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Je lève le nez de mon livre et je suis frappée par la beauté du ciel. Ce ciel si bleu, un camilleu de bleu qui part du sombre de la nuit au clair de la journée.

C'est dans ces moment là que je m'en veux d'être si peu calée en peinture, j'aurai pu dire la teinte et le reproduire.

Puis vient une nouvelle musique, une de celle du groupe que tu m'as fait écouter. Ton groupe préféré, celui que j'ai aimé en tombant amoureuse de toi, celui que j'aime en étant si blessée par toi.

Tu sais, beau brun, il n'y a pas un jour sans que je pense à toi, sans que je repense à nos conversations ou bien à ce que tu pourrais dire dans telle ou telle situation. Cela fait un mois. Un mois depuis notre dernier baiser, depuis que je n'ai plus la sensation de ta peau contre la mienne, de tes lèvres contre les miennes, de tes yeux balayant mon corps et de ta voix formant des mots qui me font rire ou bien rougir. Et depuis trois semaines, ma tristesse de ne plus être à tes côtés - que je croyais partagé - c'est en partie transformé en colère, dégoût et déception. Tous ces mensonges me font plus de mal que si tu ne m'avais pas menti. Je ressasse mes souvenirs en redécouvrant des moments qu'on a passé ensemble comme quand on relis un livre et qu'on connaît tous les détails. Mes larmes qui avant coulaient à flots semblent s'être tari, mais je n'y arrive plus. Je n'arrive plus à pleurer, je n'arrive plus à te détester, je ne supporte plus de t'avoir omniprésent. Dans deux semaines on se revoit. J'ai peur. J'ai peur de ma réaction. Je ne veux pas pleurer devant toi, je ne veux pas te montrer les blessures que tu m'as causé. Je veux te montrer que tu as eu tord, te faire mordre la poussière mais sans violence. Je veux que tu souffres, toi qui semble t'en foutre de tout. Je veux voir de la peine dans tes yeux quand tu les posera sur moi. Je veux te montrer ma force, force que je ne suis pas sûre d'avoir.

Mais des fois, quand tombe sur une des musiques du groupe, je la zappe comme je pourrais te zapper. Te zapper de ma tête. Toi qui revient quotidiennement, même loin tu es encore là. Des fois, j'y arrive. Je pleure. Comme hier soir. Là où l'eau battante venant du pommeau de douche me faisait descendre la pression, pression qui c'est transformée en larmes.
Puis, ces mots que je ne pensais plus depuis des mois sont revenu. Comme l'année dernière, l'année d'avant et les deux autres aussi. Ces quatre mots si violent qui me font perdre pied. Ces quatre mots qui sont ma plus grande faiblesse. Ces quatre mots qui se répètent inlassablement.

Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien. Tu sers à rien.

Tu sers à rien.

Et là, c'est bon, je perd pied. S'en est fini de moi. Je me casse, morceau par morceau. Je me noie sous ce flot de larmes et d'émotions. J'essaie de crier mais rien ne sors, je n'y arrive pas.

Même crier tu n'y arrive pas, tu sers vraiment à rien. Tellement à rien qu'on t'a rejeté en amour et au travail.

Une larme, puis deux, puis trois et ainsi de suite. Je pleure, je reprends ma respiration bruyamment, il m'est devenu presque impossible de respirer. Je reste là, assise, à pleurer et me maudire, à avoir la nausée, à serrer mes bras comme si c'était tout ce qui me retenais. Je pleure sans m'arrêter.
J'ai perdu leur confiance, son amour, mon potentiel travail.
J'en rigole le jour, mais le soir venu je pleure comme maintenant. Je retourne dans cet état instable où je peux pleurer à tout instant. Je régresse. Mais après tout, je sers à rien, non ?

Un jour, une amie m'a dit que la tristesse se voyait dans les yeux, je suis d'accord avec ça. Des fois, comme maintenant, je me demande ce que les autres voient dans les miens. Je me demande aussi si, comme j'aimerai, mes lunettes empêchent les gens de voir ce que je ressens... D'y voir de la tristesse, du dégoût de soi, de la détresse. Je n'ai pas envie de es préoccuper, je n'ai pas envie d'aller les voir et leur dire que je vais mal. Mais j'ai envie qu'ils viennent vers moi, me regarder dans les yeux, et me demander comment je vais. De me faire sentir que j'ai de l'importance, que je ne serve pas à rien mais que je compte pour eux. J'ai envie qu'on m'oblige à détruire mes barrières et ma peur de déranger.
Qu'on me prenne dans ses bras pour que je puisse tout lâcher. Tristesse, colère. Pour que je puisse m'éfondrer comme je le voudrai. Je ne veux pas courir vers les autres et réclamer de l'attention, enfin, ce n'est pas que je ne veux pas mais c'est que je ne peux pas. Il m'est impossible de le faire. Je ne peux pas supplier, cela me montrera encore plus que je sers à rien, que personne ne se préoccupe vraiment de moi...

En attendant, personne ne remarque mes larmes, mes yeux qui crient aux désespoir ou mes mains qui se ferment et qui s'ouvrent dès que je ne vais pas bien.

Je ne sers à rien.

TripèdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant