c i n q

110 8 0
                                    

c i n q
7 semaines plus tôt…
Depuis que j’avais trouvé ce papier chez moi, j’étais sûr que c’était lui, mais je n’avais pas osé envoyer un message. Ni vérifier l’adresse. Pourquoi ? Parce que les coups d’un soir sont sensé le rester. Sinon ça ne s’appellerait pas « coup d’un soir ». Et même si c’était juste comme ça, ça me semblait déjà foireux. Avant même que ça n’aie commencé.
En tout cas, j’avais ma réponse : visiblement je n’étais pas si nul que ça.
C’était la première fois qu’on me demandait un truc pareil. Enfin, rien n’avait été demandé explicitement parlant. Mais c’était comme une invitation.
J’y réfléchissais : qu’est-ce que ça m’apporterait concrètement ?
Qui se pose ce genre de questions dans ce genre de situation ? Personne je vous l’accorde. Mais j’étais un mec rationnel.
Et dans un monde normal, ça ne pouvait pas m’arriver. Évidemment, il avait fallu qu’il laisse ce fichu bout de papier. Et maintenant ça m’empêchait de me concentrer, même en cours.
En ce vendredi soir, je tenais ce morceau tout chiffonné entre mes doigts – il avait souffert toute la semaine – et je sentais que j’allais faire une bêtise. Faire la pire chose qui puisse m’arriver ou bien la meilleure chose. Au choix.
Mais il fallait que je me décide.
Brûler ce numéro ou le rentrer dans mon téléphone.
Soudain même les pires choix de la terre me semblaient minimes comparé à ce dilemme.
Finalement j’ai pris mon téléphone, tremblant, en me disant qu’il y avait une sacré nuance entre créer le contact et l’appeler.
D’ailleurs le nom du contact a posé un certain problème. Je ne connaissais même pas son prénom. Et je ne pouvais non plus nommer notre relation – si relation il y avait.
Finalement je l’ai appelé Mec Inconnu. Super original. Et ensuite j’ai posé mon téléphone à plat devant moi. J’ai attendu.
Quelqu’un dans ma série à dit :
« Saute ! Vite, saute ! »
Je, j’ai sursauté. J’ai regardé l’écran, captivé.
Un ralenti, et quelqu’un sautait in-extremis entre deux immeubles, et quand son pied a quitté le toit de l’un, ce dernier a explosé, projetant le personnage sur l’autre côté. Là où l’attendait un autre, lui attrapant le bras pour l’aider à monter et à s’enfuir.
Rien à voir avec la situation dans laquelle j’étais.
Mais j'ai envoyé un message sur le coup. Chose que je n’aurai sans doute jamais fait sinon.
On se voit ?
Et j’ai reposé mon téléphone. Pour suivre la série plus attentivement.
J’ai du à peine terminer un épisode, et encore, que mon portable a vibré. Je me suis littéralement jeté dessus.
Heureusement que ce n’était pas n’importe quelle notification, sinon je n’aurai pas supporté la déception.
Heureusement, c’était lui.
Avec plaisir. Je passe quand ?
Ça m’a fait rire.
Il est passé en fin d’après midi. Quand ma sonnette a retenti, j’ai sursauté de mon canapé. Je n’avais presque pas bougé de là de la journée, sauf pour me nourrir, et il fallait que je range un peu.
J’ai paniqué.
Je ne savais pas quoi faire en premier. Lui ouvrir ? Ou ranger ? J’ai décidé qu’il était trop tard pour ranger entièrement de toute manière, donc je suis allé lui ouvrir.
J’ai ouvert la porte après avoir galéré avec le verrou bien sûr, et quand j’ai recroisé son regard, j’ai fondu.
Ça faisait plus longtemps que je ne croyais.
« Salut. » m’a-t-il dit.
« Salut. » j’ai répondu.
Je me suis à peine décalé pour qu’il entre, qu’il m’a embrassé sur la bouche, en m’attrapant la taille. Je ne m’y attendais pas, et j’ai eu à peine le temps de refermer derrière lui.
Et je me suis alors rappelé que la première fois on était tous les deux bourrés. Pas là. Je ne savais pas exactement quelles conclusions en tirer.
Je lui ai quand même rendu son baiser.
Pourvu qu’il ne voie pas le bordel dans la cuisine. Et dans le salon ! Oh la la…
« Eh détends toi. Ça va ? » il m’a demandé.
« C’est juste que j’ai rien rangé. C’est un foutoir pas possible. »
« On n’a qu’à ranger. »
« Hein ? » j’ai dit. « Mais… »
« Ça me dérange pas. T’inquiète. »
On s’est mis à ranger en silence. C’était étrange. Je ne savais pas comment ça allait tourner, je ne contrôlais rien, rien, rien du tout. Et je n’avais aucune idée de comment ça marchait, ce genre de trucs.
Quand on a eu fini, on s’est regardés comme deux ronds de flan, et on a ri, en même temps. C’était tellement ambigu comme situation. Presque comique.
Je n’ai pas bougé. Lui si. Il s’est encore approché doucement, comme s’il avait peur de me faire fuir. Il a posé ses mains sur ma taille, délicatement. Je le découvrais en même temps, et je n’aurai pas pensé qu’il soit si grand et qu'il ait d’aussi grandes mains.
Il m’a regardé encore, en faisant glisser ses mains jusque derrière moi. C’en était trop. Il fallait que je le touche.
J’ai remonté son torse avec mes mains, et j’ai encadré son visage d’ange, pour redescendre sur son cou. Je voulais juste sentir chaque parcelle de sa peau sous la mienne. Comme une course au contact. J'ai dû me mettre sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Il m’a léché la lèvre intérieure, et j’ai senti quelque chose de nouveau.
Comme si une fleur venait d’éclore.
Les sons, les odeurs, le goût, tout était amplifié. Je l’écoutais, le sentait, je pouvais connaître sa saveur.
Comme si un baiser pouvait faire naître autant d’émotions.
Cette fleur a soudain pris feu.
Il m’a attrapé la taille, et j'ai accroché mes jambes autour de la sienne. Il m’a collé contre le mur, mais je n’ai rien senti. A part lui. Je pouvais sentir jusque nos battements de cœur à l’unisson.
Il a glissé sa langue le long de ma clavicule, et j’ai gémi, sans faire exprès.
J’ai mis ma main sur ma bouche.
« Du calme. » il m’a dit en souriant.
Je lui ai donné un coup de poing dans le dos, puisqu’il me tenait toujours contre lui, mais je doute qu’il ait réellement senti quelque chose.
Il est remonté avec sa langue le long de mon cou, et a tracé la ligne de ma mâchoire.
Mes yeux se sont fermés tout seuls, comme si tout cela était devenu trop fatiguant. Je voulais juste m’abandonner.
Et ce soir là, cette nuit là, m’a semblée être encore mieux que la précédente. Je passais mes week-ends avec lui. Parce que chaque fois depuis, chaque nuit était meilleure que la précédente. Chaque fois.

Regards CroisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant