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J U I N  2 0 2 0
O M N I S C I E N T

Il referma brusquement le carnet, frustré de voir que la parfaite inconnue du nom de Amel n'avait pas écrit plus de chapitres.

Il se leva en enlevant l'herbe qui traînait sur ses vêtements et alla se balader prêt du port de Liverpool.

Ce dernier était désert, surtout à cette heure-ci.

La boîte de nuit près de la mer avait fermé, cause de trop grande mortalité, le port était donc devenu un endroit peu côtoyé par les habitants, qui préféraient rester en plein centre.

Il marcha sans s'arrêter, en se posant mille et unes questions concernant ce carnet, qu'il avait gardé avec lui.

Cette jeune femme avait vécu exactement les mêmes choses que lui.

Cependant, le footballeur réussissait à s'en sortir, lui. Mais il n'était visiblement pas au courant de sa possible hypersensibilité.

Il fronça les sourcils en voyant une femme, assise au bord du quai, regardant l'eau, les yeux dans le vague.

Elle bougeait ses jambes dans le vide, obnubilé par le mouvement monotone de ces dernières.

Prit d'un élan de courage, il s'asseya à côté de la jeune femme, qui sursauta.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur.

- C'est pas grave, j'ai tendance à avoir peur pour des choses futiles.

Le footballeur balança ses jambes au dessus du vide à son tour, sans un bruit.

C'était un silence apaisant, que la jeune femme décida de briser.

- Pourquoi vous êtes là si tard ? Je veux dire... Je passe la plupart de mon temps ici et je ne vous ai jamais vu.

- J'étais juste parti faire un tour, me poser plus loin, et j'ai trouvé un carnet.

- Un carnet ?

- Ouais, c'est bizarre je sais. C'est pas poli mais je l'ai ouvert et je l'ai lu, et je sais même pas comment réagir.

- Il parlait de quoi ce carnet ?

- D'une femme qui s'appelait Amel, et en lisant les pages, je me suis reconnu dans tous ses écrits, et j'ai peur, fit-il en triturant ses doigts.

Un petit rictus se dessina sur le visage de la jeune femme, que Trent ne vit pas.

- Et ces écrits racontaient quoi ?

- De la mauvaise relation qu'elle entretient avec sa mère, du manque de confiance en soi, de l'hypersensibilité et de la mort de son grand-père. Et j'ai peur parce que j'ai vécu exactement la même chose.

- On peut se tutoyer ?

Le jeune homme de vingt-et-un ans hocha la tête.

- Je pense que c'est normal de se sentir perdu dans ce genre de situation. Tu devrais peut-être en parler avec quelqu'un qui te comprend, parce que la plupart du temps tes amis ou ta famille ne te comprennent pas parce qu'ils ne vivent pas la même chose que toi.

- Oui mais je ne sais pas à qui je pourrais en parler.

- À un psychologue peut-être, une personne comme celle-ci est prête à te comprendre peu importe les situations, c'est ça qui est bien.

- C'est bizarre de me dire que je me confie plus à toi, une personne qui n'a rien demandé et que je connais depuis dix minutes qu'à ma petite amie.

- Mais est-elle prête à entendre ce que tu subis ?

- Je ne sais pas. Si je suis dehors maintenant c'est parce que je me suis disputé avec elle, elle me disait que j'étais indécis, que je ne savais pas ce que je voulais et cætera.

- C'est exactement ce que je viens de dire, elle ne te comprend pas. Je ne cherche pas à envenimer les choses, j'ai juste tendance à faire passer les problèmes des autres avant les miens. Tu viens d'apprendre que tu es peut-être hypersensible, ce n'est pas rien.

- Tu as sans doute raison. Merci beaucoup. J'ai l'impression que tu me comprends, toi.

- Peut-être parce que je suis hypersensible également, ria-t-elle.

- J'ai mille et unes questions à te poser concernant l'hypersensibilité mais il est quatre heures du matin et je veux pas t'embêter.

- On pourrait se retrouver un autre jour, au même endroit.

- C'est vrai.

- On dit après demain alors ?

- Je suis partant.

Ils se levèrent avant de se dire au-revoir.

- Et tu t'appelles comment ?

- Trent. Et toi ?

- Amel.

Elle lui fit un clin d'œil avant de se sauver, tandis que lui resta planté là, devant le port.

Il s'était confié à cette inconnue. Celle à qui appartenait ce carnet, celle qui avait une histoire similaire à la sienne.

Celle qui le comprenait.

Il ne pouvait pas la laisser partir ainsi, il ne pouvait pas attendre jusqu'à après demain pour avoir des réponses à ses questions.

Il courut pour arriver jusqu'à sa hauteur, il la fit sans faire exprès sursauter.

- Excuse-moi je voulais pas du tout te faire peur.

- Décidément, à force je pourrais croire que tu le fais exprès.

Il se gratta l'arrière de la tête, gêné, tout en marchant à ses côtés.

- Écoute Amel... Je savais pas que ce carnet t'appartenait, je suis désolé de l'avoir lu en fait.

- Eh, ça t'ai aidé non ?

- Oui mais-

- Le plus important c'est qu'il t'ait appris à mieux te connaître, parce que peu importe l'âge que l'on a, on apprend tous les jours à se découvrir. Et je suis contente d'y avoir contribuée d'une manière comme celle-là.

- Mais d'un côté ça fait peur aussi non ? Je veux dire, on a quasiment la même histoire, j'ai des problèmes avec ma mère, je découvre une possible hypersensibilité, je ressens le manque de mon grand-père, et ça me fait peur.

- Trent, je sais que mes mots peuvent ne pas sembler important étant donné que l'on se connaît depuis à peine une heure, mais c'est normal d'avoir peur, c'est normal de rencontrer des personnes qui vivent les mêmes choses que toi, tu en rencontreras plein dans ta vie. Alors n'aie pas les larmes aux yeux, tu vas me faire pleurer aussi.

Il ferma les yeux, mais une larme s'échappa. Amel l'essuya rapidement avec son pouce, faisant décrocher un sourire au footballeur.

- On se voit après-demain ? Là il est approximativement cinq heures du matin, quand il fera jour on pourra discuter plus calmement avec les idées en place.

- On fait ça alors.

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-trenteseptkm

carnet» TRENT ALEXANDER-ARNOLDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant