Opération Héraclès

❶⓪ Hush

Eleanor contemplait l'ampleur des dégâts, beaucoup trop lasse pour réagir.

- Qu'est-ce qui vous ait passé par la tête ? soupira-t-elle, les bras croisés.

Le groupe d'homme devant elle gardait leurs yeux baissés, redoutant le moment où Eleanor abattrait ses foudres sur eux. Pourtant, la jeune femme leur fit signe de sortir sans un mot, et ils s'exécutèrent. Le seul homme restant était le soldat de l'hiver, et il refusait de croiser le regard de sa coéquipière. Celle-ci ferma la porte à double tour avant de retourner près du soldat.

- Ce n'est pas toi que je réprimandai, ne t'inquiète pas, fit la jeune femme avec un sourire rassurant.

Barnes releva la tête et lui offrit un regard de chien battu. Les autres agents n'avaient pas trouvé de meilleure idée que d'appliquer du charbon sur les yeux du soldat, pour "qu'il soit plus discret dans la nuit". Les américains étaient d'une stupidité.

La jeune femme tenta d'effacer les marques mais elle abandonna très vite en les voyant s'agrandir. Elle fit la moue avant de lâcher :

- On va faire avec pour ce soir.
- Vous avez trouvé Fury ? demanda le soldat d'une voix grave.
- Il se cache dans l'appartement de Steve Rogers... Il faut qu'on le tue, et vite.
- Steve ?

Eleanor se figea, tendue. Le soldat avait froncé des sourcils, avant de la fixer, l'air absent. La russe s'approcha du soldat et frôla de ses doigts la joue de l'homme.

- Steve Rogers est Captain America. Tu ne dois pas le tuer, juste Fury. D'accord ?

Le soldat hocha doucement la tête, et Eleanor s'écarta rapidement de lui.

- Bien, on y va. Maintenant.

Le duo se rendit au parking du sous-sol, et Eleanor ouvrit la portière conducteur, une moue boudeuse au visage.

- Quelle horreur, grogna-t-elle en démarrant la voiture.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le soldat en s'installant à côté d'elle.
- Je hais conduire, grommela la russe en sortant du parking et en s'engageant sur la route.
- J'aurai pu...
- Je voulais que tu te concentres pleinement sur ta mission.

Eleanor lui lança un regard rapide avant de retourner son attention sur la route. Elle remarqua très vite que les yeux du soldat ne l'avait pas quitté une seule fois depuis qu'elle avait démarré la voiture. Elle voulut parler mais son coéquipier fut plus rapide.

- Pourquoi avez-vous peur des avions ?

Les mains de la russe se resserrèrent sur le volant, mais elle resta silencieuse devant le raisonnement du soldat :

- Vous êtes une femme intelligente. Le risque qu'on s'écrase est...
- Complètement minime, je sais. J'ai plus de chance de nous tuer maintenant que si vous étiez au commande d'un avion.
- Alors pourquoi ?

Eleanor prit une grande inspiration et passa sa langue sur lèvres avant de répondre d'une voix stable :

- Mes parents sont morts dans un crash d'avion.

Elle enclencha son clignotant pour dépasser une voiture, sous les yeux gênés de l'agent Barnes.

- Ils ont été abattus par un des appareils du SHIELD, sur les ordres de Fury... J'avais quatre mois.
- Mes condoléances.
- Avec tout le respect que je vous dois, je me moque de vos condoléances, Barnes. Ne prenez pas ça personnellement, continua-y-elle en lançant un sourire désolé au soldat, j'ai juste... beaucoup trop l'habitude de recevoir ce genre d'excuses.
- Qui... Qui vous a pris en charge ?
- Le colonel Zola l'a fait. Il m'a gardé chez lui jusqu'à ce que je sois assez grande pour rejoindre HYDRA.

Elle prit une grande inspiration et ajouta :

- Si je vous dis ça, c'est que pour vous compreniez quel est l'enjeu de cette mission sergent. Je sais qu'HYDRA adore les secrets, et que beaucoup de nos agents ne posent pas de questions. Je ne veux pas que vous fonciez aveuglément dans cette histoire sans savoir pourquoi vous devez intervenir.
- La sécurité avant la liberté, acquiesça Barnes.

Eleanor se détendit, et c'est l'esprit plus tranquille qu'elle s'arrêta face à l'immeuble de Steve Rogers. Elle fit signe au soldat de monter sur le toit, tandis qu'elle se rendait dans l'appartement qu'avait réquisitionné HYDRA pour la mission. A peine arrivée, elle ouvrit la fenêtre en grand et garda son revolver dans sa main, prête à tirer à la moindre menace.

Malheureusement, pour le bien de la mission, l'appartement dans laquelle elle se trouvait ne se situait pas face à l'appartement de leur cible, mais à l'opposé de l'immeuble. Elle ne pouvait donc pas voir ce qu'il se passerait entre Rogers et Barnes, et encore moins assister à l'assassinat de Fury.

Même si elle refusait de l'avouer, elle se sentait plus sereine à l'idée de laisser le soldat de l'hiver tuer Fury. Si cela lui permettait de comprendre que ce que faisait HYDRA était nécessaire...

Elle fut interrompue dans ses pensées par un fracas métallique. Elle s'avança lentement vers la fenêtre, son arme pointée devant elle. Le soldat de l'hiver tomba littéralement du ciel pour atterrir sur le bord de la fenêtre. Eleanor le tira dans l'appartement et le plaqua contre le mur, son arme toujours pointé vers l'extérieur. Elle plaqua sa main sur la bouche du soldat et souffla :

- Chut, ne faites aucun bruit.

L'ordre était inutile, les deux agents étaient connus pour leur discrétion, mais Eleanor préférait s'assurer que rien ne les fasse repérer. Elle attendit plusieurs minutes, le cœur battant, avant de baisser tout doucement son revolver, et souffler. L'adrénaline qui l'avait tenu jusqu'ici chuta très vite et elle faillit s'étaler sur le sol avant que le soldat la rattrape.

- Je vais bien, murmura-t-elle en pestant contre elle-même.
- Vous avez besoin de sucres, ou de médicaments...
- Tout va bien, assura-t-elle en regardant son coéquipier.

Elle se rendit compte qu'ils étaient proches, au point que leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et que la main métallique du soldat retenait toujours son poignet. Elle s'écarta d'un bond, s'arrachant à l'étreinte du soldat, et lança :

- Il faut qu'on y aille, avant que le SHIELD se mette à notre recherche.
- Fury est mort.
- Je sais, fit sa partenaire avec un sourire triste. Merci.

Le soldat fronça les sourcils, surpris, mais Eleanor ne s'en formalisa pas et se dirigea vers la sortie. L'agent Barnes la suivit, et c'est à peine cinq minutes plus tard que le duo repris la route, sous les échos des sirènes d'ambulance qui résonnaient entre les immeubles.