J'ai entendu ta voix, ta véritable voix.
Un jour tu t'es mise à crier. Debout, là, au-dessus du carrelage froid, tu as levé les bras. Tes cheveux blancs étaient autour de ton visage en deux courtes nattes serrées tout contre ton front. Ta bouche s'est ouverte, grande, en même temps que tes yeux. Tu t'es mise à parler. Calmement d'abord, avec ce regard si doux que tu prenais au théâtre. Une voix derrière toi, '' Vas-y, plus fort", a enrayé ta parole pour la pousser plus haut. Les mouvements du chef d'orchestre filèrent entre les acteurs ; il marchait avec ce corps immense, soulevant les voix, entraînant le rythme : et toi, debout, seule, tu t'es mise à gronder : ta voix d'abord incertaine a tenté le cri, les graves, la force...
Qu'est-ce qu'elle est belle !
Et la nuit, et la mer... Tu me prenais par la main en courant. L'eau noire sous nos pieds ondulait calmement. Le vieux bateau échoué sur le sable, et toi à sa proue...
Tu courrais vers l'horizon, tout au bord du ponton. Et lorsque nous nous retournions vers la rive, la côte sombre parsemée d'étoiles souriait à nos vœux formulés tout bas. Des flaques de lumières tout en haut du chemin filaient le long des routes invisibles. Et contre les falaises, bleu et hautes sous les arbres noirs, te retournant, tu criais de ta voix de théâtre les répliques que toute la journée durant nous traînions avec nous. Là contre les falaises, j'ai eu si souvent envie de pleurer.
Qu'est ce qu'elle est belle !
Son torse nu apparaît un instant, sautant sur le lit avant de disparaître derrière le mur. La robe blanche remplace les bras agités, y tombent des boucles longues, blanches, soulevées au rythme des sauts, je crois qu'elle sourit. Je la vois sourire derrière le carreau. - Essaie de suivre la partition !Le hautbois revient tout contre le son clair de la flûte, tente de s'y raccrocher. Elle me regarde quand je reprends nos instruments. - Essaie de suivre la partition...Je m'approche, tend ma main. Les boulots découpent sa silhouette en filaments blancs, striant son visage tandis que disparaissent, derrière le bois, ses deux yeux clairs. Devant moi ne s'approche plus qu'une face blême et impersonnelle :
j'ai oublié les traits de ton visage.
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Mots en nage.
Poesía[Poésie.] - Attends, j'ai perdu quelque chose, je reviens ! - Qu'est ce que c'est ? - Je... Je crois que je ne sais plus. Je crois que j'ai oublié... J'ai oublié les traits de son visage...