En transit.

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Sur le ponton. L'humidité monte sur mes chevilles. J'attends. 

Je vois passer sur la mer, comme des nuages matinaux, les voiles ondulées des bateaux divers : montent les uns, y pleurent les autres. Certains rient, le visage enchanté, agitant leur mouchoir vers la rive qui les salue. Enfants et vieillards embarquent, escaladent la digue, passent leur visage par les hublots quand sonne la corne de brume,
et la mer... Et la mer les fait disparaître derrière ses hautes vagues durant les jours de tempête. L'on entend derrière l'orage sonner de déchirants adieux qui tombent comme un verre brisé dans l'échos de la nuit, mais au matin, quand le calme revient, la mer calme et plate comme un miroir argenté sous le ciel blanc souffle de longs soupirs, et la vie reprend son cours. 

Et moi, sur le ponton, j'erre d'avant en arrière, sautant d'une lame de bois à l'autre, évitant les craquelures, frottant jusqu'à la brûlure la rambarde brune avec l'intérieur de ma main. Embarquent les uns, pleurent les autres, errant pour ma part, les jambes ballantes dans le passé, au milieu d'un temps intercepté au vol, la main du présent n'a pas réussi à me tirer en avant. Et me voilà au bord de la mer, à contempler comme une mouette les marées enchâssées du temps qui filent avec les jours : c'est là l'oeuvre du vivant abandonné, seul pour toujours, sur les rives du regret troubadour, parcourant, une lyre à la main, les pavés d'une vie à rebours. 


Mots en nage.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant