Jour de fête foraine au mois de mars.
Pluie glaciale.
Je me dirige vers l'entrée de ces réjouissances : une sorte de fossé jonché de détritus et dégageant de fortes odeurs d'urine. J'emprunte cette allée sinistre flanquée d'effigies clownesques géantes.
Des Têtes de Mickey, de Donald, de Gugusse.
Toutes blafardes.
Rendues méchantes grâce aux peintures écaillées. Leurs joues ruisselantes de rouille et de crasse visqueuse donnent une saveur aigre à leur sourire ambigu.
Carnaval de gargantuesques cadavres.
Accueil effrayant.
Des cerbères, gardiens de « machines d'amusement » et autres « animateurs de jeux » musculeux aux bras tatoués et aux mines patibulaires me fixent avec malveillance depuis leur guérite. Atmosphère lourde. Sensation d'insécurité. Je me sens comme une proie en terre ennemie.
Des pleurs stridents d'enfants sortent d'un manège de chevaux aux regards morts. Tout grince dans la machinerie du carrousel et la musique qu'on y entend est glauque. De temps à autre un fracas de ferraille couvre les sanglots de terreur des bambins. Le divertissement en question est en fait un immonde dôme fait de bric et de broc, un amas de tôles de récupération, tordues, percées, bariolées, mal ajustées et dont certaines, déchirées, coupantes, dépassent dangereusement ici et là. Sur le sol (des planches moisies ponctuées de gros boulons), des traces de cambouis et de restes de vomis incrustés... Tout ce fatras est imbibé d'une odeur d'huile brûlée émanant du moteur mal réglé.
Là coulent les larmes des innocents au rythme des tours de folie !
Payés cash à un prix prohibitif.
Je poursuis mon initiation dans cette ambiance crépusculaire. Plus loin l'attraction-phare : les auto-tamponneuses.
En m'approchant de ce lieu de récréation légendaire je croise une adolescente en pleur saignant du nez, blessée au visage. Non loin d'elle, un jeune homme avec un horrible hématome sur le front, la lèvre inférieure enflée, titube, ivre-mort, l'air hagard.
Immédiatement je suis happé par le spectacle des engins qui s'entrechoquent. Le décor est criard, vulgaire, crapuleux. Et, comme toujours dans son antre, le patron à l'allure de mafieux veille à l'entrée de l'argent, l'œil mauvais, le mot déplaisant, le geste menaçant. Vite, je passe mon chemin !
Pressé de sortir de cette foire foireuse, je suis harponné par le train fantôme : le rabatteur au déguisement sordide me propose carrément l'achat d'un ticket sous peine d'un passage à tabac... Cette fois c'en est trop, je fuis ! Avec lâcheté ou courage, je n'en sais rien.
Derrière moi, les néons lugubres s'évanouissent peu à peu dans la brume et je rentre dans mon foyer retrouver mes rêves paisibles d'aubes légères et d'eau pure.
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Histoires d'horreurs
HorrorDans ce livre, se n'est pas moi qui les faits, je les prends sur internet.