Chapitre 8

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Trois heures plus tard, les assiettes étaient vides et la bouteille de vin semblait sans cesse sur le point de se terminer, sans jamais s'assécher pour autant.

-Ce que je veux dire... balbutia Crowley en levant un doigt péremptoire. Ce que je veux dire... Les abeilles. Jaunes. Noires. Toute rondes, toutes douces. Bzzzz. Bzzz. Mignonne, gentilles zabeilles.

-Mais... hic... les guêpes ? Protesta Zira. Les gens y n'aiment pas... Mais c'est beau ? Taille fine... élégantes... Pourquoi pas aimer les guêpes ?

-S't'injuste, acquiesça sombrement Crowley. Comme les serpents. Les gens n'aiment pas. Pauvres serpents.

-Moi, j'aime, répliqua Zira en reposant si fort son vert qu'une partie déborda.

-Y z'aiment pas les yeux, continua de se plaindre Crowley. Personne n'aime mes z'yeux !

-Moi, j'aime ! Répéta Zira, avec un peu plus d'intensité.

-Bah, répliqua Crowley. Tu les as jamais vu.

Zira se leva, fit le tour de la table et se pencha sur Crowley, toujours assis, qui le regardait en tremblant légèrement.

-Zira ? Demanda-t-il, tout bas.

-Tu veux bien me montrer tes yeux ? Souffla le libraire. Tu as toujours l'air loin de moi, derrière tes lunettes noires...

-Zira, tu... tu devrais... dessoûler.

Il claqua des doigts et une même grimace tordit leur deux visages. La bouteille, sur la table, se trouva aussitôt remplit. Zira ne comprenait pas vraiment ce qui venait de se passer, ni pourquoi ses idées se trouvaient soudain plus claires, mais il s'en moquait. Tout ce qui importait, c'était Crowley, qui levait vers lui un visage perdu, presque suppliant, si vulnérable qu'il sentait son cœur se serrer.

-Tu veux bien me laisser voir tes yeux ? Demanda-t-il de nouveau, très doucement.

-Ils sont laids, balbutia Crowley.

-Je suis certain que c'est faux.

-Non, tu ne comprends pas, je suis... J'ai une maladie rare. Ils te feront peur.

-Laisse-moi en juger, s'il te plait...

Le démon ne pouvait pas répondre non, pas à ce regard-là. Mais il avait l'impression que si Zira le rejetait, s'il le traitait de monstre... Oh, oui, il était fort possible qu'il se brise.

Il hocha la tête en tremblant, les mains crispées autour de sa poitrine. Je ne te ferais pas de mal, songea Zira, le cœur serré. Pourquoi as-tu si peur de moi ?

Il se pencha un peu plus et tendit ses doigts, lentement, assez lentement pour que Crowley ait tout le temps de changer d'avis, vers les verres fumés qui protégeaient son regard. Il s'en saisit délicatement et les tira vers lui, dérangeant brièvement quelques mèches rousses.

Les yeux de Crowley étaient immenses, en dessous, grands ouverts, comme terrorisés. Ils étaient d'or et leurs pupilles noires, fendues, comme ceux des serpents. Zira sentit une drôle d'émotion le traverser, ébranlant son cœur et le cours de ses pensées. Le regard de Crowley, enfin !

-Tes yeux sont magnifiques, souffla-t-il en posant une main sur sa joue.

Crowley battit des paupières et une larme s'échappa. Zira la cueillit du bout de son pouce, au milieu d'une caresse.

Crowley ferma les yeux, goûtant à l'ineffable chaleur de cette paume, puis se laissa basculer en avant, enfouis son visage dans le ventre de Zira, agrippa sa taille, et le serra contre lui, le plus fort possible. C'était toujours son corps, toujours son odeur, l'odeur de son ange, de l'être qu'il aimait plus que le monde lui-même. Il sentit Zira trembler sous son étreinte, puis s'immobiliser et glisser une main dans ses cheveux, qu'il caressa doucement, tandis que l'autre se posait dans son cou.

Le parfum des myosotis (Good Omens)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant