Rayon de toi | roman

Chapitre dix sept : Elois

Média : Sensible — Eddy de Pretto

     Lorsque j'ai retrouvé Aglae à l'hôpital à neuf heure trente six très précisément ce jeudi matin, j'ai cru que j'allais commettre le meurtre de Joshua Dabel dans l'heure qui suivait. Comment a-t-il osé ? Ce connard l'a envoyé à l'hôpital. À l'hôpital ! Heureusement pour lui, Aglae n'a rien. Elle est juste traumatismée. Mais pour ce qui est de ses blessures, elle s'en remettra et il n'y a pas besoin d'opérations ou autre. Un vrai coup de chance selon les médecins, elle aurait pu avoir le nez cassé, voire même des côtes ou sa mâchoire. Mais, seules deux ou trois de ses dents le sont. Je suis tellement soulagé que je n'ai même plus eu envie d'aller mettre une raclée à ce débile profond. Enfin, c'était juste sur le moment. Je sais que si je le revois maintenant, il va souffrir. Oui, la violence ne résout rien et je ne vaudrais pas mieux que lui si je le frappe à mon tour, mais je m'en fous. Il n'avait pas le droit de faire du mal à Aglae. Mais il l'a fait et il a largement dépassé les limites.

     Elle est restée une bonne partie de la journée à l'hôpital, le temps qu'on lui fasse tout un tas d'examens et je ne sais pas trop quoi. J'avais pas vraiment la tête à ça. Tout ce que je voulais c'était faire sa fête à Joshua, mais je pense que tout le monde présent autour de moi l'avait bien compris. Je devais avoir une tête si tendue et des yeux qui lançaient des éclairs de rage que ma colère ne passait pas inaperçue.

     Je n'ai pas été en cours de la journée. Je n'en avais pas envie. Je n'ai même pas parlé à mes parents de ce qu'il est arrivé à Aglae, je sais qu'ils s'en fichent de toute façon. Je ne suis pas rentré chez moi pour autant. J'ai passé la journée aux côtés d'Aglae ou dans les couloirs de l'hôpital lorsque je n'avais pas le droit d'être avec elle.

     Et là, je suis sur l'un des huit plongeoirs de la piscine où je viens nager quasiment tous les jours. Elle s'appelle Camille Mufat, je trouve ça beau et vraiment symbolique comme nom. Et, je suis toujours content de nager dans l'une des nombreuses piscines qui portent ce nom. Avant que je plonge, tout un tas de pensées se chevauchent dans ma tête. Je revois la journée défiler et puis encore et toujours Paula. Mais, je mets vite fin à toutes mes préoccupations et plonge enfin. L'eau m'emprisonne d'un coup et son contact me fait immédiatement tout oublier. Elle n'est ni trop froide ni trop chaude, juste à la bonne température et cela me fait du bien. Je me détends d'un coup. Après ma coulée relativement longue, je commence à nager. J'enchaîne les mouvements de bras tout en calant correctement ma respiration. En même temps, je bats des pieds à un rythme assez soutenu. Même si je ne suis pas échauffé, j'ai de la rage à revendre et j'en fais sortir une maximum en nageant. J'ai toujours fait ça, mais aujourd'hui je sens que c'est pire. J'ai besoin de me défouler comme je ne l'ai jamais fait. J'ai besoin de faire passer ma colère sur quelque chose, tout simplement pour éviter que ce soit Joshua qui se prenne tout. Même s'il le mérite, dans un sens ça ne ferait qu'aggraver mon cas et celui d'Aglae. Autant éviter.

     Je nage pendant une heure et demie, et même si j'ai un entraîneur et un entraînement à suivre, j'ai l'impression de nager juste pour moi. Il n'y a rien de plus que moi et mon corps qui glisse dans l'eau. C'est tout. Ça me fait un bien fou. Je me sens libéré. Et beaucoup mieux. J'aime tellement nager, c'est un peu comme si c'était ma drogue. Enfin, pas vraiment, mais j'en ai besoin pour être bien. C'est bête parce que c'est juste un sport et qu'en plus je fais de la compétition. Et dans la compétition, le but c'est d'être le meilleur, d'aller toujours plus vite. Je pense que peu de personnes aiment la natation pour la même raison que moi. Juste parce que c'est vital. Ça m'est vital. Je sais qu'Aglae ressent la même chose, on en a parlé des millions de fois tous les deux. C'est à la fois étrange et beau, je trouve.

     Une fois mon entraînement fini, je retourne dans les vestiaires. Les autres garçons du groupe ricannent tous ensemble, d'habitude je le fais avec eux, mais aujourd'hui je n'en ai aucune envie. Ça me paraît plus débile qu'autre chose, à-vrai-dire. Je me change en un temps record, et en deux deux, je suis dans le froid devant la piscine. Des fois, la mère d'Aglae ou son beau père viennent nous chercher mais aujourd'hui je dois rentrer seul à pied. Je n'en ai pas spécialement envie, il fait un froid de canard dehors et mes cheveux mouillés n'arrangent rien. Je sens quelques gouttes d'eau dégouliner le long de ma nuque. Je frissonne, je n'ai jamais aimé le mois de novembre et ce n'est pas près de changer. C'est à cette pensée que je réalise que le mois de décembre sera là dans deux jours seulement. Déjà. Ça fait presque sept mois qu'Helena a quitté le lycée. Ça me paraît être hier et en même temps une éternité.

     J'ai à peine parcouru un tiers de mon trajet que je vois une silhouette titubante s'approcher de moi. Avec la semie obscurité dans laquelle est plongée la rue, éclairée seulement par quelques rares lampadaires, je n'arrive pas à savoir si je connais la personne. Plus la distance entre nous deux se réduit, plus je comprends que cette personne est ivre. Elle ne marche pas droit, et semble crier des choses au ciel. Des choses que je ne comprends pas. Et soudain, je vois sa tête en plein dans une lueur de lumière. Joshua. Merde. Qu'est ce qu'il fout là ? Qu'est ce que je fous là ?

     Ses yeux se plantent dans les miens. Ils sont vitreux. Il est complètement défoncé. Tout comme me l'a décrit Aglae, il a des blessures partout sur le visage. Mais, je crois qu'il y en a plus encore que ce qu'elle m'a dit. Contre qui se bat-il ? Et dire que quelques heures plus tôt, je voulais moi aussi lui mettre mon poing en plein dans la tête. Je me dégoûte. Mais, lorsqu'il dit mon prénom avant d'éclater en sanglots, je comprends vite que quelque chose ne va pas. J'ai dû mal à croire que c'est ce même garçon qui a frappé Aglae ce matin même. Je n'arrive pas à croire que c'est celui contre lequel elle m'a dit qu'elle souhaite porter plainte. Tout ça parce que dans les yeux de Joshua je ne vois pas seulement son ivresse, je vois aussi sa détresse.

***
j'pense que tu sens que l'une des nombreuses vérités va bien éclater mdr
une idée sur la suite ? ce qui va se passer ?
c'est bientôt la fin de Rayon de toi, environ dix chaps max encore.
voilà c'est tout mdr

des_illusions