Anarchist

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Chapitre six :


Point de vue de Shin Aaron :


La texture du masque entre mes doigts me laisse une impression étrange, comme si ce tissu aux coutures criblées de capteurs sensoriels et physiologiques allait un part un m'arracher chaque parcelle de mon visage en l'enfilant, telle une sorte d'accessoire démoniaque. Mon instinct imagine déjà à quoi bon mon faciès peut bien ressembler sans sa première couche d'épiderme, les muscles de ma mâchoire visibles, plus de paupières ni de sourcils, des trous à la place du nez, une véritable calamité à l'aspect rougeâtre. Ou bien peut-être que cela va brûler mon visage et le retrouver tumultué si un fil du circuit électrique créer un court-circuit qui peut me le coûter si ce n'est ma vie. Mes orbes restent fixés sur ce gadget que je triture depuis cinq bonnes minutes, où mon cerveau se déconnecte complètement des événements extérieurs, la voix d'un des participants me paraît lointaine quand il s'exprime si ce n'est celle d'un des membres de l'entreprise, me voici là à lister tous les risques possibles et imaginables à le porter. Il est évident que pour accéder à la fameuse bêta qui nous réunit tous aujourd'hui, il n'y a pas d'autre alternative sur le moment et que si je ne le fais pas mes chances sont bien minces pour que je reste dans le projet. Finir évincer de celui-ci est plus qu'évident, et je peux dire adieu à découvrir en exclusivité le contenue du nouveau jeu que la planète tremble d'impatience de tester. Il y a aussi mon petit démon curieux sur mon épaule qui aurait aussi de la déception de s'arrêter si proche du but, mais ce n'est pas pour autant qu'elle fait taire mon appréhension, loin de là. Une boule au creux de mon estomac qui me hurle de ne pas enfiler cette chose sur mon crâne blond, c'est elle qui me laisse imaginer ces scénarios catastrophe survenant d'erreurs techniques mais peut-être qu'elle vient directement du jeu lui-même. Peu rassuré à l'idée de me trouver immergé complètement dans un monde factice où la trame de l'histoire est aussi floue. Mes yeux se ferment alors que je serre plus fermement le masque entre mes doigts, ou plutôt de l'air car sa matière s'est évanouie, disparu totalement de mon toucher. Quand je rouvre les yeux, toute trace de panique est visible sur mes traits, la salle d'essais de la black on black box n'est plus et celle-ci est remplacée par celle d'un fourgon rempli à craquer d'hommes en uniforme bien trop sécurisé pour ne pas être celui d'un simple homme de loi. Tout comme les équipements qui les composent, protections et armés jusqu'aux dents, déboussolé je ne fais que des mouvements de gauche à droite pour comprendre comment j'ai bien pus me retrouver ici sans mon consentement. Transféré dans ce qui ne peut être que le jeu. Ai-je mis le masque sans m'en rendre compte ? Je secoue la tête avant de trouver un minimum le retour d'un esprit plus sain, moins brouillé par ce mystère d'arrivé précipité dans Amearya, où j'ai du forcement à force de me torturer mentalement le tissu s'est retrouvé sur moi par simple automatisme.


-L'intervention dans le huitième a été difficile, nous avons des blessés mais aucune mort à déplorer. Vous avez fait un beau travail les bleus pour votre première intervention depuis votre diplôme. En tant que supérieur j'ai le devoir de vous rappeler que ça ne se passera pas toujours ainsi, ce ne sont plus des simples exercices à l'école de formation, vos erreurs du jour peuvent en faire payer des vies dans le futur dont la vôtre. Ce métier vous l'avez choisi, vous savez qu'il n'est pas rose et c'est un des facteurs qui vous l'a fait choisir alors ne vous décevez pas avant de me décevoir. Soyez encore plus durs avec vous-même que je le suis déjà les jeunes. Vous vous améliorez de cette manière.


Je lis les yeux plissés les paroles de cet homme d'âge murs qui donne un débriefing sur une opération dont je suis un des ressortissants, ses cheveux poivre et sel rasés presque à blanc et son air sévère sonde chaque personne entassée sur les deux bancs -à la taille ridicule en vue de la plupart des hommes imposants qui s'y trouvent-. Mon corps plutôt svelte détonne sans surprise avec les muscles à foison de mes camarades. Monsieur Lagar, tape ensuite dans ses mains après avoir checké du coin de l'œil le bipeur précédemment accroché à sa ceinture, le faible sourire qu'il arborait tombe à la vue des quelques mots inscrit sur le petit écran de cet objet qui était une révolution de son temps. Faisant mine de refaire mes lacets, je relève discrètement le nez pour lire les inscriptions verdâtres qui s'affichent encore sur ce dernier de nouveau à sa place. La traduction du français s'affiche automatiquement quand mes yeux s'apposent dessus, « Sorbonne, manifestation personne recherchée 31798945 », l'air de rien je me replace correctement dans le fourgon pendant que l'homme qui est mon supérieur donne des directives au chauffeur qui vire sans attendre violemment sur la gauche coupant la route à quelques conducteurs qui ne se gêne pas de faire entendre leur mécontentement à coup de klaxons virulents. Je m'accroche sans peine à la barre au-dessus de mon crâne, mes jambes plantées au sol me permettent de ne pas bouger d'un pouce, ce qui n'est pas le cas de tous mes collègues qui se retrouve bien secoué par ce virage. Dans ce véhicule où à l'arrière aucune vitre si trouve, je pourrais bien être à Agadir ou Mexico, le paysage ne m'aide absolument pas à la savoir si Lagar n'avait pas ouvert la bouche et que je n'avais pas lu le message sur son bipeur qui confirme parfaitement que nous sommes en plein Paris. Une ville dans laquelle j'ai vécu enfant, une courte durée certes dont je garde des souvenirs flous mais principalement heureux du peu que je me souvienne et qui à l'époque à laquelle je me trouve actuellement doit être quelque peu différente de celle de la fin des années quatre-vingt-dix début deux miles.

AMEARYA [En cours de Modification]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant