Chapitre deux : Aglae

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Média : 1er jour d'école — Chilla

     Bizarrement, j'ai toujours aimé la pluie. Lorsque le ciel pleure, il n'y a rien de plus beau. Mais, cela me met toujours dans des états pas possibles ; je suis aussi triste que les gouttes salées du ciel même si je ne connais rien à leur peine. Alors, depuis quelques temps, je me suis tournée vers le soleil. C'est l'opposé, je le sais parfaitement, et je suis si contradictoire que ça me va très bien. On dit que l'être humain est complexe, et je crois que je suis donc bien plus qu'une humaine. Je ne suis pas seulement complexe, je suis aussi compliquée, paradoxale et tourmentée. Mais, ce ne sont que des mots après tout, et certainement pas le plus important.

— Et tu vois là, le gars il a commencé à... Glagla, tu m'écoutes ? hurle une voix près de mon oreille, me sortant très violemment de mes pensées.

— Hum, je t'écoute, Prune et au fait arrête avec ce surnom, répondé-je distraitement.

     Prune est mon amie depuis toujours, nos parents l'étant également. C'est une fille qui m'a toujours impressionné, surtout grâce à la facilité et le détachement avec lequel elle vit les moqueries perpétuelles sur son poids. J'aimerai beaucoup être comme elle, passer outre toutes les insultes que l'on me jettent à tout va. Mais, je suis faible et tout simplement incapable de ne pas être atteinte par tous les propos de Joshua et sa clique. Ça fait presque un an que ce harcèlement dure et je ne me suis toujours pas décidée à en parler à qui que ce soit qui pourrait le gérer. Je suis lâche, j'ai peur qu'on me critique encore plus. Parce que oui, la raison de mon harcèlement n'est pas si anodine que cela.

— Aglae, ça s'rait pas Paula et Elois là bas ? me questionne si soudainement mon amie que j'ai du mal à voir où elle veut en venir.

     Je suis du regard la direction qu'elle pointe avec son index droit et aperçoit un attroupement se former peu à peu autour de deux silhouettes sur lesquelles j'arrive vite à mettre des prénoms. Intérieurement, je jure, c'était sûr que ça allait arriver connaissant Paula. Pauvre Elois, lui qui n'avait rien demandé à personne.

— Tu as vu les affiches, toi ? ajoute Prune tout en baissant la voix pour ne pas être entendue bien que tout le monde soit au courant.

     Je soupire bruyamment pour bien lui faire comprendre que oui, j'ai vu ces foutues affiches et de ce fait lui faire part mon avis dessus. Comment peut-on faire ça à quelqu'un, qui que ce soit ? Et qui est derrière tout ça ? Comment cette ou ces personnes ont eu l'information, que moi, la meilleure amie d'Elois, je n'avais même pas, soit disant passant. Et, ce n'est pas comme si je n'aurai pas compris, ou mal pris, je suis quand même une des personnes de son entourage la mieux placée pour le soutenir et l'aider. Mais non, cet idiot n'a pas daigné m'en parler, par peur sûrement, et maintenant ça va être compliqué pour lui de surmonter et d'assumer le contenu des affiches.

     En voyant que de plus en plus de gens se rapprochent de mon meilleur ami et de sa copine, je décide qu'il est temps pour moi d'intervenir. Après tout, même s'ils me méprisent tous, j'arrive à m'assumer maintenant et peu à peu leurs remarques rentrent par une des mes oreilles pour finir leur course à la sortie de la deuxième. J'annonce donc à Prune que je vais sortir Elois de cette situation vraiment déplaisante car, le connaissant, il va paniquer et risque de dire ou de faire quelque chose qu'il ne faut pas. Alors, oui, je sais qu'il est grand et qu'il peut se débrouiller seul, mais je me suis promis de veiller sur lui pour ne pas qu'il finissent comme moi, sa confiance en lui envolée et le cœur brisé. Mais, je doute être vraiment à la hauteur puisque ce sont certainement les deux qui vont lui retomber dessus après cette sorte d'affrontement contre Paula.

     Je me dirige donc d'un pas vif et décidé vers la foule de lycéens déchaînés. Ils sont tous là, à épier la moindre petite chose intéressante pour nuire à Elois. Ce sont des animaux, ils sont à l'affût, prêts à sauter au moment venu. Je trouve ça véritablement horrible et inhumain, mais pourtant la plupart des Hommes sont comme ça. C'est vraiment malheureux.

     Arrivée au niveau des plus reclus de l'énorme groupe, je joue des coudes et compte sur ma petite taille pour me permettre de me faufiler parmi les élèves écrasant Elois d'insultes. Je traverse la masse humaine, recevant des coups par-ci, des réflexions par-là. Tout le monde pousse, mais je finis par atteindre Elois avec soulagement. Paula n'est plus là, je la vois s'éloigner vers les casiers, retrouvant ses très chères amitiés superficielles. Une bonne partie du groupe de lycéens a suivi le mouvement est s'est progressivement éloignée. Mais, il reste encore tous les curieux aux aguets pour trouver la moindre faille qui épient mes gestes et ceux d'Elois.

     J'essaie de passer outre tout ça et me focalise sur mon ami. Ses cheveux bruns sont en bataille, et ses yeux verts complètement vides. Vides de toutes émotions, de tous sentiments. Voir ses iris ainsi dépouillés de leur vitalité me pince le cœur, Paula l'a vraiment brisé. Je me revois, moi aussi, les prunelles pleines de rien figées dans le vide pour servir de miroir à mon cœur en morceaux. Il l'est toujours d'ailleurs, et je ne sais pas si, un jour, il sera de nouveau réparé, avec juste les quelques fissures qui indiquent qu'il a fini par terre, fracassé.

     Mais, ce n'est pas le moment de penser à ça, et Elois qui chancelle, comme si ses jambes ne le portaient plus, me ramène à la réalité. Je le rattrape de justesse et place mes mains sous ses aisselles pour le redresser un peu. Il s'écroule sur l'aide que je lui apporte et je sens tout son poids arriver sur moi d'un coup. Je fais un effort, et me mets à marcher dans l'espoir que même après un semi malaise, il puisse me suivre ; il ne fait pas bon rester là, aux côtés de tous ces élèves qui nous lorgnent et même pour certains qui nous sifflent.

     Elois grommelle lorsqu'il comprend qu'il va devoir marcher, mais me suit. Et, à deux, clopin clopant on se dirige vers les toilettes - ou plutôt je nous dirige - sous un soleil haut dans le ciel sans aucun nuages à part ceux qui envahissent nos âmes liées. À l'intérieur, j'allume un robinet et éclabousse le visage du brun debout, sur ses jambes encore tremblantes, à côté de moi. Il pousse un petit cri de surprise, puis laisse dégouliner l'eau sur son visage, la mêlant à ses pleurs qu'il n'essaie même plus de me cacher. Et le voir pleurer ainsi à mes côtés me fait mal à un point où mon âme commence à lâcher quelques larmes invisibles et silencieuses. Le soleil a bel et bien disparu.

***
(so, deuxième apparition xD)
Ce chap tu l'trouves comment ? Mieux que l'autre, moins bien, pareil ou autre ? Et Aglae, tu l'as trouves comment ? Tu préfères elle ou Elois ? ^^

~ Il_lu-s_ion ~

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