Bête à tuer

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Il faut être intelligent pour tuer. Enfin, je veux dire pour tuer sans être pris. Moi, intelligent, je le suis pas trop. Alors je mise tout sur la chance. Et cela marche bien. Claire, elle dit que la chance, c'est l'intelligence des pauvres d'esprit. Comme le loto pour les pauvres en argent, c'est un raccourci.

Je fais ça pour Claire. J'aime pas tuer. Je déteste le sang. J'aime pas du tout. Vraiment pas du tout. J'ai essayé une fois parce que c'est rapide. Chlic, un coup de rasoir. J'en ai eu partout. J'ai vomi. Depuis, Claire me donne des gants en coutch... non, en caouchtou... ah j'arrive pas à l'écrire. Des gants en plastique. Et je mets mes mains autour du cou, et j'appuie. C'est plus long que le rasoir et cela se débat, mais c'est plus propre. J'aime quand je vois que le gars ou la fille a compris que c'est fini, que c'est plus la peine de se battre. Ils me regardent, il y a du respect. Alors que d'habitude les gens se moquent de moi. Ils disent que je suis simple d'esprit, je vois pas pourquoi c'est mal.

Et puis j'ose pas trop le dire mais je suis tout excité dans ces cas-là. D'ailleurs, Claire, elle le sait parce qu'elle s'occupe de moi après. Comme une récompense. D'habitude elle m'interdit, j'ai pas le droit de le faire tout seul, mais quand j'ai tué elle met sa main là où c'est si bon ! Alors quand elle me demande d'aller m'occuper d'un gars ou d'une fille, je suis tout content.

Après, il y a les corps. Là, c'est pas drôle. Faut les prendre, les ramener dans la voiture. Pour ça aussi que c'est bien qu'il y ait pas de sang, sinon il y a des saletés partout et il faut nettoyer. Ensuite il faut les amener au hangar, et les mettre dans la baignoire. Les trop grands, je leur casse les jambes. Comme ça, ils rentrent pliés. Après c'est dégoûtant. Ça bouillonne, ça fume, et ensuite c'est de la bouillie. De l'acide. Claire m'a donné le nom mais j'ai oublié, « sulfric » ou un truc comme ça. Il y a des bidons partout. Mais après, la bouillie, on la passe dans un gros mixer, on la mélange avec du ciment, du sable et des cailloux, et on construit une maison avec. Enfin pas une maison pour vivre, une maison pour ranger les bidons. La couleur, elle est toute rouge, pas grise, c'est beau. Et puis on récupère les morceaux parce que, le mixer, il n'arrive pas à tout faire. Les os qui sont trop durs, les intestins qui font une grosse boule. Et on les brûle. Et il y a les pieds et les mains qu'il faut couper avant parce qu'ils bouchent le mixer et ils cassent les lames avec leurs os tous petits.

L'autre jour à la télé ils ont parlé de moi ! Ils ont passé un dessin, mais il est complètement raté. Dommage, car j'aurais voulu que maman me voie. J'ai voulu appeler la télévision pour leur dire, mais Claire m'a dit que non et m'a puni. J'ai eu cent coups, et j'ai encore les marques sur les fesses.

Ce soir, je dois tuer. C'est une femme, Claire m'a montré une photo. J'ai vu qu'elle était nerveuse. Elle a pris ma tête dans ses petites mains, elle a mis son front sur le mien, et m'a demandé de promettre de revenir ce soir. Je lui ai dit oui, je n'ai pas compris pourquoi elle a dit ça. Ensuite elle m'a fait un câlin, elle m'a pris dans ses bras. Ses cheveux étaient doux, ils sentaient si bon. J'ai adoré.

La rue est presque noire. Ça va être facile. Je l'ai vue sortir. Elle est blonde, pas bien grande. Elle a un bandeau sur les cheveux et un truc de sport moulant. Elle est partie faire son sport. Elle va bientôt revenir. Je me dis en rigolant que je vais pouvoir lui mettre les mains autour du cou, et la soulever. Elle se débattra avec ses jambes qui touchent pas le sol. Et elle deviendra toute bleue. Et après... Après Claire s'occupera de moi. Comme elle était bizarre tout à l'heure, elle sera toute contente et ça va être trop bon !

Il commence à faire vraiment noir. Je sais pas ce qu'elle fait, la fille, mais je m'ennuie. J'ai déjà pensé à toutes les façons de la tuer. J'ai même imaginé lui baisser son pantalon et faire comme avec Claire, mais j'ai pas de couatchou, non de coutchauo... euh... de petit sac en plastique. Et j'en ai toujours eu avec Claire alors ça doit être nécessaire.

Ça fait deux heures. C'est long. Je vais revenir demain. Oh ! La voilà ! Super ! Elle vient vers moi, elle me sourit. On dirait qu'elle veut me parler. Elle me dit qu'elle s'appelle Anna. Ça va être trop facile, j'adore ! Mais qu'est-ce qu'elle fait ? Oumph... Ça fait mal, elle est folle ! Mais... Mais... C'est quoi ce truc qu'elle met autour de mon cou ? Pourquoi elle est passée derrière moi ? Il fait mal son fil, surtout qu'elle serre beaucoup. Je vois plus bien, et je sens que mon cou, il coule. C'est tout chaud. Mais c'est qui cette fille ? Je me sens tout drôle. Je vais lui dire d'arrêter. Mais ma voix peut pas sortir. Je vais pas bien. Non, pas bien du tout.

— Pas de chance !
— Non, je suis verte, répond Claire.
— Bon, tu me dois trois mille euros, il n'a pas tenu la distance ton héros, continue Sofia
— Arrête, il avait gagné trente-cinq duels !
— Bah mon Anna elle en est à son soixante-troisième. C'est une machine. Tu sais, je vais bientôt avoir de quoi acheter ma villa, surtout avec les abonnements vidéo sur le dark web.
— Oui, il paraît que ça marche comme pas possible, il y a des tarés qui sont prêts à payer des fortunes !
— Et tu sais quoi, j'ai vendu Anna à un type cet après-midi, il me l'a achetée deux cent mille ! Il me vire les fonds demain.
— Non ! J'aurai dû vendre Raoul ! soupire Claire.
— Trop tard. Mais je t'inviterai dans ma villa.

Dans l'ombre, deux silhouettes se dessinent derrière Claire et Sofia. L'une ressemble à l'homme que Sofia a rencontré dans l'après-midi, il chuchote à l'oreille de l'autre en désignant Claire et Sofia du doigt. L'autre hoche de la tête et s'approche silencieusement dans leur dos. C'est Anna : elle a un couteau à la main et l'air plus déterminé que jamais. Économiser deux cent mille euros, ça donne envie surtout qu'on a la solution, se dit l'homme dans l'ombre.

Histoires d'horreursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant