ᴀʟᴏɴᴇ ʲⁱᵏᵒᵒᵏ

XVIII. J!Π!N

— NOOON! JE TE PARDONNES, JUNGKOOK, JE TE PARDONNES!

Je me réveille en sursaut, le corps trempé de sueur, la tête lourde de cauchemars. La respiration sifflante, je me redresse précipitamment. Mes yeux baignés de larmes tentent a tout prix de retenir ces dernières mais c'est peine perdue : j'éclate en sanglots.

Trois ans. Trois ans que Jungkook est parti, m'abandonnant pour la deuxième et dernière fois. J'ai beaucoup pleuré, j'ai hurlé parfois, jusqu'à ne plus pouvoir, jusqu'à voir trouble et à cracher du sang. Mais la douleur restait.

Combien de fois ai-je laissé coulé l'eau, à en faire déborder ma baignoire, à en inonder ma maison, dans le simple but de partir aussi lâchement que Jungkook? Combien de fois ai-je passé la lame affûtée d'un rasoir sur ma peau dans le simple but d'évacuer cette souffrance qui ronge peu à peu mon cœur et m'étouffe? Yoongi est toujours arrivé avant que je ne puisse faire l'un ou l'autre mais je jure devant n'importe qui que je l'aurais fait s'il n'avait pas été là. Je dois la vie à Yoongi, et bien plus encore maintenant que je suis réduit à l'état de légume, végétant sur le canapé si trempé de larmes qu'on pourrait l'essorer pour remplir une piscine. Je passe mes journées à dormir pour fuir une réalité sans Jungkook, assommé par les somnifères. Mais malgré les cachets, mes cauchemars sont assez puissants pour m'atteindre et je me réveille toujours inévitablement en sursaut, le corps secoué de frissons et de tremblements, les larmes roulant sur mes joues. Jungkook me manque atrocement, si bien que c'en est devenu une douleur physique qui a pris place dans mon cœur sans que je puisse l'en déloger.

Mais cette nuit, je compte bien définitivement mettre fin à cette mascarade qu'est la vie, malgré tous les efforts de mon meilleur ami pour m'en empêcher. Ça fait une semaine que je garde les somnifères que celui-ci me donne au compte-gouttes afin de tous les avaler d'un coup et partir l'esprit tranquille. Je sais qu'il y aura des gens pour me regretter et pleurer sur ma tombe comme je le fais sur celle de Jungkook, mais je ne suis qu'un poids pour Yoongi. Il ne mérite pas un meilleur ami comme moi.

— Chim.

La voix de Yoongi retentit dans le couloir et je range précipitamment les somnifères sous l'oreiller. Je les avais sorti pour les contempler, car la seule chose qui me force à tenir au moins jusqu'à ce que j'en ai assez, c'est justement ces petits cachets blancs, porteurs de mort si on en abuse. C'est la seule chose qui m'apporte une once de réconfort en ce monde, car je sais que grâce à ça, je vais bientôt rejoindre Jungkook.

— Chim..., soupire Yoongi. Inutile de te cacher. Qu'est-ce que tu avais dans les mains?

— R-Rien.

Super, le mensonge...

— Dis-moi. Ce n'est pas ce à quoi je pense, j'espère?

Il ne faut pas qu'il devine. Je n'ai pas supporté une semaine sans somnifères, assailli par les cauchemars, pour que finalement Yoongi découvre le pot aux roses!

— C'est rien, je te dis! grogné-je d'une voix dure et froide.

— Jimin! Arrête de me parler sur ce ton! Je sais que ce sont des somnifères que tu caches sous ton oreiller, je sais que tu veux te suicider pour alléger ton fardeau mais ce n'est pas une solution! C'est lâche, tu m'entends?!

Je reste à le fixer, imperturbable. Il ne me les a pas encore prises, il reste une chance pour sauver ce que je peux encore sauver. Je serre le draps du matelas dans mes mains tremblantes, rassemblant tout mon courage pour le contester.

— J'ai mal, Yoongi, tu ne peux pas le comprendre ça?! Jungkook est parti, il ne reviendra jamais, mais moi, je peux le rejoindre! Et je l'aurais déjà fait si tu ne surveillais pas tous mes faits et gestes!