[Terreur toxique - 2] Machinations politiques

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Lundi 30 septembre, 16h45

Ma mère m'envoie plusieurs pavés sur messenger : ça y est, elle a des infos.

Hélas, elles sont peu réjouissantes.

Elle m'explique que les relevés effectués par la préfecture n'ont pour ainsi dire aucune valeur.

Tester un échantillon pour savoir ce qu'il contient nécessite en réalité de tester la présence de substances bien précises. En clair, il ne s'agit pas de demander "quelles substances contiens-tu ?", mais "Contiens-tu la substance A ? Contiens-tu la substance B ? (etc)". Ce détail méthodologique fait ressortir 2 problèmes dans notre cas :

1. Il faut avoir la liste précise des substances qu'on recherche. Et là, ma mère m'apprend qu'en réalité, Lubrizol n'a toujours pas communiqué la liste complète des substances qu'ils détiennent sur leur site. Alors quant à savoir ce qui a brûlé, on en est loin...

2. Cette méthodologie ne permet pas de tester la présence des réactions chimiques dangereuses qui se sont produites lors de la combustion des différentes substances. Mélanges, chaleur... quel a été l'impact de ces phénomènes sur les produits toxiques qui sont partis en fumée ? Impossible pour l'heure de le savoir.

Je montre les messages à Matt. Fin de la récréation : les choses se corsent.

Ma mère continue de m'envoyer des pavés. Après m'avoir demandé de ne pas dévoiler ses sources, elle me révèle alors une information qui pourrait bien tout faire basculer.

Et qui explique pourquoi la préfecture défend Lubrizol becs et ongles, en plus de minimiser les conséquences de leur incompétence envers et contre toute cohérence.

Récemment, Lubrizol avait sollicité un agrandissement de leur zone de stockage de produits dangereux auprès de la préfecture. Pour cela, le préfet a dû consulter des spécialistes sécurité sanitaire afin d'obtenir leur aval.

Aucun des professionnels interrogé n'a donné son accord. Pire encore, tous ont vivement déconseillé ce projet, arguant du fait qu'au vu de la densité de population autour de l'usine, il était en l'état beaucoup trop risqué d'accorder ce permis.

Le préfet est passé outre leurs recommandations et a accordé à Lubrizol l'autorisation d'agrandir leur zone de stockage.

Devinez d'où est parti l'incendie ?

D'une fucking zone de stockage.

A posteriori, j'ai appris que l'agrandissement de ladite zone n'avait pas encore été effectuée. Quelques jours plus tard, cette information est sortie dans la presse (à l'exception du détail ô combien croustillant de l'absence de prise en compte de l'avis des experts interrogés par la préfecture...). Le préfet martèle qu'il ne "regrette pas sa décision" et qu'elle est sans aucun rapport avec l'incendie.

Certes. Mais si toutes les décisions concernant Lubrizol ont été prises de cette manière, alors ce n'est peut-être pas celle-là qui aura déclenché la catastrophe chimique qui a touché notre région, mais une autre dont nous n'avons pas (encore) connaissance.

Bref, quand on se fait accuser de vol à tort alors qu'on est un cambrioleur chevronné et impuni depuis des années, peut-être serait-il intelligent de pas trop la ramener. Question de décence.

Parce que statistiquement, je ne crois pas une seule seconde que cette décision arbitraire soit la seule qui ait été prise concernant Lubrizol. Ce serait quand même un hasard monstrueux qu'un incendie éclate après la seule mauvaise décision de la préfecture...

Enfin, pour saupoudrer tout ça d'une note positive, ma mère termine ses révélations par un "[Prénom retiré] m'a dit aussi qu'il y avait beaucoup d'amiante qui s'était échappée. Ça reste longtemps dans l'atmosphère. Bonne fin de journée quand même !"

Vie d'autrice - RantbookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant