Rayon de toi | roman

Chapitre six : Aglae

Média : Dream — Jain

     Je fixe l'écran de mon portable, ébahie. Je relis le message que je viens de recevoir une bonne centaine de fois. Je comprends peu à peu les mots qui sont affichés et une douleur lancinante me parcoure tout le corps. Par à-coups, des mots me parviennent, des souvenirs aussi. Helena.

     Béate, je fais jongler mon regard entre mon téléphone, que tiennent mes mains tremblantes, et les iris d'Elois. J'y lis toute l'incompréhension qui m'habite également. Je lui montre alors, dans un geste légèrement tremblant et perdu, le message. Il se penche pour le lire et j'entends sa respiration s'accélèrer au fur et à mesure qu'il comprend lui aussi. Je le sens perdu, plein de questions auxquelles personne n'a de réponses. Je vis la même chose. Mais, la seule différence entre lui et moi, c'est qu'il est seulement le témoin de ma douleur. Je sais qu'il en souffre lui aussi, mais Helena n'était que son amie, et il ne vit qu'un manque, pas une trahison. Ça fait déjà plus de six mois et pourtant je ne m'en suis pas encore remise. Alors pourquoi revient-elle ? Pourquoi maintenant, après tout ce temps, après tout ça ? Et que veut dire ce message, exactement ? Qu'elle veut me revoir ? Qu'elle souhaite se faire pardonner ? Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de le savoir. Je voulais faire une croix sur mon passé, sur cette relation si mal terminée.

— Aglae, commence doucement Elois.

     Je me tourne brusquement vers lui, à demi présente dans la réalité. J'essaie peu à peu de reprendre mes esprits, d'être un peu plus lucide.

— Efface ce message, elle ne fait plus partie de ta vie, reprend mon ami, d'une voix qu'il veut douce mais qui est plus vexante pour moi.

— Mais, tu sais, elle envahit mes pensées et continue à vivre dans mon cœur. Elle me manque et là elle m'offre ce que je voulais le plus.

— Mais putain, Aglae, regarde le mal qu'elle t'a fait. Regarde comment tu es maintenant, à cause d'elle !

     Je déteste quand Elois hausse le ton. Il n'est pas de nature violent mais lorsqu'il s'énerve, pour protéger quelqu'un qui plus est, ça peut aller très loin. Pourquoi veut-il absolument m'empêcher de répondre à ce sms ? Parce que oui, j'avais l'intention de le faire mais Elois me connait si bien qu'il l'a deviné. Ça me fait presque peur, à force de le côtoyer je comprends peu à peu que je ne peux quasiment rien lui cacher.

— Tu peux comprendre qu'elle me manque et que là, ce texto est l'occasion rêvée quand même ?! m'indigné-je.

— Aglae, je cherche seulement à te protéger. Je ne veux pas que tu sois encore une fois malheureuse à cause d'elle.

     Je me concentre un peu sur ma respiration pour éviter de laisser la colère prendre le contrôle. Je la sens peu à peu monter en moi. Si je ne me calme pas vite, le bouchon va sauter. Et, dès lors j'aurai tout gagné...

— Mais de quoi tu veux me protéger au juste ? Elle ne t'a rien fait, Helena, que je sache. Tu devrais t'estimer heureux. Par rapport à moi tu n'as rien, commencé-je à m'énerver.

— Putain, tu ne comprends vraiment pas que c'est te voir mal qui me blesse ! hurle presque Elois, hors de lui.

     J'ai alors l'impression de me prendre une claque. Je m'arrête sur le trottoir où nous sommes et m'adosse au portail qui se trouvait là. Le brun remarque mon arrêt et fait de même à son tour. Il me regarde avec des interrogations plein les yeux. Je lui renvois un regard noir, je ne suis pas d'humeur à répondre à ses questions.

— Elois, tu piges qu'elle me manque énormément, commencé-je tout en parlant lentement comme pour tenter de ne pas m'énerver une fois de plus. Et puis, oui, je l'aime toujours. Je lui ai dit de partir mais tu peux pas savoir combien ça m'a fait mal. Je m'en veux pour ça.

— Je- je veux pas que tu sois brisée une deuxième fois, déclare Elois d'une petite voix, le regard fuyant.

      À côté de nous, les voitures passent et nous éclaboussent de temps à autre quand elles roulent dans les flaques que la pluie a laissé le matin même. Je suis à quelques maisons de chez moi, mais pourtant je n'ai pas envie de m'y réfugier en courant, comme on pourrait le penser. Je veux juste mettre les choses au clair entre Elois et moi à propos d'Helena. Elle m'a déjà assez pourri la vie pour qu'en plus je me dispute avec mon meilleur ami à son sujet.

— T'en fais pas pour moi, d'accord.

     Il se tourne enfin vers moi et je peux voir ses yeux marrons embués. Qu'est ce que je lui fais subir ?

— Fais pas de conneries, hein, dit-il dans un sourire un peu triste.

      Je hoche la tête et me rapproche de lui pour caler mon visage contre son épaule. Mon souffle se répercute contre son manteau noir, et je sens que peu à peu, mon meilleur ami se détend. Il en va de même pour moi, ma respiration qui ralenti en est la preuve. Au fur et à mesure, je me sens apaisée. Je suis heureuse de connaître Elois et de l'avoir pour meilleur ami. Sans lui, le soleil ne serait pas le même.