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Cette certitude pénètre mon cœur et mon esprit s'allège. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée. Je ne comprends pas mon inconscient qui répète ses mots. Partir où ? Que va-t-il se passer ? Et pourquoi je me sens si bizarre ?

Je sens un mince filet couler le long de ma joue droite. J'y porte ma main et la retire, chaude de sang frais. Je me pétrifie quand je comprends que ce sang n'est pas celui d'Hector.

C'est le mien.

Paniquée, je repasse la main le long de ma joue pour en essuyer le liquide poisseux. Mais il coule encore, toujours plus fort.

Ma tête tourne, mes yeux se voilent, mais je continue de lutter. Non, pour une fois, je ne veux pas mourir ! Je ne me sens plus prête, mon organisme n'est plus prêt.

Mon esprit se glace d'une vague de douleur qui fait trembler mes muscles. Je veux crier, mais la boule formée dans ma gorge m'en empêche. Je tremblote encore, agitée par ces vagues glaçantes que je mets longtemps à identifier. Car ce n'est pas une souffrance physique que j'éprouve en cet instant. Non, ce souffle de faiblesse qui m'agite n'est autre que la peur.

Je ne l'ai jamais senti aussi forte, et le remarquer redouble son intensité. Je ne m'entends plus penser. Je passe les mains sur mon visage avec frénésie et le barbouille encore plus de sang. Je trouve enfin la blessure d'où il coule, mes doigts s'y enlisent. La pâte visqueuse qui la recouvre est si épaisse que je panique encore plus. Et mon incompréhension redouble mon effroi, je n'aime décidément pas ça.

Charly ne s'approche pas. Il sait qu'il est impuissant comme moi-même je le suis.
Mais son regard brille de bienveillance, et rien que ça me rassure. Puis il y a le léger sourire sincère qu'il aborde et qui me fait comprendre que j'ai fait ce qu'il fallait.

Alors je comprends que le sang qui goutte au sol provient de ma tempe. De mon creux, de la marque de la balle. La plaie s'est rouverte, seule, et je sens ma vie s'échapper avec le liquide noirâtre.

Je vais encore mourir. Mais cette fois, ce sera la dernière.

La panique qui essaie de se frayer un chemin entre mes sens habitués à la mort ne parvient plus à m'atteindre. Pour la première fois, je me sens vraiment en paix. Je n'ai plus à espérer revivre. La mort ne m'intrigue plus maintenant, elle est imminente.

Alors je plonge mon regard dans les yeux réconfortants de Charly, j'assure ma prise sur l'arme, et je me transperce le cœur. Je sens ma chaire se déchirer, la présence du couteau chaud dans mon être s'impose, et la douleur qu'il me procure devient apaisant. Je vais mourir, et ce sera de ma faute. Personne d'autre ne me tuera.

La lame ensanglantée échappe à mes doigts tremblants et tombe au sol. Elle atterrit dans un bruit sourd, et repose dans la marre de sang. Elle ne tuera plus personne aujourd'hui.

Je n'ai plus la force de me soutenir, je m'effondre. Ma bouche s'emplit de sang, je ne saurais dire si il vient de mon être ou de ma bouche entrouverte. Et après tout je m'en fiche. C'est sans doute un mélange, le goût de la mort est le même de toute façon.

Lilou se précipite sur moi, mais je ne la vois plus. Mes cils sont alourdis par de grosses larmes rouges, je n'ai plus la force d'ouvrir plus grand les yeux.

- An', An', An', sanglote-t-elle, secouée de tremblements.

Elle passe frénétiquement ses mains sur mon visage, se salissant elle-même de mon sang.

- Désolée... je murmure faiblement.

- Non An' ! C'est ma faute ! Déclare-t-elle en attrapant ma main. C'est ma faute, ma faute. J'aurai dû t'en empêcher, on n'aurait pas dû venir. Je suis une mauvaise amie. Oh An', c'est moi qui suis désolée !

Je lui souris faiblement et la rassure :

- Ce n'est que moi Lou, que moi. Ne t'inquiète pas...

Ma voix se coupe et ma gorge se noue. Impossible de continuer, c'est fini. Je n'ai plus la force de rien, la vie m'abandonne.

Mais je n'ai pas peur. Je n'ai jamais eu peur dans ces moments. Je connais bien la mort, c'est une amie. Et je sais que je serai en sécurité dans ses bras.

Justice est faite, je peux me rendormir. Et gare à celui qui me réveillera.

Jusqu'à la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant