8. Complicité jalouse (version éditée)

174 10 0
                                    


Quand vint l'heure de souper, lady Judith plaça Odeline entre Adam de Péronne et Christian de Laval. La dame de Thurston avait vu l'intérêt des deux chevaliers pour l'héritière normande et avait décidé de créer les conditions favorables à un éventuel rapprochement, en espérant qu'Odeline jetterait son dévolu sur l'un des Normands. Alinor avait également décelé l'intérêt des deux hommes pour sa rivale et avait suivi un raisonnement identique à celui de sa mère. Aussi s'était-elle empressée de mettre l'accent sur les atouts d'Odeline au détour de la conversation qu'elle avait eue en aparté avec eux au cours de l'après-midi. Elle avait pris garde de ne pas faire étalage de ses griefs contre la Normande, mais elle avait pris soin de mentionner ses possessions terriennes, de façon à dresser un portrait plus attrayant de sa rivale. Si la jeune femme souhaitait ardemment que la damoiselle de Verneuil mette un terme au contrat qui la liait à son mari, elle était loin de se douter du plan ourdi par son beau-père et Thibaud. Elle n'appréciait pas la pupille de la reine, mais elle n'aurait pas cautionné une telle machination si elle en avait eu connaissance. Elle espérait simplement que l'héritière normande serait séduite par le physique avenant des deux chevaliers et qu'elle s'amouracherait de l'un d'eux.

Si Christian de Laval se montra empressé auprès de la Normande, Adam de Péronne, quant à lui, entretint une conversation assez chaleureuse avec Clarie, Emeline et surtout Aileen. Les jeunes filles étaient visiblement ravies de l'intérêt qu'elles suscitaient et des rires retentirent à plusieurs reprises. Tout aurait pu être pour le mieux si Edwin et Thibaud n'étaient pas devenus de plus en plus taciturnes au fil du repas. Lady Judith, craignant un esclandre de leur part, fit diversion du mieux qu'elle put, aidée par Alinor et dame Adelise à qui il n'avait pas échappé que l'attention des deux hommes était concentrée sur Aileen et Adam de Péronne.

Ce fut donc avec soulagement qu'une partie des convives vit arriver la fin du souper. Tandis que les parents de Gautier s'attablaient devant un échiquier, lady Judith s'installa au coin du feu avec sa broderie. Alinor, quant à elle, préféra accompagner Sibylla dans la nursery pour superviser le coucher des enfants. Alors que Thibaud cherchait un moyen pour laisser Christian de Laval seul avec Odeline, il s'avisa que son comparse se montrait de plus en plus insistant auprès d'Aileen et que celle-ci se montrait fort réceptive au charme de Péronne. Il était sur le point d'intervenir pour les séparer sous un prétexte quelconque quand Edwin le prit de vitesse en proposant une partie de cartes aux deux chevaliers. Mais au grand désappointement du Saxon et du chevalier blond, Laval et Péronne déclinèrent l'invitation, suggérant à la place une promenade dans le jardin pour admirer la voûte céleste. Proposition qui fut immédiatement acceptée par l'ensemble des damoiselles. Les deux hommes n'eurent d'autre choix que de les suivre pour veiller sur les jeunes filles et assistèrent, impuissants, aux manœuvres séductrices de Péronne et Laval.

Après avoir passé une demi-heure à ronger son frein tout en écoutant les Normands faire assaut d'esprit et de déclarations mielleuses, Edwin n'y tint plus. Il décréta qu'il était temps pour les hommes d'aller prendre du repos en prévision de la chevauchée du lendemain. Il suggéra donc aux jeunes filles d'aller se coucher et grinça des dents quand il vit les regards furieux qu'Odeline et Aileen lui retournèrent. Il comprit qu'il n'était pas le seul à être excédé par les roucoulades de Laval et Péronne lorsque Thibaud s'empressa d'abonder dans son sens. Le petit groupe regagna donc le donjon et se sépara dans la grande salle. Une fois que Laval et Péronne eurent pris congé des jeunes filles après force sourires et baise-mains, Edwin et Thibaud les accompagnèrent à leurs quartiers dans les baraquements. Revenu au logis, Thibaud fit part de son plan à Edwin :

— Je pense que Laval a mordu à l'hameçon, je l'ai vu en conciliabule avec Odeline. Je gage qu'il a donné rendez-vous à la donzelle. Il s'agit maintenant de les surprendre au bon moment.

Combat d'Amour - Tome 4 [Editions AdA septembre 2019 - autoédition 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant