Après la Nonpocalypse, après avoir échangé de corps et être de nouveau sortis du jardin, Crowley et Aziraphale restèrent, littéralement, ensemble. Il n'y eut pas le moindre débat, la moindre réflexion à ce sujet. Il n'avait juste aucune raison de se séparer.
Si l'ange avait un petit creux, ça tombait bien, Crowley mourrait d'envie de l'inviter dans ce restaurant qu'il avait découvert l'année dernière. Si la nuit était tombée et qu'il fallait rentrer, eh bien, la librairie avait toujours été le plus confortable des deux appartements, de toute façon, et le démon adorait dormir en travers du canapé, entouré de l'odeur des livres et de l'aura discrète, mais bien présente, d'un Aziraphale perdu dans la lecture de quelques ouvrages obscurs. Lorsque le jour revenait, l'indigne libraire était absolument ravit qu'un serpent géant fasse fuir les clients qui osaient essayer d'acheter l'un de ses précieux livres. Et si Crowley s'inquiétait pour ses plantes et partait les arroser, quelle raison Aziraphale aurait de ne pas l'accompagner ? Ils pourraient toujours s'arrêter sur le chemin, vers le marchant de glace, et marcher un peu dans le parc...
Ils n'avaient plus d'ordres à suivre, plus de mission à l'autre bout du monde et plus besoin de se cacher. Bien sûr, Aziraphale continuait à rendre la vie des humains un tout petit peu plus lumineuse – c'était dans sa nature, après tout – et bien sûr, Crowley continuait à la rendre un tout petit peu plus irritante – parce qu'où était le fun, sinon ? – mais ils se connaissaient depuis si longtemps qu'ils savaient tout du fonctionnement de l'autre, et peu de choses leur faisait aussi plaisir que de recevoir un compliment pour un travail bien fait.
Crowley était heureux. C'était complètement dingue, incroyable, impensable, inconcevable, mais il lui fallait bien l'admettre, le matin, devant la glace de la salle de bain d'Aziraphale, où trainait ses quinze shampoings et après-shampoings différents. Il était heureux. Il arrivait même, lors de matinées particulièrement lumineuses, que son ange lui adresse un bonjour couplé d'un sourire et d'un « oh, mon cher, ta cravate est coincée dans ta chemise », suivit d'une bonne dizaine de minutes d'Aziraphale ne regardant définitivement pas la cravate, à quelques centimètres d'un Crowley en voie d'implosion.
Oui, il était heureux. Pour la première fois depuis bien longtemps – depuis le Commencement, en fait – il n'avait pas peur d'aller trop vite, et il n'avait pas peur de rester coincé pour toujours dans un piège de non-dits et de désirs inexprimés. Ils avançaient, ils progressaient, tout doucement, à leur rythme propre, celui qui avait toujours été le leur. Ils avançaient ensemble, chaque jour un peu moins loin l'un de l'autre, et ils avaient tout le temps de toute l'éternité pour savoir jusqu'où ils se rapprocheraient, pour savoir à quel moment les peaux frôlées se changeraient en caresses et les sourires en – oserait-il l'imaginer ? – en baisers.
Mais on ne devrait jamais estimer qu'on a le temps. Jamais. Même lorsqu'on se trouve être une entité surnaturelle presque immortelle amoureuse d'une autre entité surnaturelle presque immortelle.
À cause du « presque ».
~
Une après-midi, peut-être trois ou quatre mois après le jour où le monde ne finit pas, Crowley commença à se sentir étrange. Il était allongé en travers du sofa, dans la librairie, et faisant semblant de ne pas lire un livre qu'il dévorait avec passion, lorsqu'une drôle de sensation le ramena au présent. C'était comme... comme une sorte de grattement... une irritation persistante dans sa gorge et contre sa peau, quelque chose qui ressemblait à une allergie au pollen (impensable : il l'avait strictement interdit à son corps), mais en beaucoup plus fort.
De plus en plus fort, en fait.
Il se redressa en grimaçant, la main contre la tempe.
-Crowley ? s'inquiéta Aziraphale en relevant la tête de son étagère. Mon cher, que se passe-t-il ?
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Le parfum des myosotis (Good Omens)
FanfictionAprès la non-apocalypse, Aziraphale et Crowley pensent être sortis d'affaire. Ils profitent doucement de leurs journées, se rapprochant petit à petit, comme s'ils avaient devant eux toute l'éternité... Mais ni l'Enfer, ni le Paradis, ne sont de cet...