III) Garder la foi

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En sortant du planning familial, l'angoisse me saisit.

-Alors? demanda Pauline.

-Je peux pas avorter j'ai dépassé le délai des trois mois, je suis obligée d'en parler à mes vieux, dis-je en m'écroulant par terre, les yeux inondés de larmes.

-Oh putain...s'exclama t-elle, je suis désolée ma Palo'...

Pauline passa plus d'une heure à me consoler mais en vain. C'était trop tard, je me dégoûtais en pensant à ce que les gens diraient de moi au lycée, mes parents...

Pauline en rajouta une couche:

-Il faudra quand même en parler à Jules, on sait jamais...

-Mais pourquoi faire ? On vient de rompre.

-Mais c'est lui le père Paloma tu ne peux pas lui cacher!

Cette fois ci, je me mis carrément à gueuler sur ma meilleure amie:

-Mais il en a rien à foutre! Il vient de me plaquer, je ne vais pas lui annoncer la bouche en cœur qu'il va avoir un gosse! Tu comprends pas de toute façon!

-Ok si je comprends pas ben je vais te laisser toute seule alors, allez j'me casse.

Le ciel me tombait sur la tête. Je n'avais plus de meilleure amie, plus de mec, mes parents me faisaient la gueule et pour couronner le tout, j'étais enceinte. A quinze ans.
Le soir, après être rentrée, nous passons à table avec mes parents. J'avais du mal à cacher mon secret, d'autant plus que ma mère m'avait demandé à plusieurs reprises si j'allais bien. J'avais peur qu'ils se doutent de quelque chose.
Mon père lui, était toujours sur son téléphone, ce qui commençait à agacer ma mère, qui lui lança :

-Miguel tu veux que je te découpe ta viande? Après tout, la bonne est là pour ça.

-Qu'est ce que ça veut dire ça encore? répliqua mon père sans lever les yeux de son précieux cellulaire.

-Ça veut dire que j'en ai marre que tu me prennes pour ta boniche! Cria ma mère en arrachant l'objet des mains de mon père, Je préférais encore quand tu me trompais avec ta pouffiasse.

La réaction de ma mère m'avait vraiment choquée. Elle n'avait jamais évoqué l'aventure qu'a eu mon père depuis un long moment, et n'avait jamais réagi ainsi. Elle devait vraiment en avoir bavé cette année, je crois qu'elle aurait préféré travailler plutôt que d'être au service de mon père, moi et ma sœur, d'autant plus que ce dernier n'était pas tendre avec elle.

-Ah ouais ? Il fallait bien que je revienne à la maison pour vous nourrir parce que tu ne travailles plus!

Cette fois ci, c'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Ma mère se mit a jeter une assiette par terre - celle d'Ines d'ailleurs - en criant:

-J'en ai marre ! JE VAIS DEMANDER LE DIVORCE!

Et elle quitta la table. Inès se mit a pleurer, elle est très sensible et ne supporte pas les engueulades des parents. En colère, j'ai décidé de mettre mon grain de sel en criant:

-Vous me gonflez tous les deux!

J'ai quitté la table également. Inès a également dû le faire, laissant mon père à table comme un vieux con.
Dans ma chambre, je me demandais comment j'allais leur parler de ma grossesse. Ce n'était absolument pas le moment. Je me mis alors à pleurer, en caressant mon ventre. Je me demandais si le haricot a l'intérieur était triste lui aussi. Je me demandais aussi si il ressemblait à Jules ou a moi. Cependant il me causait que des problèmes. J'allais anéantir mes parents en pleine crise de couple avec cette nouvelle. Je n'arrivais toujours pas à réaliser que j'allais être maman.
Sur ce, je rabattais mon tee shirt et me regardais dans mon grand miroir, pour constater ma prise de poids. J'avais le ventre un peu bombé, pas comme d'habitude -j'ai toujours été très mince- donc je commençais à chercher des stratégies pour cacher ma grossesse à mon entourage. En portant des vêtements amples, cela pourrait se cacher.
Rassurée, je me jetais sur mon lit en essayant de dormir.

Le lendemain matin, je mis un gros sweat en moumoute -version nunuche qui sort ses poubelles- mais au moins il me couvrait une grande partie du ventre. Je suis allée comme ça au lycée pendant environ deux semaines.
Pourtant le jour où j'allais annoncer ma grossesse à mes parents approchait, et à Jules aussi.

Le mardi 14 octobre. Je sors de la voiture, la boule au ventre. J'avais décidé d'en parler à Jules, malgré notre rupture. J'appréhendais vraiment sa réaction. Je suis alors allée le voir:

-Salut.

-Euh salut, dit il, surpris.

-Faut que je te dise un truc important, continuai-je.

-Sérieux je t'ai déjà dit que nous deux c'était fini, t'as besoin d'un dessin ou quoi ? ça me gonfle que tu sois pas capable de voir la réalité en face!

Mais quel enfoiré. Si j'avais su, j'aurais mieux choisi le père de mon bébé, afin d'éviter les cons dans ce genre. Pourtant il fallait que je lui dise, j'avais besoin de lui, je ne pouvais pas assumer un enfant toute seule. J'ai décidé d'y aller cash:

-Mais tu comprends rien! Je suis enceinte !

-Ah ben... C'est cool tu vis ta vie, je vis la mienne, dit-il en partant.

Je le rattrapais alors par le bras, en furie:

-Mais t'as rien compris! C'est toi le père !!!

A cet instant, il n'osa plus bouger, restait la bouche grande ouverte, en me dévisageant de la tête aux pieds. J'avais enfin réussi à le faire taire.

-Alors je voulais savoir si tu pourrais m'aider pour la garde quand il sera né, enfin c'est ton enfant à toi aussi tu comprends ! me rattrapais-je.

-Mais on a 16 ans! Je peux pas m'occuper d'un gosse moi! Et d'abord t'avais qu'à faire attention quand on a passé la nuit ensemble, pourquoi t'as pas pris la pilule?

-Mais j'hallucine ! Tu sais très bien que je prends pas la pilule ! Et c'est toi qu'avais oublié les capotes! Bon on en reparle plus tard, répliquais-je en partant.

Soudain, je m'arrêtais en plein milieu du chemin, et décidais d'imposer un ultimatum à ce crétin qui m'observait toujours :

-Ah oui j'oubliais, t'assumes ton rôle de père ou j'en parle à tes parents !

Maman trop tôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant