❽ Jamais vu

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- Tu devrais peut-être mettre une tenue plus adaptée...
- Si adaptée pour toi signifie une tenue moulante qui n'offre aucune protection au combat, tu peux toujours courir. Je ne serai même pas sur le terrain !

Rumlow et Eleanor s'affrontaient du regard, ignorant l'air ennuyé qu'arborait le reste du groupe. Ils avaient passé une nuit très courte, ayant repassé leur plan au peigne fin et bien sûr, les piques ne finissaient plus entre la russe et l'américain.

Barnes se tenait à l'écart, perdu, mais près à intervenir au moindre écart de ses coéquipiers. Il ne tenait pas à ce qu'Hydra s'en prenne à la personne qui pouvait le sauver. Il prit une grande inspiration lorsque des éclats de voix le ramenèrent à la réalité. Le duo se disputait toujours tandis que les autres hommes murmuraient entre eux :

- Qui sera le premier à embrasser l'autre ?
- C'est une blague ? soupira l'un. Il y a de forte chance que Rumlow lui tire dessus.
- Il lui aurait déjà tiré dessus si elle avait été un de nous, remarqua un autre. Je parie vingt dollars que Rumlow a le béguin pour elle.
- Pourquoi parier sur quelque chose d'aussi évident ? Moi je veux savoir à quel moment est-ce qu'elle va coucher avec lui...

Un énorme fracas fit sursauter le groupe, qui se tourna comme un seul homme vers l'origine du bruit. Eleanor se tenait droite, son bras levé vers le plafond et son doigt toujours appuyé sur la gâchette de son revolver. Elle le baissa lentement, dans un silence assourdissant, avant de demander d'une voix très calme :

- Vous avez fini ?

Les soldats baissèrent la tête, tendus. Eleanor remit son arme dans sa ceinture, et fit signe à Barnes de la suivre. Elle jeta un dernier regard à Rumlow et sortit de la pièce, un sourire en coin plaqué sur ses lèvres.

- Je les hais de tout mon cœur, avoua-t-elle sans se départir de son sourire.
- Vous êtes amoureuse de Rumlow ?

Le soldat n'avait jamais vu quelqu'un avoir l'air aussi outré et trahi que celui qu'affichait la russe.

- Moi ? Amoureuse de lui ? Jamais ! s'écria-t-elle, horrifiée. Quelle horreur !

Le soldat fit la grimace et haussa les épaules.

- Vous méritez mieux.
- Je ne mérite rien du tout...

Une sonnerie retentit et Eleanor sortit son téléphone de sa poche, les sourcils froncés. Elle étouffa un juron et prit le bras du soldat pour l'attirer à sa suite. Il remarqua qu'elle le tenait du bout des doigts, comme si elle était dégoûtée à l'idée de le toucher. A cette pensée, il ralentit, mais Eleanor finit par lui saisir fermement son poignet et se tourna vers lui, inquiète.

- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Où allons-nous ?

La jeune femme ne lui répondit pas. Elle s'engouffra dans sa chambre, récupéra son sac et se mit à le fouiller frénétiquement. Elle en sortit une petite boîte noire, et l'ouvrit pour faire rouler une dizaine de pilules dans sa main. Barnes les regarda attentivement, curieux. Il y en avait de plusieurs genres, et leur taille variait, mais il était sûr de ne les avoir jamais vu.

Eleanor attrapa une bouteille d'eau de son sac et avala toutes les pilules en deux gorgées. Elle grimaça, avant de soupirer et de tout remettre à sa place. Bucky la regarda faire, sans un mot.

- Non ce n'est pas de la drogue, ce sont des médicaments, j'en ai besoin.
- Ils te servent à quoi ?
- A m'empêcher de mourir.
- Tu n'es pas armée.

Eleanor haussa un sourcil, tandis que Barnes fronçait les sourcils.

- Quoi ? s'écrièrent-ils en même temps.
- Vous allez mourir ? demanda le brun, les yeux écarquillés.
- Non, tant que je prends mes médicaments, je vais bien. Et non je n'ai pas d'arme, merci de vous en inquiéter...

Le soldat prit la main d'Eleanor, sortit un couteau de sa poche et le posa dans la paume de sa coéquipière en la faisant sursauter. Elle ramena sa main contre elle, son air oscillant entre le dégoût et l'incrédulité.

- Qu'est-ce que vous faites...
- C'était ma deuxième condition, lui rappela le soldat d'une voix grave. Vous devez toujours être armée en ma présence. Quoi qu'il arrive.
- Pourquoi est-ce que vous y tenez tant ? demanda Eleanor en penchant sa tête sur le côté.
- Je...

Le sergeant regarda la sol, les sourcils froncés.

- Je ne sais pas.

Le cœur d'Eleanor se serra. Elle l'avait déjà vu avec cette expression, et elle était toujours liée à un souvenir qu'il avait oublié. Parfois Eleanor pouvait l'aider en mentionnant subtilement un événement qu'elle avait lu dans son dossier. Mais elle ne savait pas tout ce qu'il avait vécu, et la seule chose qu'elle pouvait faire à ce moment là était de le regarder silencieusement et d'attendre qu'il revienne à lui.

Il n'y eût aucun bruit pendant une bonne dizaine de minutes, lorsque le sergeant releva la tête, perdu.

- Où sommes-nous ?
- New-York, pour notre mission, lui rappela doucement Eleanor. Tuez Fury, ramener la paix dans le monde. C'est pour le bien de tous.

L'agent hocha la tête, peu convaincu, mais il en dit rien. Il se contenta de suivre Eleanor hors de la pièce, pour rejoindre le groupe. Ils devaient tous se rendre à des points stratégiques de la ville pour s'assurer du bon déroulement de la mission. Bucky allait être aux premières lignes, accompagné d'une dizaine de policiers d'Hydra. Eleanor, Rumlow et une poignée d'autres agents allaient donner les directives depuis leur salle de contrôle, où ils comptaient suivre toute l'opération grâce aux caméras placées partout dans la ville.

Eleanor avait l'impression de vibrer d'excitation et elle se retourna vers le soldat de l'hiver.

- Vous comptez vous battre habillé comme ça ? demanda-t-elle en continuant de marcher à reculons.
- C'est la tenue qu'Hydra m'a donné, répondit Barnes en penchant la tête sur le côté, surpris par la question.

La jeune femme ressentit soudain une énorme bouffée de colère à l'égard d'Hydra. Tout dans la tenue du soldat criait qu'il était un animal sauvage. Sa veste ressemblait à une camisole de force, la tenue que portait certains malades mentaux considérés comme instables et dangereux pour les autres. Les bandes en cuir qui enserraient son torse renforçaient cette sensation, et Eleanor remarqua le masque et les lunettes qui pendaient à son cou. Plutôt que de protéger son identité, Hydra le faisait taire.

Eleanor bouillait tant qu'elle s'arrêta et annonça :

- Après cette mission, on s'en va.
- A la base ?
- Non. Ailleurs. Je ne sais pas encore où... Mais je vais vous faire sortir de là, jura la jeune femme avec détermination.

Opération HéraclèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant