XII. J!Π!N

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Je me réveille en plein milieu de la nuit. Mes yeux grands ouverts fixent le plafond sans ciller. Je n'en reviens pas. Je voudrais me rendormir comme une souche mais quelque chose m'en empêche. J'ai trop de pensées en tête. Il faut que je me défoule.

J'entends Hoseok respirer à côté de moi. Le fait qu'il soit la m'évoque notre dispute de cet après-midi, juste avant qu'il me propose du chocolat chaud, comme si de rien était. Il m'a engueulé juste parce que j'ai claqué la portière... Je me rappelle subitement que Jungkook adorait quand je faisais ça. Étonnamment. Il me trouvait un côté ridicule et mignon. Pour le ridicule je veux bien, mais de là à dire que je suis mignon...

Ça y est, je repense à cette enflure.

Calme-toi, Jimin, tout va bien se passer. Tu ne vas pas éclater un meuble ou un miroir. En même temps, avec ma force de poussin, je me demande si ce n'est pas un os que je pourrais me casser...

J'ai besoin d'air. Cet endroit m'étouffe. Je voudrais fuir, fuir Hoseok, notre vie commune. Fuir ma vie. Mon existence insipide. Je voudrais pleurer toutes les larmes de mon corps. Parce que chaque minute passée avec Hoseok me rappelle tout ce que j'ai perdu quand Jungkook m'a quitté.

Ce n'est pas Hoseok le problème. Je ne pourrais pas rêver mieux comme petit-ami pour panser les plaies béantes de mon cœur laissées par Jungkook. Mais seulement voilà : j'utilise Hoseok pour combler le vide que Jungkook a laissé derrière lui. Je suis stupide. Indigne des deux. Je ne mérite ni Hoseok, ni Jungkook. Comme ça au moins c'est dit...

Je me lève en repoussant la couette. J'enfile un pantalon troué aux genoux et un T-shirt à l'aveuglette, sans prendre le temps de regarder à la lueur de la lune si les couleurs concordent. Qu'est-ce qu'on s'en fiche, même...

J'attrape une veste dans l'entrée et me sauve précipitamment, emportant mes clés et mon portable au cas où Hoseok essaierait de me joindre. Je ne le laisse pas. J'ai un cœur tout de même, ou ce qui y ressemble. Je ne m'appelle pas Jungkook, non plus.

Les escaliers me paraissent trop longs à descendre. Alors je fais comme chez Jungkook et Taehyung : je glisse le long de la rambarde. Arrivé en bas, je longe les boîtes aux lettres de l'entrée et pousse la lourde porte.

L'air frais me fouette le visage et me fait un bien fou. Je souris à la lune, simplement heureux pour une fois. Emmitouflé dans mon manteau, soufflant des nuages de fumée blanche, je fourre mes mains dans mes poches. J'allais sortir de la résidence quand je remarque, non loin de là, la lumière au néon caractéristique des phares d'une voiture. Je ne l'avait pas remarqué tout de suite, concentré sur la probabilité que Hoseok se fâche sévère en découvrant mon départ. Je plisse les yeux, ébloui par la clarté artificielle. Le véhicule est stationné à l'entrée du parking, tout feux allumés, moteur ronflant. Le conducteur a dû s'endormir au volant. Je devrais n'en avoir rien à faire et continuer sur ma lancée. Mais ma curiosité piquée, elle m'emporte et me pousse à aller voir ce phénomène de plus près.

Je m'approche, mes baskets crissant sur les graviers. En penchant la tête vers la vitre, je remarque que celle-ci est ouverte. Le conducteur doit mourir de froid! Brun, le visage tourné vers l'autre vitre, il ne porte qu'un pull noir recouvert d'un imperméable de la même couleur, qui n'a certainement pas été conçu pour résister aux périodes de gel.

J'allais me pencher pour le secouer et le réveiller par la même occasion, quand je remarque un médaillon en argent à demi ouvert qui pend à son cou. Je le saisit entre mes doigts gelés et l'ouvre complètement. Dedans se trouvent une photo et une mèche de cheveux.

Mes yeux s'ouvrent en grand et s'emplissent immédiatement de larmes. Le cœur battant, je lâche le médaillon, qui cogne contre le volant dans un bruit mat, et recule pour m'éloigner de la voiture avant de ne plus pouvoir me retenir et piquer une crise.

Cette photo... Je la lui avait donnée il y a des années pour qu'il puisse m'avoir en permanence avec lui. J'ignorais qu'il l'avait réellement conservée. Je croyais qu'il trouvais le concept ringard et totalement dépassé. Et cette mèche... Nous avions échangé une boucle brune contre une blonde pour lui, une boucle blonde contre une brune pour moi. Je me souviens encore de ce qu'il avait affirmé, prétextant qu'en échangeant du bronze contre de l'or, il gagnait au change.

Une main sur le cœur pour étouffer ses battements qui doivent retentir à des kilomètres à la ronde, je me retiens de vomir. Je suis sidéré.

Car sur cette photo, c'est moi. Cette mèche c'est la mienne.

Et dans cette voiture, c'est Jungkook.





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ᴀʟᴏɴᴇ ʲⁱᵏᵒᵒᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant