Chapitre 2

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     Madame Johnson avait longtemps hésité mais, finalement, elle avait décidé qu'elle m'accompagnerait jusqu'au port et me laisserait entre les mains d' Anna pendant le voyage en cargo. Ceci me paraissait totalement raisonnable au regard de la longueur du trajet et de sa vieillesse qui semblait prendre peu à peu le dessus. Anna resterait vivre à Londres le temps de mes études et travaillerait pour une autre famille non loin du pensionnat. Je pourrai toujours lui rendre visite pendant le week-end. Arrivées au port, je serrai madame Johnson dans mes bras.

Nous nous dîmes au revoir et j'embarquai à bord du cargo aux côtés d'Anna pour un peu moins de deux semaines. Tout se déroulait très bien et au bout de quelques jours, je commençais à connaître vaguement le allées et les salles du bateau.
Un jour, marchant dans un des nombreux couloirs pour retourner dans ma chambre, je m'arrêtai net. J'avais entendu une voix qui m'était étrangement familière. Je penchai la tête dans l'entrebâillement de la porte d'une des chambres sur ma droite ,quand je vis un jeune homme qui parlait au milieu de la pièce à un homme plus âgé. J'observais cette scène qui, dans le fond, était loin d'être singulière mais ma curiosité gagnait toujours le dessus. Tout à coup, l'homme plus âgé se retourna et en me voyant, il articula d'une voix forte:

- Mademoiselle, que faites-vous donc là, à écouter aux portes? Je vous prie de disparaître sur le champ.
Il s'avança vers la porte et la claqua d'une main forte sous mon nez sans que je puisse dire quoi que ce soit, tétanisée. Je pus tout de même jeter un rapide coup d'oeil au jeune garçon qui n'avait pas du tout bougé depuis le début et j'entraperçus son visage. C'était au moins ça. Sur le coup, je ne pus le croire: était-ce... Noah? Il lui ressemblait tellement.
Ce garçon qui semblait si froid ne pouvait être cet ami, qui m'était si cher à l'orphelinat de madame Martin. Ce garçon avec qui je montais aux arbres, avec qui je faisais des bêtises, à qui j'apprenais à siffler avec des herbes. Non, ça ne pouvait être lui mais... il lui ressemblait tant. Je me remémorais ce que j'avais pu entendre. Sa voix était plus grave,évidemment. Mais ce regard, oui c'était lui.
Beaucoup de questions se bousculaient dans ma tête et, arrivée non sans peine dans ma chambre, je me laissai tomber sur mon lit, sentant tout mon corps s'alourdir.

Allongée, les bras derrière la tête, je repensais à ce qui s'était passé et commençai à faire toutes sortes de suppositions et divaguais: Si c'était Noah,peut-être qu'il était simplement en voyage. Il appartenait à une famille très riche à présent. C'était plausible. Peut-être qu'il habitait en Angleterre à présent. Etait-il heureux? Mais, ETAIT-CE VRAIMENT LUI ? Rien ne le prouvait...Qui était ce grossier personnage qui l'accompagnait?Un employé? Avait-t-il beaucoup changé? Si oui, en mal? En bien? Et ... se souvenait-il de moi?

Il ne restait à présent que deux jours avant d'arriver à destination. Il était environ 17h. Anna était dans sa chambre et je lisais dans la mienne. On frappa timidement à ma porte. Je crus que c'étaient des bruits quelconques ou même que je rêvais mais on frappa à nouveau d'une manière plus sûre cette fois-ci. Un brin agacée, je m'exclamai:
"Qui que vous soyez, entrez mais montrez-vous pour de bon, s'il vous plait!"
La porte s'ouvrit lentement et le jeune homme qui ressemblait tellement à Noah apparut. Je me levai d'un coup, bouche bée, je l'observais.

C'était bien lui.

J'essayai de parler mais aucun son ne sortait de ma bouche. Finalement, je ne pus balbutier qu'un seul mot:
"-N...n...noah ?
-Bah alors, je t'ai connue plus bavarde, Holly, dit-il.
C'était bien lui, toujours à faire ce genre de réflexion.  Au moins, il avait gardé son humour.
-Je... je m'attendais pas à

-Me voir? me coupa-t-il sûr de lui.

-Oui.
Je le pris dans mes bras  et la tête appuyée sur son épaule, je lui dis:
« -Tu sais, au début, quand je t'avais vu, je n'étais pas  sûre que c'était toi.
-Et bien pourtant, c'est bien moi. Je me disais bien que je t'avais reconnue, toujours aussi curieuse hein. Mais j'en oublie le plus important, comment vas-tu, tu dois tout me raconter. Tout depuis le début.
- Oui oui, toi aussi bien sûr.

Je commençai le récit de ce que j'avais vécu ces dernières années: ma première adoption, madame Williams, Victoria,la solitude que j'ai ressentie, le retour à l'orphelinat, ma seconde adoption, la gentillesse des Johnson. Au début, c'était dur de m'ouvrir à lui comme à l'époque.
Finalement, on pourrait presque le considérer comme un étranger mais peu à peu, j'étais de plus en plus à l'aise et je remarquais que lui aussi. Il n'avait pas tant changé. Une fois que j'avais tout relaté, il me dit:

-Holly, je ne pensais pas que tu avais pu vivre un enfer pareil. Je suis désolée. Mais, te sens-tu bien au sein de ta nouvelle famille?

-Oh oui bien sûr tu ne sais pas à quel point. Les Johnson sont vraiment adorables. J'ai eu beaucoup de chance, au fond.

-Ca me rassure, alors.

-Mais toi, alors, raconte moi.
Il m'expliqua que sa famille vivait dans une grande maison près du lac Michigan. Il avait appris à monter à cheval, à participer à la chasse etc... Son père était strict et avait la main leste. Quelque fois, Noah avait voulu partir mais il était redevable à sa famille pour tout ce qu'elle avait fait pour lui. En grandissant, il s'opposait de plus en plus à son père, qui parfois semblait extrême et qui était violent avec sa femme. Et, presque arrivé à la fin de son récit, il conclut:
-Alors, pour apaiser les conflits, nous avons décidé d'un commun accord, ma mère, mon père et moi de m'envoyer dans un pensionnat à Londres qui s'appelle Saint Mary, je crois. Et voilà  pourquoi je suis ici.

-Vraiment? Attends... tu vas dans ce pensionnat?

- Oui, puisque je te le dis.
Un bref silence s'imposa entre nous, je penchai la tête sur le côté comme pour lui faire comprendre quelque chose et son visage s'éclaira. Nous n'avions pas besoin de mots pour nous comprendre. Il s'exclama:
-Nan...Vraiment? Tu vas pas...?
Je soupirai et lui lançai:
-Mais si, bien sûr.
Cette nouvelle le rendit heureux, tout comme moi. Nous allions dans la même école!
Nous discutâmes encore environ une heure et je lui demandai comment il avait fait pour trouver ma chambre. Il me dit:
"-J'ai fait les yeux doux à l'hôtesse d'accueil et puis, c'est  pas si mal de porter un nom comme celui de Montgomery."

HollyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant