2 • Nausées

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Alex

Est-ce que ce mec pouvait arrêter de me fixer ? Ça sera pas moi qui clignerai des yeux en premier.

- Perdu, mima-t-il sur ses lèvres, moqueur, lorsque mes yeux furent trop secs pour que je les tienne ouverts.

Je soupirai et m'enfonçai dans mon vieux siège inconfortable du train. La voix grésillante du conducteur résonna soudainement dans le haut-parleur pour nous demander de rassembler nos affaires et de faire attention à ne rien oublier. Je donnai quelques coups de coude à ma mère pour la tirer de son sommeil, tout en attrapant nos vestes.

- Combien de temps on reste, déjà ?

- Une semaine.

Je soupirai, puis attrapai mon sac-à-dos avant de descendre du train, suivie de près par ma mère. Sur les quais, je recroisai le garçon de tout à l'heure qui m'adressa un clin d'œil. Nan mais pour qui il se prend, lui ?

On était arrivé. Ça se sentait. Une odeur nauséabonde de pollution industrielle flottait jusqu'à nos narines. Gary.

Ma mère avait embauché des déménageurs, censés arriver le surlendemain. En attendant, on devait faire le tri entre ce qu'on donnait ou vendait, et ce qu'on gardait. Elle m'avait expliqué tout cela dans le taxi qui nous emmenait Jackson Street, et je l'avais écoutée d'une oreille distraite.

J'avais cherché tous les prétextes pour ne pas l'accompagner. De la grippe aux révisions d'examens importants. Mais ma mère ne pouvait pas s'occuper de tout ça toute seule, alors je n'avais pas eu le choix.

À vrai dire, avoir à aider ma mère était la troisième raison pour laquelle je ne voulais pas venir. La seconde était le fait que retrouver cette maison sans ma grand-mère allait me faire un vide énorme et que j'avais peur de ne pas le supporter. Ma grand-mère me manquait atrocement et je regrettais profondément de ne pas lui avoir rendu visite plus souvent. À elle et à la première raison. Michael.

En rentrant chez moi, la première - et la dernière - personne a avoir été au courant avait été mon père. Je savais qu'il avait eut tort de penser que Michael était comme la plupart des gens de notre âge à Gary, dealer ou violent, mais pourtant, j'avais décidé de l'écouter et de m'en éloigner. Parce que je connaissais mon père depuis plus longtemps que Michael, et que même s'il n'avait pas fait que des bonnes choses dans sa vie, je lui faisais confiance. Du moins pendant près de neuf mois.

C'était horrible. J'étais allée le voir à nouveau, m'attendant à le retrouver derrière la vitre vêtu de son habituelle combinaison orange. Mais quand j'avais présenté mes papiers, le gardien avait froncé les sourcils. « Vous avez reçu une lettre, déjà, non ? » il a commencé. « Les personnes dans le couloir de la mort n'ont pas le droit aux visites. »

Ma mère m'avait caché la lettre. La lettre qui disait que de nouvelles preuves avaient été trouvées contre mon père. Des choses horribles qui m'avaient retourné l'estomac. J'avais pleuré pendant des jours et des nuits. Puis j'avais fini par faire mon deuil. Le deuil d'une personne qui n'avait même pas encore été exécutée.

Et puis je n'avais plus jamais osé revenir à Gary. Non seulement parce que Michael m'avait probablement oubliée ou bien me détestait, mais aussi parce qu'il savait ce que mon père était supposé avoir commis. Et que dorénavant, ce n'était plus une supposition. Joe ne voulait déjà plus entendre parler de moi, revenir aurait été inutile. C'était donc intentionnellement que je n'étais pas retournée à Gary, et je comptais bien rester loin de cette ville.

Winter [Summer 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant