Je sais que je ne devrais pas. C'est mal. Mais il faut que je le voie. J'en ai besoin.
Mon cœur cogne dans ma poitrine alors que je tourne au coin d'une rue. Séoul est une grande ville. Sans les renseignements de Yoongi, je me serais déjà perdu trois fois. Pourtant, je connais les rues par cœur. Étrange, non? Je suis né et j'ai grandis à Busan mais c'est à Séoul que j'ai réellement eu l'impression de vivre. D'exister. D'être autre chose qu'un simple figurant dans ma propre vie.
Entre mes doigts, le bout de papier se froisse. Je le tiens contre moi comme si j'avais peur qu'il s'envole dans le vent frais du petit matin, ce vent même qui joue dans mes cheveux blonds et les décoiffe. Le morceau de papier est tâché d'encre. Cette encre ne forme pas une phrase, ni un mot. Ni même une lettre. Elle forme un chiffre qui résonne dans ma tête depuis que mes lèvres l'ont prononcé. 7.
Mon cœur cogne si fort qu'il me fait mal et je me rends compte que je suis arrivé. Je pousse la porte de l'immeuble et grimpe les escaliers jusqu'au dernier étage, le seizième, là où d'un coup d'œil par une fenêtre, on peut embrasser tout Séoul du regard. Je m'immobilise devant une porte close, peinte en noire. Un grand sept en fer luit, accrochée au panneau. Je m'approche d'un peu plus près. Sous le chiffre, une autre plaque de métal est vissée, sur laquelle sont gravés les mots :
Jeon Jungkook
et
Kim Taehyung
♥Ma respiration se bloque d'un coup. Je recule, comme si je venais de me prendre un coup de poing dans le ventre, titubant tel un alcoolique. C'est un peu ce que je suis en cet instant : ivre de rage, de douleur et de tristesse. Yoongi m'avait bien mis en garde : Jungkook est passé à autre chose, il ne m'aime plus. Mais de là à sortir avec l'ex de mon meilleur ami!
Trop furieux pour réfléchir, je frappe comme un fou à la porte noire, jusqu'à ce qu'une touffe brune en bataille vienne m'ouvrir. Mon cœur rate un battement.
Jungkook.
La tête me tourne et je chancelle. Deux torrents de larmes jaillissent de mes yeux tandis que je fixe celui que j'aime et que je hais, celui qui met mon cœur et mon âme en pièces.
Je le vois ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais, au même moment, un appel s'élève de l'appartement. Je reconnais aussitôt l'intonation de Taehyung.
— Kookie? dit-il d'un ton ensommeillé. Qu'est-ce qu'il se passe?
— Viens voir par toi-même, répond Jungkook qui, le regard fixé sur moi, ne semble pas en croire ses yeux.
Au son de sa voix, je manque de m'évanouir. Elle m'avait tellement manqué... Toujours aussi mélodieuse, comme lorsqu'il chantait auparavant, pour moi et moi seul.
Je vois Taehyung apparaître à ses côtés et me fixer avec incrédulité. D'un seul coup, tout me reviens en pleine figure comme une claque mentale. Je tourne les talons et m'enfuis en courant dans les escaliers, glissant sur la coursive au risque de me briser le cou. Je m'en fous. Je m'en fous, je m'en fous, je m'en fous...
J'entends des cris là-haut, ils m'appellent comme s'ils s'attendaient à ce que je remonte tranquillement pour boire un thé avec eux.
Je les déteste! hurle mon esprit.
Arrivé en bas, je pousse la lourde porte et me retrouve dehors. Je m'arrête soudain en plein milieu de la route et me rends compte du spectacle qui s'offre à moi.
Des flocons.
Des flocons par millions, qui tourbillonnent lentement, tombant du ciel en une pluie de cristaux gelés. Ils s'accrochent à mes cheveux blonds, a mon écharpe et à mes gants, s'incrustant dans la laine pour orner mes vêtements de diamants glacés. Je tourne lentement sur moi-même, au milieu de la rue, la tête levée vers le ciel, les bras écartés.
Soudain, Jungkook et Taehyung surgissent de l'immeuble en me cherchant du regard. Ils doivent penser que je me suis enfuit loin mais je n'ai jamais été aussi proche d'eux, au contraire. Jungkook finit par le remarquer et ouvre de grands yeux. Pourquoi?
Ses lèvres articulent en silence une phrase que je ne parvient pas à comprendre. Dans son regard, je lis le regret.
Il ne m'en faut pas plus pour m'éloigner d'eux, calmement, plus serein que je ne l'ai jamais été. Je tourne dans les rues de Séoul et déniche un petit café ouvert. Je m'installe sur la terrasse. Lorsqu'il me voit, le serveur ouvre de grands yeux mais prend ma commande.
Attablé devant mon cappuccino fumant, j'observe la neige tomber lentement du ciel. Le calme m'envahit et je me vide la tête de tous mes soucis. Personne. Personne pour me juger, m'insulter ou me rabaisser. Il n'y a que moi et le silence. Moi et les flocons. Pour une fois depuis que Jungkook m'a quitté, je m'autorise à être heureux.
Des heures plus tard, je suis toujours sur la terrasse du café. Les flocons glacés ont fini par s'échouer dans ma boisson et s'y dissoudre. Elle est froide. Mais tant pis.
Rien n'a plus d'importance. Je suis enfin en paix avec moi-même. Car lorsque j'ai croisé le regard de Jungkook, des heures plus tôt, à quelques rues de là, je n'y ai pas seulement lu tous les regrets du monde. J'y ai lu un amour inconditionnel. Jungkook n'a jamais pu me déloger de son esprit.
Et pour une raison qui m'est inconnue, cette simple pensée me réconforte de façon irrationnelle.
924 mots
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ᴀʟᴏɴᴇ ʲⁱᵏᵒᵒᵏ
FanfictionJimin souffre depuis trop longtemps d'un chagrin d'amour qui ne guérira jamais. Il tente depuis des années de se convaincre que Jungkook est parti et qu'il ne reviendra plus. Pourtant, il est loin de se douter que celui-ci, même s'il l'a quitté au...