Maman trop tôt

I) Vive la rentrée!

A nos quinze ans.
A tous ceux qui les ont aujourd'hui.

Six heures trente. C'est la première chose que j'ai lu sur mon réveil après avoir ouvert les yeux. Aujourd'hui, c'est la rentrée. C'EST LA RENTRÉE. Pour un grand nombre de personnes, c'est un jour complètement ordinaire. Pour moi, c'est tout simplement une journée épuisante, monotone et remplie d'émotions; et oui, être ado, ce n'est pas de tout repos! Malgré cela j'avais hâte de revoir Pauline ma meilleure amie, et Jules, mon mec. Il me manquait tellement! Mes paupières recommençaient à se fermer pour la énième fois quand soudain j'entendis ma mère crier:

-Paloma! Tu vas être en retard alors dépêche toi à te sortir du lit où je te dépose au lycée en pyjama!

Ma mère utilisait cette phrase tous les matins depuis que j'étais petite; à ce moment là je pensais vraiment que ma mère était capable de m'emmener en pyjama à l'école, maintenant je n'y crois plus trop.
Je me levai alors, descendis les escaliers quatre à quatre pour me diriger dans la cuisine. A table, ma petite sœur , mon père et ma mère m'attendaient. Mon père, a moitié endormi, beurrait sa tartine sans décoller les yeux de son téléphone ( mon père est chef d'entreprise, il travaille beaucoup) , pendant que ma mère et ma sœur prenaient leur petit déjeuner. La routine quoi. Sans prêter attention à leurs moindres faits et gestes, je m'avançais vers la cafetière et glissai une tasse dessous.
Ma mère amorça la conversation:

-Bon Paloma, cette année c'est la seconde alors tu bosses, et tu ne recommences pas à traîner avec Pauline jusqu'à je-ne-sais-pas-quelle heure, compris?

Ça recommençait. On était le premier jour de l'année scolaire et mes parents me soûlaient déjà avec leurs histoires ! Je pouffai intérieurement. Visiblement, ma mère a dû entendre car elle m'a lancé la remarque suivante:

-Ne commences pas à jouer à ce jeu là, puisque tu vas perdre Paloma je te préviens! Il y a des règles dans cette famille et j'aimerais bien que tu les respectes et que tu montres l'exemple à ta sœur !

-Moi je travaille bien à l'école maman! répliqua alors Inès ( ma petite sœur) qui ne peut s'empêcher de jouer la lèche-botte.

Ne prêtant pas attention aux paroles de ma mère, j'avalais une dernière grande gorgée de café, avant de lancer à tout le monde « Bonne journée » avec un petit sourire malicieux. Je montais alors me préparer: je m'habillais très simplement: un jean, un tee shirt blanc et des baskets, de quoi faire l'affaire. Puis ma mère et moi montons dans la voiture afin de partir au lycée.
Bref, voilà un aperçu de mes journées de lycéenne.

Sept heures vingt et un. Je pense à Jules.

Sept heures vingt deux. Je pense encore à Jules.

Sept heures vingt trois. Je pense toujours à Jules.

Je recoiffais correctement mes cheveux en me regardant dans le rétroviseur tandis que ma mère conduisait, avec une mine épuisée. Ma mère, qui répond au doux nom de Marie, est femme au foyer. Elle a arrêté de travailler il y'a maintenant un an suite à une violente dépression, car mon père a eu une aventure. J'ai eu vraiment peur qu'ils divorcent, mais au lieu de cela ma mère a pardonné à mon père après un bon temps de réflexion. Je n'ai jamais su pourquoi, peut être qu'elle n'avait pas envie de briser notre famille...enfin bref. Nous étions arrivées au lycée, et Pauline m'attendait devant, surexcitée. La voyant, je m'empressais de descendre de la voiture à toute vitesse sans même dire au revoir à ma mère. Pauline se rua sur moi. Nous étions meilleures amies depuis maintenant 5 ans, et toujours aussi proches, malgré nos différences. Pauline est blonde avec des yeux bleus, je suis châtain avec les yeux verts. Elle a les cheveux lisses, je les ai frisés. Cela vient sans doute de mes origines péruviennes. Mais surtout, Pauline a du succès auprès des garçons, moi un peu moins, je dois être trop coincée. Enfin je n'ai pas à me plaindre: je sors avec le plus beau mec du lycée.

