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Sam portait une barbe. Just here, qu'il disait. I just let it grow here.

Apparemment y avait une grosse job aux states. Y faisait ben du cash. Tu comprenais pas trop en quoi ça consistait, parce que l'anglais, c'est pas ton fort. T'en perds un mot sur deux quand y piaille. Mais son porte-feuille était plus plein que celui de Benoît, qui vendait des peanuts derrière la quincaillerie, faque c'était pas pire. Pis y portait du beau linge. Pas du linge de bureau là, y'a personne qui s'habille comme ça ici. Mais du beau linge de sport, du jamais porté.
Sam devait pas faire beaucoup du sport aux states.

Y'a dû avoir une crise existentielle dans sa tour à Wall Street. L'appel du vide, ça doit être quelque chose en haut du 87e étage. Quand tout le monde s'engueule pour rien dire, pendu dans l'ciel, c'est facile avoir l'impression de tomber. Le goût de tomber.

Sam y'est tombé ici. Il cherchait où poser pied. S'enraciner, ça permet d'oublier que la vie est une longue chute libre vers la mort.


Je suis Québécois, qu'il t'a baragouiné. My family was from here.

Un Franco exilé. Québécois qui s'ignore. Même s'il parle Français avec une patate dans la bouche, pis que y'a pas une criss d'idée c'est qui Maurice Richard, son regard arrête de chercher quand vous vous vous assoyez sur la plage. Même si sa tête a oublié, son corps se souvient que c'est chez lui ici. Il te parle comme un étranger, mais te baise avec un corps d'ici. Peut-être que tous les corps sont d'ici. Ou de partout. Des corps pareils partout, avec des souffles haletants pis des queues pis dl'a chaleur, qu'importe. Y'a pas de langue pour baiser —juste la tienne dans mon corps.

BléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant