t r o i s

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t r o i s


Je passe devant trois immeubles, et je suis devant la supérette, en passant devant l'endroit où il m'a embrassé plus tôt. Mon cœur se serre. Je passe les portes automatiques.


Je ne sais pas exactement qu'est-ce que je vais faire à manger mais puisque je suis là, autant refaire mon stock. Je prend un paquet de riz, du jambon et de la sauce pesto. Des poivrons et deux trois trucs inutiles qui périront certainement dans mon placard pendant quelques mois avant que je ne décide de les jeter.


Je passe à la caisse mais forcément il y a plus de queue que ce matin. J'attends donc un bon moment avant de pouvoir payer. Je me demande s'il s'est réveillé. Il faut que je me dépêche.


Je manque d'oublier ma monnaie et mon ticket de caisse. Je file après les avoir attrapés au vol, et je finis le trajet en marche rapide. J'ai des articles plein les bras, et une dégaine de clown, je ne me suis même pas coiffé et je m'en rend compte uniquement maintenant. Je fais même tomber le paquet de jambon en route et je passe bien cinq minutes à le ramasser sans rien faire tomber d'autre.


C'est pas compliqué pourtant, le trajet me prend toujours moins de cinq minutes... je m'exaspère.


Finalement j'arrive à l'appartement et pour attraper mes clefs c'est tellement impossible que je lâche l'affaire. Je dépose tout au sol, et j'ouvre, je ramasse et j'entre.


Je dépose tout en tas sur la table, et je me dirige doucement vers la le salon.


J'approche ma main de la poignée, sauf que la porte s'ouvre avant que je ne l'aie touchée, sur mon copain, affolé.


Il y a un petit flottement, mais contrairement à tout à l'heure, il le comble vite :


« T'étais où ? Ça va ? T'es parti depuis longtemps ? »


Je ne pensais pas que ce serait si facile de l'effrayer.


« Tout va bien. T'inquiète. »


Je lui prend la main, et il me suit jusqu'au lit. Je l'assieds, et il s'allonge docilement. Peut-être parce que d'habitude c'est lui qui prend l'initiative du contact. En fait c'est toujours lui qui me touche en premier. Il est sagement en train de me regarder, et je me rappelle de pourquoi j'étais parti à la base.


« J'étais parti faire des courses. J'avais faim, je me suis dit que toi aussi. Je vais aller faire à manger. Tu veux manger un truc en particulier ? » je lui demande.


Il ne me quitte pas des yeux, et il hoche négativement la tête. Je remets les coussins qui étaient au pied du lit correctement à côté de sa tête en acquiesçant.


Je me lève, pour retourner à la cuisine. Il compte faire quoi là ? Il n'a pas cessé de me regarder. Je sens son regard dans mon dos. Je me retourne. Il me regarde encore, sans rien dire.


Je ne sais pas si c'est la pluie qui me donne du courage, ou le fait que j'ai eu peur qu'il s'en aille à tout jamais tout à l'heure, mais je retourne près du lit, l'embrasse sur le front, et je retourne faire à manger en fermant la porte derrière moi.


Je suis à moitié gêné de ce que j'ai fait, et à moitié fier. Il veut jouer à ce petit jeu ? Moi aussi. En plus je n'ai fait aucune gaffe, ce qui est assez notable. En fait, je devrais faire ça plus souvent. Je suis plutôt doué.


« Dis-donc, c'est quoi cette tête ? » j'entends.


Pendant que je me jetais des fleurs, je ne l'ai pas entendu arriver.


« Mais quelle tête ? » je réponds.


Bien joué. Quelle répartie. Je suis un vrai abruti, j'ai pensé, en sortant un sachet de riz et une casserole.

Regards CroisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant