L'éclat du jour me réveilla, le soleil m'aveuglant de sa lumière. J'ouvris difficilement les yeux. Une silhouette se dessina près de la fenêtre. C'était Anna, ma femme de chambre. Elle tirait les rideaux. Elle se retourna et me sourit en me disant:
« - Il est l'heure de se réveiller, mademoiselle. »
Installée confortablement dans mon lit, je ne voulais pas vraiment en sortir et m'étirai lentement.Mais une pensée terriblement angoissante me galvanisa me donnant la force de me lever: demain, j'intégrerais le redoutable pensionnat pour jeunes filles et jeune garçons de Londres dont le but était de parfaire l'éducation de jeunes filles et de jeunes garçons qui appartenaient aux familles les plus riches d'Angleterre et des États-Unis. Cette école avait été construite en 1813 et, un peu moins de cent ans plus tard, j'y entrais à mon tour. A la différence qu'aux yeux de la société, je n'en étais pas digne.
En réalité, j'ai passé mon enfance dans un orphelinat situé en campagne, dans l'Indiana. J'y ai là-bas mes meilleurs souvenirs. Avec mes camarades, eux aussi orphelins, nous passions nos journées dans la nature, à l'air pur. J'ai toujours eu un fort caractère, je montais aux arbres, me roulais dans l'herbe,faisais des bras de fer avec les garçons. J'avais là-bas mon meilleur ami, Noah, mais il fut adopté par une famille très aisée lorsque l'on avait dix ans et je ne l'ai malheureusement plus jamais revu malgré la relation fusionnel qui nous liaient.
Cela n'a jamais été ma profonde volonté mais j'ai été également adoptée à l'âge de douze ans par une noble famille. En réalité, mon adoption avait été rapidement transformée en supplice. J'étais chargée de travaux tout genre comme laver la maison, soigner les bêtes et mon adoption avait pour but principal de "tenir compagnie" à Victoria, la fille biologique des Williams.
Cette adoption que j'avais vu au départ comme une occasion de démarrer une nouvelle vie avait tourné rapidement au cauchemar. Victoria, avec l'aide de son frère, Alexander, s'amusait à me tendre des pièges, à me ridiculiser, à m'accuser de toutes sortes d'agissements et ils complotaient afin que je sois mal vue par leur mère, Madame Williams. Je me gardais bien de raconter ce que je subissais quotidiennement à la directrice de mon ancien orphelinat. Je ne voulais pas quelle s'inquiète pour moi. Nous entretenions malgré tout une correspondance assidue. Je voyais Madame Martin comme ma mère de coeur.
Un jour, madame Williams entra sans prévenir dans ma petite chambre défraichie suivie de près par Victoria et Alexander. Un homme entra. C'était le majordome. Madame Williams semblait très irritée et me lança:
"- Victoria a dit t'avoir vue fouiner dans ma chambre et en sortir, tenant dans tes mains mon plus précieux collier. Et justement,par le plus grand des hasards, je n'arrive pas à mettre la main dessus. J'espère vraiment pour toi que, cette fois-ci, tu n'y es pour rien. Smith, aboya-t-elle en changeant soudainement de ton, fouillez la chambre.
Ne se faisant pas prier, il entama ses recherches sous mon regard consterné et sous ceux conspirateurs de Victoria et James. Et soudain, tout s'éclaircit: ils m'avaient à nouveau tendu un piège. Je m'avançai vers les comploteurs et ouvris la bouche mais fût coupée par des cris d'horreur poussés par madame Williams. Smith avait trouvé son précieux collier de diamant, glissé sous mon maigre matelas. Le soir-même, je fus convoquée par Madame Williams. Arrivée devant la porte de chambre, j'attendis un petit moment mais je regrettai vite en voyant Victoria arriver aussi. Je me sentais prise au piège. Elle s'approcha de moi et je me souviens particulièrement d'une phrase qu'elle m'avait chuchotée à l'oreille de son ton excécrable:"- Ca va mal se passer pour toi, ma p'tite. Tu vas être renvoyée là d'où tu viens, chez les pauvres."
Elle ouvrit la porte, entra et alla se placer au côté de sa mère. Destabilisée, j'entrai timidement à mon tour et nous entamâmes une discussion ou plutôt un sermon. Aexander ne me quitta pas des yeux et je sentais son regard noir me transpercer pendant toute la conversation.J'ai essayé tant bien que mal d'expliquer à Madame Williams ma version des faits mais, avais-je au moins une chance face à sa progéniture? C'était la parole de Victoria contre la mienne. Elle me força à demander pardon ce que j'avais fait injustement à plusieurs reprises auparavant. Mais cette fois-ci, c'était trop. Je refusai catégoriquement de front et fus par conséquent, dès le lendemain, renvoyée à l'orphelinat de madame Martin. Ce retour aux sources dans la campagne que je chérissais tant avait été un grand souffle bénéfique pour moi après deux longues années de malêtre chez les Williams. Aujourd'hui, quand j'y repense, je regrette de ne pas avoir pu mieux me défendre face aux coups bas de Victoria et d'Alexandre. Mais, d'une certaine manière, cela a forgé mon caractère.
Quelques mois plus tard, j'ai été adoptée par une nouvelle famille, très aisée également, celle dont je fais partie aujourd'hui. Il n'y avait, heureusement, pas d'enfants, seulement un couple d'âge mûr qui avait saisi sa dernière chance d'élever un enfant. Cela faisait un peu moins d'un an que j'habitais avec eux, j'avais atteint mes quinze ans et j'étais triste de devoir déjà les quitter pour cet orphelinat, qui plus est, situé à Londres.
Tout à coup Anna me tira de mes songes en s'exclamant d'une voix enjouée:
"-Bah tiens donc, on rêve mademoiselle?"
Je la regardai avec incompréhension et commençai à balbutier quelques mots mais elle reprit:
" Quelle robe voulez-vous portez mademoiselle?
- Je vous ai déjà dit que vous pouviez me tutoyer, voyons, et arrêtez les "mademoiselle". Par pitié, appelez moi Holly.
- C'est entendu Mad...Holly. Elle échappa un petit rire et continua:
- Oh, et d'ailleurs, tant que j'y pense, monsieur Johnson a fait parvenir un paquet depuis l'Italie pour vous. Il me semble bien que ce soit plutôt important. Je reviens tout de suite.
Elle lâcha la brosse avec laquelle elle arrangeait les boucles dorées et s'éloigna d'un pas pressé.
Monsieur Johnson, mon père adoptif, était souvent en voyage d'affaires, il possédait un commerce transatlantique et vendait et exportait des produits du monde entier. Il était très occupé et rares étaient les fois où il restait à la maison plus d'un mois. C'est pourquoi, il avait l'habitude de me ramener des objets, des robes, des bijoux, des quatre coins du monde.Anna rentra de nouveau dans ma chambre. Elle tenait un gros paquet sur ses bras tendus et le posa sur mon lit. Je m'approchai et défis le noeud soigneusement enroulé autour de la boîte rectangulaire en carton peint. J'en sortis une robe bleu pâle plutôt légère et fluide dont quelques détails bleu foncé ornaient les plis. Elle était magnifique. Anna m'aida à m'habiller tout de suite avec cette nouvelle robe ce qui n'était pas encore pour moi vraiment naturel. Nous discutâmes de l'année que j'allais passer loin de Monsieur et Madame Johnson.
« - Je ne veux pas quitter la maison et intégrer cette école . De plus, Margery m'a dit que sa soeur détestait secrètement cette école, que les surveillants étaient très stricts et redoutables et qu'on assistait à la messe tous les dimanches, sans exception.
- Allons, allons ma chérie, tout va bien se passer, j'en suis sûre répondit Anna. Et, n'oubliez pas que vous verrez les Johnson assez régulièrement.
Margery était une amie dont j'avais fait la connaissance après quelques mois passés dans ma nouvelle famille. Ses parents étaient amis avec les Johnson et je l'appréciais beaucoup. Cependant, elle n'allait pas entrer dans le même pensionnat que sa soeur et moi. Ses parents avaient décidé qu'elle irait en France afin de perfectionner son français. Je n'avais déjà pas beaucoup d'amis et maintenant, j'allais me retrouver presque seule au pensionnat ne pouvant pas vraiment compter sur sa soeur. Elle avait deux ans de plus que moi et je ne la connaissais même pas.Je ne suis jamais allée dans un pensionnat comme celui de Londres. M. et Mme Williams tenaient beaucoup à mon éducation et savaient qu'ils risquaient gros en m'envoyant, moi, plus orpheline que fille de noble, dans un tel pensionnat. Cela pouvait être soit néfaste pour moi, soit pour le pensionnat. Bon, j'exagère un peu.
Anna finissait de nouer ma robe dans le dos,et, enfin prête, je pus la congédier. Je sortis de la chambre, croisai un employé , descendis les escaliers en m'appuyant à la rampe dorée et sautai la dernière marche, comme à mon habitude.Je m'installai à la table et Sophia, une employée, m'apporta le petit déjeuner. Je le finis rapidement et retournai dans ma chambre. Soudain, me vint l'envie de faire un tour du jardin de la maison afin de m'imprégner une dernière fois des odeurs, des sensations et du spectacle naturel qu'offraient les alentours. Ce mélange enivrant me rappelait mon enfance, l'orphelinat de madame Martin, et cela me rendait quelque peu nostalgique.
Durant ma promenade j'ai rencontré le jardinier qui s'occupait justement des roses du jardin. J'adorais le regarder s'occuper des plantes comme de sa propre progéniture. Il les soignaient toutes sans exception mais les roses restaient mes préférées. Mon après-midi se résuma à préparer mon voyage, à faire mes valises pour le grand départ qui semblait maintenant si proche. Le soir, je me couchai, des millions de pensées tourbillonnant dans ma tête m'empêchant de fermer l'œil de la nuit. Demain était un grand jour, je le pressentais...
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Holly
Teen Fiction1912. Orpheline, Holly a beaucoup souffert pendant son enfance. Mais enfin adoptée par un couple aimant parmi les plus riches des États-Unis ,elle se sent enfin acceptée et chérie. Cependant, sa nouvelle classe sociale l'oblige à s'habituer à certa...