Cœur d'homme, âme de soldat 4 : L'homme enragé.

Livre 2, Chapitre 10

Markus.
Mon ange s'agite un peu avant de reprendre sa place contre moi. Je dépose un baiser sur le crâne de Claire qui ronflotte désormais contre ma chemise. Je la soupçonne de se shooter à mon odeur comme je le fais avec la sienne. De vrais animaux. Cela me fait sourire et je me détends enfin après des heures interminables de tension.

Croquette, le chat miteux qui nous a adoptés plus que l'inverse, s'est installé aux pieds de ma femme et débute une toilette minutieuse. Il est si bruyant qu'il va la réveiller. Je lui lance un regard noir qu'il interprète comme un chat ; en se léchant le trou de balle... J'ai moi-même cessé de tourner les pages d'un bouquin que je n'arrivais pas à lire de toute façon. Toute perturbation pourrait rompre son repos, c'est tout bonnement hors de question. Je connais ma douce, elle dépense tellement d'énergie que parfois, elle s'écroule comme un chaton au milieu de nulle part. Ça peut être très déstabilisant, mais là, je trouve juste cela rassurant.

Il ne me reste qu'à continuer mon errance à travers nos souvenirs. Même s'il est émaillé de nombreux incidents, notre passé m'aide à mesurer le chemin parcouru. Et même si ce qui s'est passé aujourd'hui est une véritable régression par rapport à notre relation, j'espère que notre couple en sortira renforcé. Je veux encore y croire. Si par malheur Claire me quitte, ce ne sera pas pour un autre mais à cause de moi.

Quand j'y songe, la concurrence n'est pas venue d'un petit-ami officiel. Bien sûr, je refusais d'associer le nom Moretti et relation suivie dans la même phrase. Je vivais dans un chaos intérieur où seuls les fantasmes étaient tolérés. En aucun cas je ne me serais approché d'elle pour solliciter son attention dans un cadre privé. J'avais ma fierté après tout. Non, en vérité, j'ai cédé du terrain le jour où un autre a décidé de se rapprocher d'elle. Dès lors, impossible de foutre les pieds dans son bureau sans tomber nez-à-nez sur ce lieutenant, un grand blond plutôt baraqué et bien plus jeune que moi. À croire qu'il prenait sa mission de garde du corps très au sérieux. Impensable de faire mon cirque habituel sans passer pour un harceleur. De toute façon, j'avais reçu des ordres clairs de Franck et je m'étais sérieusement calmé.
Bref, le gars me fixait sans rien dire à chaque fois que je franchissais la porte, avant de reprendre sa conversation comme si de rien n'était. Il la faisait rire, bien trop facilement à mon goût. Son prénom lui échappait même de temps en temps. Alban. Ce con était amusant, j'en conviens et possédait l'indéniable avantage d'être bien dans sa peau, qualité dont j'étais totalement dépourvu.

J'avais appris par l'inévitable radio bidasse qu'ils se fréquentaient en dehors des heures de boulot. Ça m'avait broyé le cœur, même si je n'avais pas le droit de me plaindre. Comment l'aurais-je pu ? J'étais responsable de nos relations exécrables. De toute façon, elle devait me haïr et n'avait jamais manifesté le moindre intérêt à mon égard.
Aussi, avais-je espacé mes visites pour ne plus être le témoin de cette complicité qui m'était de plus en plus douloureuse. Sans aucun doute les pires semaines depuis la révélation de mes sentiments. Oh, je n'envisageais pas de me foutre en l'air, mais la seule lueur subsistant au sein de mes ténèbres s'était éteinte.
Mais le destin avait un sens de l'humour déplorable...

En ouvrant ma boîte mail un matin, j'avais découvert une bien curieuse convocation. En lisant le nom de l'expéditeur mon cœur avait manqué un battement. Elle désirait me voir. Je n'étais bien évidemment pas assez stupide pour croire à un miracle, mais qu'elle fasse le premier pas, même dans le cadre du boulot, m'avait plu. J'étais arrivé triomphant à son bureau, juste avant le rassemblement de la compagnie. J'ignorais pourquoi j'étais là, mais ça n'avait guère d'importance. Claire ne m'avait jamais demandé expressément de la rencontrer. Ses messages se bornaient à des transferts d'informations.
Un de ses secrétaires m'avait accueilli d'un air entendu.

— Ah mon adjudant-chef, merci d'être venu.

À mon regard, il s'était rendu compte de ma confusion.