Chapitre XII - Le départ

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Grundsätze anzündet

Dein würdiger Drache

Und ich verlange

Wuchtig nach Rache


L'hiver se manifestait par quelques giboulées quand je décidai de plier bagages. Par habitude, mon sac était fait, la voiture louée cash, l'hôtel réservé sous mon faux nom avant même qu'Ariane ne se décidât définitivement à me suivre. Guillaume essaya bien de me dissuader mais, après les vaines tentatives de Schneider quelques mois plus tôt, il n'avait aucune chance et étrangement, plus il épuisait ses arguments pour me ramener sur la voie de la raison, plus Ariane penchait dans mon sens.

Dix jours après la réception, Ariane et moi roulions en direction de Marseille, le sac lesté de cinquante mille euros « au cas où, » psalmodiait-elle. J'ignorais quelles mésaventures il fallait prévoir, et je n'avais pas réfléchi à comment opérer ensuite après être installés à Marseille. L'improvisation me sembla être la meilleure voie à suivre, d'autant plus qu'elle nous réussissait jusque-là, Ariane étant bien débrouillarde ; peu importaient les conséquences qui en résulteraient ; alors je m'y tenais.

Sur la route, je voulais conduire la majeure partie du trajet – fixer mon attention sur la conduite m'aidait à ne pas réfléchir – mais Ariane m'arracha le volant quand je faillis percuter une Mercedes qui doublait par la droite.

'Les Français ne savent pas conduire !' m'emportai-je.

'Ça tombe bien ; je suis Pakistanaise. Passe-moi le volant ou je te laisse en plan sur la prochaine aire de repos.'

'Très bien, comme tu veux.'

Pendant qu'elle conduisait, je feuilletais le journal d'Adélaïde, me plongeant dans ses péripéties comme on s'intéresse au feuilleton de l'été – un peu malgré soi. Je tombai ainsi sur une description laconique de G.Don – « le gros Anglais » – et compris enfin qu'il s'agissait de Tony, photographe que j'invitais souvent car il arrivait toujours accompagné de cinq ou six mannequins. Adélaïde ne le portait visiblement pas dans son estime et les surnoms fusaient : « le bouffon, le débile » aurait, selon elle, pris l'habitude de marchander un accès à nos after en échange de petites gâteries. En soi, ça ne me choquait pas. Si des femmes font le choix d'offrir leur corps en échange d'une rencontre avec le groupe – nous ne valons pas mieux que Tony lui-même – libre à elles ! Et puis, si ça me faisait plus de filles « ouvertes d'esprit » comme je disais, j'allais pas y mettre un terme.

A vrai dire, c'est le fait que n'importe quel fan pouvait se rendre compte de tout ça qui me gênait. On aurait cru que les témoignages se propageaient comme des traînées de poudre s'enflamment ; tout ce qui se passait normalement à huis clos faisait l'objet de toutes les rumeurs le lendemain ; et ce sont précisément ceux en qui je pensais pouvoir faire le plus confiance, ces fameux guests, qui étaient les premiers à balancer des infos pour faire les intéressants. Quelle drogue je prenais, quelles filles je me tapais, quelle méthode j'employais pour ne pas les foutre en cloque – tous les détails, même les plus « sordides » (son mot), étaient énumérés avec la minutie d'un reporter.

Maintes fois, je me suis répété que ce journal n'avait aucun intérêt et pourtant, j'y reviens inlassablement. Les commentaires en aparté, qui détonnent par rapport au style neutre et soigné du reste, m'intriguent toujours même si je ne les comprends pas. Par exemple, Adélaïde trouvait que G.Stras5 était « admirable » – alors qu'elle me surnommait le « nid à IST » ; que G.Don finirait « en dépression quand le groupe partirait en retraite » – alors que je ne l'imagine pas une seule seconde finir au fond du trou ; que cette G.The Bee, que je ne reconnaissais pas, était « extrêmement dangereuse » pour le groupe ; que G.Grün était juste un « hypersociable qui ferait tout pour être apprécié des autres fans... » Ses quelques analyses de caractère, qui ponctuent ses récits et me laissent perplexe, sont pourtant tout à fait justes quand elles concernent le groupe.

Ich verstehe nicht (Incompréhension)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant