6. Un plan peu honorable (version éditée)

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Après avoir fort mal commencé sa journée, Thibaud décida de préparer son futur départ pour les Marches. Il s'entretint longuement avec son oncle de la situation entre Odeline et Gautier. Il n'hésita pas à marquer sa désapprobation à propos des agissements des époux Fougères :

— Sans vouloir vous manquer de respect, mon oncle, quel besoin aviez-vous de contracter cette promesse de mariage au nom de Gautier ? Il ne vous est pas venu à l'esprit qu'il refuserait cette union ? Ce n'est pas la première proposition d'alliance qu'il rejette !

— Justement ! Il en avait déjà trop refusé !

— Il avait ses raisons pour cela.

— Nous ne lui avions pourtant proposé que de bons partis. Les filles étaient saines, assez avenantes et possédaient des biens.

— Depuis le temps, vous devriez savoir que Gautier méprise les chasseurs de dot et qu'il n'a pas de grandes ambitions terriennes.

— Thibaud, réponds-moi sincèrement. Je n'ignore pas que mon fils a un sens de la justice très poussé et je sais aussi qu'il a épousé cette Saxonne pour la sauver de cette pourriture de Mortreux. Il n'a jamais voulu songer à des épousailles jusqu'à présent et subitement il convole avec une donzelle qui, si mes informations sont exactes, lui a mené la vie dure et s'est comportée en ennemie avec lui. Penses-tu que ce mariage arrangé avec Alinor suffira à le satisfaire ?

— C'est différent avec elle.

— Que veux-tu dire ?

— Il y a peu, je vous aurais probablement dit qu'il avait besoin d'action pour ne pas s'ennuyer, mais je crois qu'il a enfin trouvé ce qu'il lui fallait. Il n'en a pas conscience, mais il a changé au contact d'Alinor. Il se comporte autrement avec elle.

— Tu penses qu'il commence à avoir des sentiments pour sa femme ?

— Je ne le pense pas, j'en suis certain. Il est amoureux de sa Saxonne même s'il peine à l'admettre.

— Hum... je m'en doutais à vrai dire, mais je voulais être sûr de ne pas me faire de fausses idées.

— Oui, côtoyer Alinor et vivre à Thurston l'a changé. Il n'a plus ce goût du risque qui le caractérisait. Après les batailles sanglantes auxquelles nous avons participé sur le sol anglais, il n'aspire qu'à être son propre maître chez lui et cohabiter en bonne intelligence avec ses gens.

Le baron de Fougères eut un petit sourire en coin et demanda d'un ton enjoué :

— Tu veux dire que cette jolie Saxonne a réussi à le domestiquer ?

— Le domestiquer ? Je ne sais pas ! Mais elle a su le toucher émotionnellement comme aucune femme avant elle. Gautier n'acceptera jamais qu'on lui enlève Alinor. Ce n'est pas que son sens de l'honneur et de la justice qui le lie à elle, c'est son instinct de possession ; Alinor est sienne, c'est tout. Je ne l'ai jamais vu faire montre d'une telle jalousie auparavant. Il ne supporte même pas qu'un autre homme l'approche.

— Donc tu estimes que cette union avec la Saxonne est bénéfique pour Gautier ?

— Oh oui ! Et plutôt deux fois qu'une ! Il ne faut pas que ce contrat avec la pupille de la reine vienne s'interposer entre eux. Si Gautier décide de faire appel au roi pour se délier de cette promesse, je pense qu'il aura gain de cause. Je n'imagine pas Guillaume lui refuser cela, sachant à quel point il lui est redevable. Mais on ne sait jamais avec l'influence de la reine... Il faut impérativement trouver un moyen pour rendre cette Odeline inoffensive et l'empêcher de réclamer Montours comme dédommagement.

Combat d'Amour - Tome 4 [Editions AdA septembre 2019 - autoédition 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant