§ CHAPITRE 4 §

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Elian fut interrompu dans son festin par l'entrée fracassante d'un homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux grisonnants, l'air sévère. Il jeta violemment une lettre sur la table qui, paradoxalement, glissa dans un bruit feutré jusque sous les yeux du jeune homme.

L'homme ne décrocha pas un mot et croisa les bras sur sa poitrine, attendant visiblement qu'Elian prenne connaissance de la lettre.

Le jeune homme grimaça et avala rapidement ce qu'il était en train de mâcher. Il saisit la missive et grimaça de plus belle en apercevant le tampon de son IUT sur le haut du courrier. Il fit semblant de lire la lettre, même s'il en connaissait déjà le contenu, se laissant le temps de réfléchir à une excuse. Le courrier faisait état d'une deuxième absence non justifiée et rappelait que la troisième lui donnerait automatiquement le statut de défaillant lors de ses prochains examens et serait synonyme de redoublement.

Elian savait qu'il avait quelque peu abusé, ayant déjà presque grillé tous ses jokers absences alors qu'il était entré en études supérieures seulement trois mois auparavant. Le souci, c'est qu'il s'était très vite rendu compte que la filière qu'il avait empruntée ne lui correspondait pas du tout et n'avait pas osé en parler à sa mère. Bien sûr, Marie-Rose aurait compris et accepté que son fils bifurque dans un autre domaine d'étude, elle ne voulait que son bonheur. La principale raison qui avait empêché Elian de faire part de ses doutes à sa mère mesurait un mètre quatre-vingt-dix et se tenait actuellement devant lui.

- Bonjour à toi, Samuel, fit le jeune homme d'une voix insolente. Tu ouvres mon courrier maintenant ?

- C'était adressé à ta mère, répondit sèchement l'homme en appuyant ses deux mains bien à plat sur la table, faisant trembler le meuble.

- Encore mieux.

- Tu crois qu'on te fait la fleur de te payer des études pour que tu te prélasses ? Tu as déjà eu la chance que ta mère insiste pour que nous te laissions une chance de prouver que tu vaux plus qu'un BAC aux rattrapages. Tu ne vas quand même pas nous faire regretter notre choix ? Pas déjà ? Ah, mais j'oubliais, tu as un formidable avenir sur internet. J'ai hâte que ta mère découvre ça, elle va être tellement déçue d'apprendre que son cher fils sèche les cours pour tourner des vidéos d'une stupidité affligeante...

Son ton suintait le mépris et Elian dut se mordre l'intérieur des joues pour ne pas réagir. La chaise renversée en arrière et les bras croisés, le jeune homme conserva un sourire narquois durant tout le monologue de Samuel. Son insolence laissait croire qu'il était inatteignable alors que chaque mot s'enfonçait dans son cœur comme autant de coups de couteaux. En effet, il ne savait pas que son beau-père était au courant de ses activités d'apprenti magicien sur internet. Il sentit une vague de chaleur le submerger. Il eut soudain honte de ce qu'il faisait, honte de ce qu'il montrait, honte de ce que sa mère pourrait en penser et surtout, honte de lui-même et de son travail de vidéaste.

- Tu es ridicule, Elian. Un raté. Il est temps que ta mère s'en rende compte. Tu viendras travailler dans mon usine avec les autres dépravés de ton espèce, voilà ton avenir.

Le jeune homme soutint le regard bleu acier de celui qui espérait le voir flancher. Calmement, il se leva, tentant de contenir les tremblements de sa mâchoire inférieure. Il désigna du menton la porte de la cuisine.

- Si c'est tout ce que tu as à me dire, j'aimerais finir mon repas dans le calme s'il te plaît.

Le poing de son beau-père s'abattit sur la table avec une telle violence qu'Elian du se contrôler pour ne pas sursauter.

- Pauvre Marie-Rose...finit par lâcher Samuel d'un air faussement désolé.

Et après avoir gratifié d'un regard dégoûté le jeune homme, il sortit en trombe de la cuisine.

Atlantide - La Prophétie des NymphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant