Les liens du sang [The Blood Ties]

Chapitre X

Le chemin jusqu'à la maison me semble interminable. Je cours, mais ma respiration saccadée m'empêche de garder la cadence. Je n'en peux plus... Je vais craquer... Je vais avoir une crise, à nouveau.

Chaque inspiration me rapproche un peu plus de la maison, jusqu'à ce que je l'aperçois, enfin. Aucune voiture n'est stationnée devant l'entrée : je serai seule à la maison, ce qui m'arrange fortement. Je sens les goûtes de sueur perler sur mon visage... ou, est-ce des larmes ? Impossible à dissocier. J'atteins la porte d'entrée qui se referme aussi vite qu'elle avait été ouverte. Je perds le contrôle de tous mes sens : ma vue se brouille et tout ce que j'entends, désormais, n'est qu'un simple bourdonnement.

La porte de la chambre claque derrière moi. C'en est trop pour moi... Les questions enfouies dans ma tête prennent à nouveau le dessus : la relation avec Eliott, va-t-elle trop vite ? Je ne le connais pas, après tout. Ne m'utilisera-t-il pas comme le font tous les garçons ? Et, venais-je de briser le cœur d'une jeune fille amoureuse ? De lui gâcher son futur ? Arriverai-je, un jour, à me sentir chez moi, dans ce palace ? À comprendre comment vivre avec tous ces changements ? Ce n'est pas moi, tout ceci. Et Nathan ? Pourquoi arrêter les coucheries ? Pourquoi si soudain ? Je veux comprendre. Il faut que je comprenne. Il le faut. Je ne dois pas perdre le contrôle ! Ne jamais perdre le contrôle. Mais, personne n'est là. Je suis seule, seule au monde.

Une vague de colère, de stress, et d'incompréhension s'empare de moi : je sens mon cœur se compresser à l'intérieur de ma cage thoracique. Mes poumons, également. Ma respiration se bloque et... cette pression me monte à la tête. Mon corps se plie en deux et un cri s'échappe de ma gorge. Les larmes coulent le long de mes joues et forment un ruisseau jusqu'au bas de mon cou. J'ai perdu le contrôle...

Mes cuisses, que mes mains broient afin de faire disparaître ce sentiment en moi, deviennent de plus en plus rouges au fur et à mesure que les secondes avancent. Les images défilent dans ma tête : bonnes ou mauvaises, la différence est imperceptible. De longues griffes apparaissent sur les flancs de mes cuisses, sans que je m'en rende compte. Et puis... le calme. Le calme avant la tempête. Je reprends peu à peu mon souffle et mon corps, jusqu'ici raide, se détend. Mes pleurs s'arrêtent et laissent place à la confrontation. Je vois les dégâts que j'ai causés à mes cuisses, mais je n'y accorde pas d'attention : il y a toujours une solution pour tout.

Soudain, tous les muscles de mon corps fragile se tendent simultanément et le retour de la crise se fait ressentir. Il le faut. Je dois arrêter. Mais, il le faut, je ne pouvais pas m'en empêcher. Arrête-toi ! Je n'y arrive pas...

Je me lève et mon regard tombe sur le mur devant moi. C'est plus fort que moi : je m'avance à grands pas, puis mon poing part tout seul. Il se fracasse contre le mur dans un bruit de tonnerre. Et encore. Et encore. Et encore. Je perds le compte. Tout comme j'avais perdu le contrôle...

Exténuée, les phalanges de la main droite ouvertes, les yeux rouges, et les cuisses en sang, la colère évacuée, je me laisse tomber, glissant contre le mur. Je réussis à me calmer et m'endors, quelques minutes plus tard, une seule pensée en tête:

Je suis un monstre...

*

BING ! Je me fais réveiller par un message. Qui envoie un message à 9h14, un samedi ? Bordel ! Je saisis le téléphone, les yeux encore à moitié clos, pour me rendre compte qu'Eliott en est l'expéditeur. Mes sourcils cessent de froncer et les coins de ma bouche se redressent : le changement d'humeur est immédiat.

« Ce soir, le grand soir! J'ai hâte de te revoir... Bisous, chérie. »

Être réveillée par son copain, c'est ce que j'appelle « un beau réveil ». Oui, oui, je considère Eliott comme mon copain. Peu importe la vitesse à laquelle notre relation évolue et évoluera : le plus important est que je me sente bien avec lui. Et c'est le cas. En ce qui concerne les problèmes avec Nathan, Lucia, et tous les autres, je n'y accorde plus d'attention. Chacun pour soi, et dieu pour tous !