Chapitre 9 : Les mots qu'on ne dit pas

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Les jours se sont rapidement enchaînés et les livres ont bien vites commencé à adopter des moutons de poussières. Ils restaient bien à l'abris, au chaud, là où Hyun-Ae ne risquait pas de les abîmer ou de renverser un chocolat chaud par inadvertance.

Oui, plus le temps passait et plus elle oubliait sa concession. Non pas qu'elle n'y pensait jamais. Loin de là. Mais elle avait toujours Mi-Ok qui lui proposait une sortie à ce moment-ci. Comment lui dire non ?

À vrai dire, son amie avait raison. Dès qu'un individu se renfermait sur lui même et commençait à ne plus participer à des excursions, la foule commençaient immédiatement à parler sur son dos afin de mieux la dénigrer. Or, ces individus avaient déjà de quoi jaser avec le départ de ses parents.

Certains ne se gênaient pas d'affirmer que leur acte était une preuve de lâcheté. D'autres, au contraire, émettaient leurs soulagements de savoir parti un immigré. Certains, encore, osaient insinuer que c'était de la faute d'Hyun-Ae. Qu'elle n'était pas assez bien pour ses parents.

La métisse se sentait ainsi obligée de prouver combien sa vie n'en était pas ébranlée et combien elle représentait une fille idéale. Elle voulait garder cette façade bien solide qui la faisait paraître pour la plus parfaite des élèves. Là, devant tous ces requins qui guettaient sa chute, elle conservait sa tête haute et sa fière allure mise en évidence par une droite et studieuse posture.

Elle s'investissait plus que de raison dans ses études, enchaînait les sorties afin de faire bonne figure et soignait son apparence pour se montrer toujours sous son jour le plus éclatant.

Oui, il fallait se l'avouer. Elle se laissait totalement influencer.

Mais comment faire lorsque l'on entendait tant de remarques à son égard ? Elle les percevait. Elle avait beau faire la sourde oreille à chacun de ces mots, ils n'en restaient pas moins un couteau dans le cœur que l'on s'amusait à retourner dans la plaie. Mais lorsque Mi-ok lui demandait si elle avait écouté la phrase de la dernière camarade irrespectueuse en date, à l'abri des regards, la jeune fille se laissait fondre en larme dans les bras de son amie.

Elle faisait sortir toutes ces émotions abominables qu'elle avait garder bien trop longtemps au fond d'elle. Alors, sa meilleure amie la consolait doucement. Lui murmurant quelques mots pour la réconforter.

- Tout va bien. Tout va bien, ces gens ne te connaissent pas. Il ne sont rien pour tout. Il n'y a que nous deux qui comptons.

Alors, Mi-Ok saisissait doucement le visage de la métisse pour le placer devant elle. Elle dégageait quelques mèches noires de son visage et enlevait délicatement les larmes qui coulaient sur les pommettes de Hyun-Ae. Puis, d'une voix faussement tendre et pleine de sous entendus, elle prononçait ces petits mots :

- Que ferais-tu sans moi ?

Enfin, elle soufflait doucement avant de répondre à sa propre question par le coup de grâce :

- Pas grand chose, il faut croire.

Et c'est à ce moment précis que le doute s'installe. Non, à l'encontre de Mi-Ok, c'était certain, mais il était plutôt retourné contre nulle autre que elle-même, Hyun-Ae.

Son amie avait sûrement raison ? Que ferait-elle sans elle ? Parviendrait-elle à garder le cap ? A rester forte ? Mais aussi à supporter le poids des moqueries d'autrui ?

Elle n'avait guère de réponse à tout ces insultes et ça la terrifiait.

Elle aurait voulu crier sa peine au monde entier. Elle aurait tant voulu se jeter dans les bras de ses parents, se consoler de leur amour et de leur vision biaisée de sa beauté. Car il fallait se l'avouer, les parents n'avaient jamais un œil bien critique sur leurs enfants, sur leurs actes, ou encore leurs apparences. Mais ce jour là, elle aurait aimé les entendre ces mots plein d'illusions fausses et de tendresse. Elle se serait sentie moins seule.

Au Rythme de la NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant