18 • Bloomington, Illinois

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Alex

Ma valise était enfin fermée. Je regardais autour de moi pour être sûre de ne rien oublier (une tâche pas très compliquée quand on se trouvait dans une chambre complètement vidée). J'avais embarqué les vinyles, le dessin de ma grand-mère et quelques bricoles que j'avais voulu garder.

Je souriais.

Ce qui s'était passé la veille avec Michael m'avait fait cogiter toute la nuit.

J'étais si heureuse de l'avoir retrouvé...

Et le fait d'être heureuse m'avait fait prendre du recul sur bien plus de choses encore.

Finalement, j'avais l'impression que tout dans ma vie n'était pas ruiné. Peut-être avais-je encore une chance de redevenir heureuse.

Michael m'avait en quelque sorte donné cette chance, mais aussi l'envie de remonter la pente. Les deuils de mon père et ma grand-mère, l'impression que la Terre entière était tournée contre moi... J'avais envie de tout vaincre. Comme si j'avais une promesse de bonheur une fois tout ça surpassé.

J'étais sûrement un peu égoïste, mais ça faisait tellement longtemps que je me sentais au fond du trou que savoir que j'allais bientôt m'en sortir me faisait du bien.

Je fis glisser la fermeture éclair de mon sac à dos avant de le faire basculer sur mon dos.

Je regardais la pièce vide, sac sur le dos, main sur la poignée de ma valise. Les prochains propriétaires n'avaient aucune idée de ce que cette maison avait vécu. Je pouvais encore sentir le chocolat chaud que ma grand-mère m'avait préparé pour me consoler. L'odeur des cheveux mouillés de Michael qui me réclame une serviette. Ces tiroirs qui ne veulent pas s'ouvrir sans qu'on force.

Ce matelas sur lequel je m'entraînais à devenir acrobate devant mon père.

Il y avait un endroit où le papier peint (que je trouvais autrefois hideux mais qui aujourd'hui me réconfortait) s'était décollé. Je m'emparai d'un stylo dans mon sac et grattait sur le mur dessous : « prenez-en soin ».

Je faisais un dernier tour de la vieille maison que je laissais derrière moi. Les pièces vides. Les souvenirs invisibles ancrés dans les murs. Je regardais chaque coin de chaque pièce, même si je n'y avais jamais prêté attention de ma vie. Je ne voulais rien oublier de cette maison. J'y avais vécu trop de choses, je voulais me souvenir de chaque détail. Du sens dans lequel les portes s'ouvraient, des défauts sur les murs, de la couleur étrange des moquettes...

- Le taxi est là, ma grande.

- Oui... dis-je pensive.

Ma mère m'approcha curieuse et regarda dans la même direction.

- Quelque chose ne va pas ?

- Non, non ! Tout va bien ! Je me demandais juste si cette couleur apparaissait dans quelconque nuancier... pouffai-je.

- C'est vrai qu'elle est laide ! grimaça ma génitrice en gloussant elle aussi.

Je souris de plus belle.

Cette fois c'était sûr, un nouveau chapitre venait de commencer.

Winter [Summer 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant