna et vaqua à ses occupations dans la cuisine me plantant là avec mes deux sandwiches ridicules. Je traversai l'immense  Dining room pour accéder à  une porte fenêtre ouverte sur l'extérieur.

Me rappelant les paroles d'Harold sur le beau temps, je sortis. Je reconnus alors la vue que j'avais de ma chambre, le plan d'eau, les cyprès. Les poissons étaient bien là nageant paisiblement  dans ce bassin dont l'eau cristalline et parfaitement propre donnait presque envie de les accompagner.

Je m'installai sur le bord de la margelle. Il faisait bon, les doux rayons du soleil caressait mes joues fraîches. Ce mois de mars était décidément bien agréable. Même en France le temps était clément, de la chaleur, un peu de vent juste assez pour sécher le linge sans que ce soit invivable. Mais quand le mistral se mettait à souffler on espérait seulement qu'il s'arrête vite. Il avait cette force qui pouvait tout arracher sur son passage et rendait la vie difficile mais qui donnait à notre région un charme incomparable. Pourtant, ici, malgré la brise un peu fraîche, je me sentais comme un poisson dans l'eau et vu l'endroit où je me trouvais c'était une piètre métaphore. Ma pomme à la main, je me mis en tête de découvrir un peu le domaine.

Je me souvins avoir vu un garage immense à l'entrée de la propriété. Je fis donc le tour, effectivement les garages étaient là dont les fenêtres en hauteur m'empêchèrent de jeter un œil à l'intérieur. J'imaginai donc le genre de voitures qui pouvaient bien ronronner là : Porsche, Rolls... et bien sûr la Jaguar qui m'avait amenée hier soir.Une rond point artificiel avait été crée autour d'un chêne gigantesque, ancestral.

Le chemin qui menait à la propriété s'avançait au loin donnant l'illusion d'être perdu au milieu de nulle part et surtout à l'abri des regards de photographes indiscrets. Et alors que j'étais perdue dans mes pensées, je remarquais une ombre derrière moi qui s'approchait doucement, je me retournai et reconnus le chauffeur qui me souriait.

- Bonjour Miss, seriez-vous perdue ? me demanda-t-il gentiment .

- Pas encore ... répondis-je sur le même ton amusé.

- Si vous avez besoin de quoique ce soit pour aller en ville et même si vous souhaitez que j'aille faire une course pour vous, n'hésitez pas.

- Très bien, merci.

Décidément, cette mise au service d'autrui était vraiment embarrassante et je me mis dans la peau d'une star capricieuse qui sous les coups de quatre heures du matin serait prise soudain d'une folle envie de cerises en plein hiver et qui enverrait son chauffeur en quête de ce précieux fruit sous peine de le renvoyer.

En continuant mon exploration, je contournai les garages et au loin je perçus des écuries, cette propriété avait décidément été dessinée et construite pour moi. Je suivis le chemin qui longeait le parc dans lequel trois chevaux flânaient nonchalamment. Ils levèrent la tête en me voyant approcher. J'essayais de les attirer mais rien n'y fit, ils restèrent méfiants m'observant à distance.

Je regardai furtivement ma montre et m'aperçus de l'heure avancée dans l'après midi. Cette promenade fort agréable au demeurant fut finalement assez longue et je fis demi tour pour rentrer.