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- Ana ? Je n'aime pas ce regard, commente mon frère, inquiet.

Je lui souris le plus franchement possible et demande avec intérêt :

- Il n'y a aucun moyen de les retrouver ?

Le regard de Thomas se voile. Il a capté la lueur meurtrière qui fait briller mon regard, celle à laquelle il s'est toujours attendu finalement. Comme quoi, il avait raison. Je vais foncer dans le mur, ivre de vengeance. Et aucun esprit de contradiction ne me fera changer d'avis cette fois-ci. Le destin est déjà écrit.

- Si, je les ai trouvé... reconnais mon frère après une brève hésitation.

Mon cœur bondit dans ma poitrine alors qu'une bouffée de colère me monte à la gorge.

- Et t'attendais quoi pour me le dire ? Je m'insurge.

Je me lève et comme à marcher furieusement sans savoir comment prendre son aveux. Est-il allé les voir ? Non, ça m'étonnerait de lui. M'encourage-t-il à y aller ? Ça c'est déjà plus plausible.

Mon frère aussi se lève, et c'est d'une voix précipitée qu'il plaide avec franchise :

- Ana, faut oublier ça ! Écoute, deux des drogués qui étaient là cette nuit sont morts dans d'autres fusillades. Un troisième est interné, rendu fou par le sevrage, et un quatrième a disparu au Mexique. Ils s'appelaient Dasha et Ernic, mais ils sont sans doute morts eux aussi...

Il laisse planer un vague instant de flottement me confirmant qu'il cherche encore à me cacher quelque chose. Mais je n'ai pas besoin de le forcer pour qu'il s'y résigne.

- ... et le dernier s'en est sorti.

Mes oreilles sifflent et mes joues me brûlent.

- Qui est-il ? Je grogne avec haine.

Mon frère est lancé, et il ne réfléchis plus.

- Il s'appelle Hector Song, m'annonce-t-il sans plus faire cas de mon état. Il avait 21 ans à l'époque, donc 32 maintenant. Il a intégré un centre de désintoxication quelques semaines après la fusillade. Il a dû comprendre qu'il était allé trop loin...

Je m'arrête et me fige, un goût aigre dans la bouche. Tant mieux pour lui si il a repris une vie normale, mais moi je m'en fou. Ça n'efface pas son crime, et je suis prête à lui faire payer.

- Il habite où ?

- 138 rue de Stalingrad, cinquième étage, récite mon frère. Ana...

- Quel appart ?

- Je sais pas, un du palier. Je suis jamais allé voir, dit-il avec une pointe de regret.

Je comprends qu'il y a déjà pensé. Rien qu'à voir le nombre d'informations qu'il a pu glaner, je m'aperçois qu'il a passé beaucoup de temps à chercher. J'éprouve un relent de pitié pour ce grand frère qui a aussi perdu nos parents. Ça le touche bien plus que ce que je pensais, et je m'en veut légèrement de l'attaquer là dessus.

Ça ne fait que quelques minutes que je connais la raison de leur mort et je suis déjà transcendée par le besoin de vengeance. Lui, il vient de vivre onze ans ainsi.

- Thom...

- L'immeuble est blanc, je passe souvent devant en bus, raconte mon frère en frissonnant. Et le souvenir de cette nuit d'horreur me traverse à chaque fois l'esprit. Je me force à me changer les idées, j'ai peur de ce que je pourrais faire sinon...

Ses larmes reprennent de plus belle mais cette fois, il porte sa main pour les essuyer.

- Ce n'est sans doute même pas lui qui a tiré Ana, tente-t-il de raisonner, autant pour moi que pour lui. Ce pauvre homme a peut-être une famille maintenant, des enfants, on ne peux pas le leur arracher. Il a changé de toute façon, ce n'est plus le même homme.

Jusqu'à la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant