Acte 9

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Le tueur fou a un nom, Nemrod
Lundi, une vidéo insoutenable a circulé sur les réseaux sociaux avant d'être censurée.
Un clip de quatre minutes montre la découpe et dissolution étapes par étapes d'un jeune homme dont la famille ne souhaite pas dévoiler l'identité, pour des raisons de dignité évidentes. L'individu responsable de la mise en ligne revendique les meurtres à main armée commis ces dernières semaines dans la région. Bien que son nouveau surnom ait été adopté par tous les médias, il semble peu probable que les deux affaires soient liées. Comme l'explique le docteur Finck : « La fascination pour les tueurs en série inspire souvent quelques vocations à des psychotiques en mal de reconnaissance. »
Tout reste cependant possible tant que l'enquête n'a pas plus avancé. Aucune empreinte n'a jamais été retrouvée et un contrôle renforcé de la vente d'armes à feu est resté sans résultat.
De plus en plus dépassé, le commissaire Banon a créé le malaise mardi en déclarant à l'antenne qu'aucun être humain, fut-il un véritable génie, ne pouvait contourner si bien les mesures de sécurité en place.

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Peu de temps après cette discussion, Yitzhak disparut. Sa dernière trace tangible fut un montage vidéo qui ne retenait que les éléments les plus gores de sa transformation, le tout sur l'air pop le plus mauvais, et aussi le plus en vogue, du moment. Il devint son propre meurtrier. Le nom mystique de Nemrod tourna sur les réseaux, adulé par l'Internet, craint du pays entier. Des spécialistes étudièrent son cas. Tous se cassaient les dents sur ses pratiques, le choix chaotique de ses victimes, et l'utilisation de technologies plus sophistiquées que personne n'en vit jamais. Je sens monter une folie générale autour de moi. Yitzhak avait des objectifs tous tracés avant de me connaître, des comptes à régler avec des types véreux, puis une certaine forme d'humanité.

Dans l'ombre, il incarne une puissance inconnue dont la simple représentation suffit à renverser les croyances d'une civilisation. Tous s'efforcent de vivre différemment pour ne pas attirer sa colère. Les médias soulèvent beaucoup de débats idiots sans presque jamais demander l'avis d'un docteur en robotique. Qui serait intéressé ? Les psychanalystes et criminologues, au moins, tiennent des discours fumeux qui permettent à l'ensemble de la population de se poser en juge, de condamner. C'est bon pour l'audience. Certainement que les politiques savent et ne veulent pas affoler plus que de raison les braves citoyens en avouant leur incapacité totale à lutter contre mon enfant de métal.

Il m'arrive d'hésiter à prendre la parole en public, tout révéler, donner à la police les moyens de l'arrêter. Mais je me ravise. L'expérience n'est pas terminée. En laissant ma création s'échapper, j'ai pour la première fois de ma vie, trouvé un intérêt à l'observation du monde.

Elle remplace l'absence brûlante de son squelette d'acier cliquetant, des fils électriques épais, grésillant, du tic tac régulier d'une boîte noire qui vibre à la place du cœur.

De Sang avideWhere stories live. Discover now