Nous nous précipitions alors vers les listes des classes avec Pauline.
-Ouiiii! On est dans la même classe ! sauta-elle de joie en me montrant la liste de près.
-C'est génial ! On va trop s'éclater!
Soudain, une idée me traversa l'esprit. Je me précipitai vers la liste afin de voir si Jules est dans ma classe. Je descendis mon doigt sur tous les noms de ma classe, mais je n'aperçus rien. Soudain je vis son nom, Jules MOISSON, en seconde quatre. Nous n'étions pas dans la même classe, j'avais la haine. Je tentai désespérément de le trouver dans la cour du lycée, mais je n'y parvenais pas malgré la foule. Rien ne se passait comme prévu.

Neuf heures cinquante six.

Treize heures douze.

Seize heures trente.

Je regardais tristement les heures défiler quand la sonnerie sonna la fin de ma première journée. A la sortie des cours, j'aperçus enfin Jules! Je me ruai alors sur lui, plus amoureuse que jamais.

-Salut chéri ça va ? lançai-je d'une voix enjouée.

-Ah c'est toi! Euh ça va et toi ?

Je sentais que quelque chose clochait dans sa voix, d'habitude il était doux, attentionné, bref AMOUREUX quoi. Je ne comprenais pas ce changement d'attitude, d'autant plus que l'on ne s'était pas vu pendant deux mois, après avoir passé toute une nuit ensemble avant les vacances.

-Ben ça va pas mon cœur ? lui demandais je d'une voix douce.

-Ben euh en fait j'ai un truc à te dire, répondit-il du tac au tac.

-Je t'écoute, soupirais-je.

-Je sais pas trop comment te dire ça en fait, je ne sais pas trop comment tu vas le prendre. Bon voilà j'ai rencontré quelqu'un, elle s'appelle Julia, c'est une fille vraiment formidable, elle sait faire tout un tas de trucs et elle...

- Euh qu'est ce que tu insinues là ? Le coupai-je.

-Toi et moi c'était vraiment génial, on a passé des moments vraiment cool comme la nuit avant les vacances, tout ça...

D'accord. Il faisait référence à la fameuse nuit que l'on avait passé ensemble avant de ne plus se voir pendant deux mois. Je ne voyais pas le rapport.

-Mais voilà on va en rester là, reprit-il.

QUOI?! Je me sentais détruite de l'intérieur. Comment pouvait il me remplacer aussi vite? J'avais envie de disparaître sous le sol ou de m'enfermer quelque part pour pleurer toutes les larmes de mon corps. Cependant je tentais de dissimuler mon émotion, et de ne pas m'effondrer (j'aurais la honte de ma vie devant tout le monde).

-Bon Ben ça me va...mentis-je en espérant qu'il change d'avis.

-Ok bon ben c'est cool alors, sans rancune! Salut ! Dit-il en me tournant le dos pour partir retrouver ses potes.

Quel enfoiré. Je me sentais humiliée.

Je suis rentrée chez moi, et me suis enfermée dans ma chambre à double tour. Ma mère est venue illico me voir et me demanda ce qu'il c'était passé. Après lui avoir expliqué que je m'étais faite plaquer, elle me consola ( ou du moins essaya) :

-Oh ma puce, c'est pas grave, si il t'as jeté c'est que ce n'était pas le bon! Allez séche tes larmes ma chérie.

A l'entendre, on aurait dit qu'elle en avait rien à faire de mes problèmes. J'avais passé la pire journée de toute ma vie, mais comparé à ce qu'elle avait vécu elle, ce n'était pas grand chose, c'est vrai. Quand mon père lui a avoué qu'il l'avait trompé, je l'ai détesté. Après cela, maman a fait une dépression tellement violente qu'elle l'a poussé à abandonner son travail. Maman adorait son job, et la voir comme ça, ce n'était pas possible. Puis elle lui a pardonné et tout est redevenu comme avant. Moi je ne pardonnerai pas à Jules, puisque plus rien ne sera comme avant.
Cela ne pouvait pas être pire. Après une bassine de larmes, je me suis endormie sur les genoux de ma mère, essayant d'oublier cette affreuse trahison.