Chapitre 15 : L'aube de l'hivers

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 Le soleil léchait de ses rayons la neiges qui recouvrait les rues de Séoul de ses teintes chaudes et réconfortantes. Les premiers passants commençaient déjà à parcourir les rues blanchies durant la longue nuit lorsque Hyun-Ae sortit de chez elle.

À chaque fois que la neige tombe,

Je crois voir un ange
sur un fil transparent.
La danse de cette délicate créature
est différente chaque fois.

Toute sa blancheur,
pure et brillante,
nous entoure, il semble, pour toujours.

La métisse se sentait à l'aise lorsqu'elle parcourait les avenues ainsi vêtues. Elle trouvait belle la ville dans laquelle elle avait toujours vécu. Rien ne pouvait la rendre plus heureuse que ces journées où la neige était de mise.

Avec précaution, elle se dirigeait vers le métro en guettant de ne pas se faire surprendre par une plaque de glace. Elle ne savait que trop bien combien elle risquait de perdre ses moyens si elle se laissait distraire par le paysage. Et pourtant, c'est ce qui arriva.

Bercée par les souvenirs de la veille, les sourires des personnes qu'elle considérait comme faisant partie de sa famille malgré l'absence de lien du sang, elle se laissait divaguer.

Elle revoyait ce garçon devant elle, à qui elle avait commencé à conter son histoire. Elle se voyait échanger avec lui sur son passé, et parvenir à lui faire comprendre la complexité bien étrange de la réalité. Alors, en quelques heures, elle avait appris un peu à partager son expérience et peut-être à aider un inconnu.

Le visage de ce dernier restait gravé dans sa mémoire. Elle avait l'impression de le voir dans la rue à chaque passant dont elle croisait le chemin et le regard. Pourtant, il n'était pas là, et elle le sait. Elle n'avait aucune chance de l'apercevoir par hasard dans l'immensité de la capitale. Elle ne savait en aucun cas quand est-ce qu'elle reverrait ses mèches brunes trempées par la neige, ni ses yeux noirs engloutis sous une profonde tristesse. C'est cette incertitude qui lui faisait peur.

Elle voulait être sûre de ce que l'avenir lui réservait. Elle voulait être certaines d'avoir fait le bon choix en lui racontant son histoire. Et par-dessus tout, elle était terrifiée à l'idée qu'il ait pu lui arriver quelque chose lorsqu'il avait préféré rentrer chez lui plutôt que de rester dîner au sein du café.

Arrivant enfin à la gare, elle passa sa carte avant de monter dans le train en direction de Jung-Dong. Assise par chance sur l'un des sièges de la rame, elle profitait de ne pas avoir à être debout tout le long de son laborieux trajet à l'heure de pointe. Travailleurs et étudiants se mélangeaient pour mieux occuper au maximum les compartiments du transport. Mais pourtant, le bruit semblait peut présent. On décernait bien évidement quelques discussions de la part de petits groupes de personnes, mais rien de bien haut. Hyun-Ae était un peu triste de cela, elle aurait voulu préserver ici l'euphorie de l'extérieur face au manteau de l'hivers.

Elle laissa son regard profiter de la vue de la fenêtre. Les différentes gares de la ligne s'enchaînaient les unes après les autres, jusqu'au moment où se fut la sienne. N'attendant pas de la voir de loin pour se préparer à la descente, la franco-coréenne se leva de son siège et commença à se frayer difficilement un chemin dans la foule du wagon. Lorsque le train arriva finalement en gare, elle n'eut que peu de mal à descendre, les sorties étant autant que faire se peut laissées libres par les passagers qui souhaitaient monter.

Quand elle put enfin poser un pied à terre, elle se hâta de se diriger vers la sortie de la gare. À chaque minute qui passaient, elle ne pouvait s 'empêcher de jeter un regard à sa montre. Une légère montée de stress se développait dans son bas ventre. Elle avait trop flâné sur le trajet de la première gare qu'elle se retrouvait tout juste dans les temps pour atteindre le lieu de son travail.

Mais, tout redescendit bien vite lorsqu'elle aperçue les murs vitrés du bâtiment au loin : le CNSM, le centre national de la santé mental.

Elle était enfin arrivée.





Lorsque le garçon se réveilla, il était perdu au milieu des décombres qui étaient autrefois les meubles de son appartement.

Que s'était-il passé la vieille ? Pourquoi son logement était-il dans un état aussi déplorable ? Il ne parvenait pas à remettre ses idées en place.

Que c'était-il passé la veille ? La bouteille d'alcool vide qui trônait à ses côtés semblait répondre à sa question. Et pourtant, il lui semblait qu'un détaille lui échappait.

Après un excès de rage, de pleur et de violence la veille, il se rappelait avoir quitté l'appartement la nuit. Il se souvenait avoir errer seul dans les rues de la capitale. Ses membres encore engourdis par le sommeil lui rappelait la faiblesse de ses mouvements sous la neige. Mais il y avait toujours ce manque, cette chose qui ne semblait répondre à l'appelle de sa mémoire.

Il tenta tant bien que mal de se relever, titubant parfois par la violence de sa migraine. Il se dirigea d'un pas lourd vers la cuisine et son frigidaire. Il ouvrit d'un coup sec l'appareil, et en sortit une mixture infecte mais parfaite pour répondre au besoin de sa gueule de bois.

Alors, il s'avachit sur une chaise en se délectent de l'horrible breuvage. C'est à ce moment que la question lui vient en tête. À qui était donc les vêtements qu'il portait ?

Il avait beau remonter dans ses souvenirs de la veille, il ne parvenait pas à répondre à cette question. Seul des flashs lui revenait en tête.

Il la voyait elle, cette femme avec qui il avait, semblait-il, passé du temps. Il entendait des échos de son rire dans ses oreilles. Pourtant, cette personne lui était complètement étrangère. Il ne parvenait ni à remettre un nom sur son visage, ni à déceler le lieu de leur rencontre. Non, seul son rire accompagné de son sourire restait gravé au plus profond de son âme.

Pourtant il le savait, ou plutôt il le sentait, que cette femme lui était importante. Mais il ne voyait pas comment faire pour la retrouver. Il était définitivement perdue.

Alors, comme un réflexe, il chercha.

Tout d'abord dans ses contacts éloignés, puis sur les réseaux dans les amis de son entourage. Mais rien. Cette jeune fille qui hantait les pensées dès son réveil était telle un rêve qui s'évaporait petit à petit de sa tête.

Mais elle existait. Il était persuadé qu'elle était réelle. Il refusait l'idée qu'elle ne puisse être qu'un songe, qu'une création de son esprit.

Elle l'obsédait.

Déprimé de ne rien réussir à retrouver, il finit cependant à se résigner. Il fallait qu'il abandonne pour le moment. Il devait laisser le temps à son esprit de retrouver des informations.

Alors, d'un pas lourd et dépité, il se leva et se prépara pour la journée. Il poussa la lourde porte en bois de son appartement, puis la referma derrière lui. Il avait finalement rejoint la rue qu'il ne semblait pas avoir quitté depuis si longtemps.

- Young-Jae, j'aurais besoin de ton aide.




Note de l'auteur

Ce chapitre contient un extrait du très sympathique poème En Hivers de Chloe Douglas. Je vous invite fortement à le découvrir dans son intégralité. En effet, comme dit précédemment, ce poème est seulement en extrait et il est très agréable à lire dans son intégralité.

PS, pour les petits flemmards, je tiens à préciser que le poème en question est plutôt court

Au Rythme de la NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant