Chapitre treize : Elois

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Média : girls — girl in red

     Il est 18h00. La sonnerie vient de retentir. Après avoir rangé mes affaires, je sors tranquillement de la salle 409 où je me trouvais. Je ne me presse pas pour sortir du lycée. Aglae a terminé une heure plus tôt aujourd'hui, et je ne vois donc pas l'intérêt de me dépêcher si c'est pour arriver chez moi plus vite. Apollin est sur mes talons, mais il accélère le pas pour se mettre à ma hauteur.

— Ç'a te dit d'aller skater d'main aprem ?

Je le regarde, perplexe.

— On a pas cours demain aprem ?

C'est à son tour de me fixer avec étonnement. Puis, il répond lentement comme pour bien que je comprenne ses paroles :

— Bah on est mercredi, demain.

     Je hoche la tête distraitement puis réponds par l'affirmative pour la sortie skate de demain. Intérieurement, je saute de joie. J'aime tellement nos après-midi skate, ça me fait un bien fou. Bon, par contre, il faut que j'évite de me blesser ; je ne peux pas le permettre de louper les compétitions de natation, ni les entraînements, d'ailleurs.

      Nous arrivons en bas, faisant face à la grille du lycée. Et, au loin, j'aperçois Aglae. Je cligne des yeux, ne comprenant pas ce qu'elle fait ici. Mais, c'est bien elle avec son manteau en laine rempli de pims et de broches. Elle fixe ses chaussures, de vieilles converse noires et usées, si bien que je n'arrive pas à savoir si elle attend quelqu'un - moi, en l'occurrence - ou si elle est juste perdue dans ses pensées. Quoique, dans ce cas-là, ça ne m'explique ce qu'elle fait devant le lycée alors qu'elle a fini les cours une heure plus tôt. Apollin ne semble pas l'avoir vu, alors je le shake rapidement en lui disant à demain. Il doit sûrement se demander ce qu'il m'arrive pas ne fait pas de commentaires. Et puis, de toute façon, je m'en fiche ; Aglae n'a pas l'air bien.

     Je m'approche d'elle et elle ne relève toujours pas la tête. Ça me fait peur. Que s'est-il passé ? Je contourne des gens, en frôle d'autres dans l'ambiance réelle de la vie. J'ai l'impression d'être détaché de tout ça, en ce moment. Les affiches, les révélations, la rupture, les remarques, les insultes, le retour d'Helena, toutes ces petites choses qui pourraient paraître insignifiantes me font tourner en bourrique. Et surtout, elles me labourent le cerveau. Je n'en peux plus.

     Autour de moi, les gens rient, parlent, crient, sourient. Ça me manque. Je sombre peu à peu. J'ai peur. Je ne veux pas qu'Helena revienne. Pas après tout ça. Je ne veux pas que ma bisexualité détruise ma vie. Pas après avoir réussi à le dire à mes parents - bien que ce n'était pas volontaire. Je ne veux pas avoir mal à cause de Paula. Pas après tout ce qu'elle m'a dit. Je ne veux rien de tout ça. Et j'en ai peur.

     J'arrive près d'Aglae lorsqu'elle relève la tête et me voit. Elle sourit. Un petit sourire aussi timide que craintif. Le soulagement m'envahit d'un coup, au moins, même s'il y a toutes ces dommages collatéraux pour me pourrir la vie, elle est là. Et ma présence la rassure. Du moins, je pense puisqu'elle semble se détendre un peu. Elle se met à marcher sans un mot et je la suis. Elle paraît faible, et je me déteste de penser ça. Je sais bien que c'est faux. Mais, emmitouflée dans son manteau elle semble sans défense. Je me crispe à cette simple pensée, c'est moi qui suis censé la protéger, être sa défense contre les autres. Mais, je suis en train d'échouer. Lamentablement.

     Nous marchons tous les deux, sans décocher un regard ni débiter une parole. Nous ne faisons même plus vraiment attention à ce qui se passe autour de nous : les gens qui marchent, ceux qui passent en coup de vent sur leur vélo ou trottinette, les voitures qui roulent à n'en plus finir, celles qui sont garées n'importe comment. Nous sommes dans une bulle, à la fois ensemble et séparés. C'est apaisant. Je ne sais pas où nous allons mais nous y allons. D'un pas vif mais las à la fois, un peu comme nos esprits. Aglae me guide silencieusement et moi je la suis sans piper mot.

     Nous restons longtemps dans le silence, comme si nos présences avaient disparu. Comme si nous nos vies ne comptaient pas. Le silence fait parfois de magnifiques choses. C'est beau à voir. Comme le soleil.

     Puis, Aglae se lance. Enfin plutôt, elle craque.

— Il... Il m'a insultée. De gouine. De sale gouine. Il m'a... Il m'a plaquée contre la grille et... Et, il a faillit me gifler.

     Mon sang se glace. Aglae pleure. Son visage est rempli de larmes. Mon cœur se serre. II n'a pas le droit. Il n'a pas le droit de l'insulté. Il n'a pas le droit de la frapper - même s'il ne l'a pas fait, il a failli - et c'est déjà trop. Il n'a pas le droit de la mettre dans cet état là. Il n'a pas le droit de lui faire subir ça. Il n'a pas le droit de lui faire du mal. Pourtant, il l'a fait. Et moi, je n'étais pas là pour la protéger. La culpabilité me tord le ventre au même titre que la colère. Je me hais. Mais surtout, je hais Joshua.

     Je ne demande aucune explication à Aglae. Je l'assois juste sur le muret d'un portail, celui que se trouvait là. Puis, je m'assois à mon tour. Le rebord est froid et humide. Ça me donne des frisons. Ma meilleure amie sanglote encore, enfin même, elle pleure à grosses larmes. Je l'attire contre moi, et passe mon bras autour de sa taille. Elle pose sa tête contre mon épaule et respire un grand coup. Notre proximité la rassure, je crois. Tant mieux, comme ça je me sens moins inutile. Mais, j'ai l'impression que ces jours-ci, nous avons plus besoin de contacts physiques qu'autre chose. Les mots ne suffisent plus.

— J'en peux plus, Elois...

     Mais, les mots sont toujours présents. Et les maux encore plus, comme de gros nuages gris - presque noirs - qui ne partent jamais.

***
j'aime bien ce chap, il ramène un peu à la réalité
mais bon, le pire est encore à venir mdr
tu l'aimes bien aussi toi ? ^^

des_illusions

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