Chapitre VIII - En quête

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'Tu fais quoi, là, au juste ?'

Toujours le regard inquisiteur de Schneider qui scrutait ce que j'enfournais avec détermination dans mon sac à bandoulière.

'Till ?'

'Quoi ?'

'Tu vas où comme ça ?'

'Mêle-toi de ton cul !'

'Till... j'aime pas ça...'

Schneider me sondait, me suivait jusqu'à la chambre de mon appartement berlinois, regardait ce que je prenais dans les placards, observait chacun des mouvements de mon esprit pour sentir ma prochaine résolution – à vrai dire, Schneider était plutôt doué pour sentir les conflits, les situations problématiques – tout le contraire de Richard, qui devait, à ce moment-là, être en train de cramer sa clope sur mon balcon, en observant les étudiantes en jupes courtes se dandiner vers le Mauerpark.

'Till !'

'Ferme-la...'

Et Schneider, contrairement à Richard, manquait toujours de tact. Dans la salle de bains, je fis ma trousse de toilette automatiquement – des années à voyager avec le groupe avaient au moins eu l'avantage de m'apprendre à faire ça à la vitesse de l'éclair – et alors que je cherchais l'après-rasage en claquant des portes de placard, en me disant pourtant que ce n'était pas une nécessité non plus, j'entendis :

'A côté du savon.'

Je me tournai vers Schneider ; il fit un signe de tête vers le lavabo, où s'était caché le flacon, que je saisis en marmonnant Merci.

'Till...'

'Arrête de me suivre comme un chien !'

Je revins dans le salon, enfournai la trousse dans le sac, vérifiai que j'avais bien mon passeport sur moi et regardai Richard, éberlué derrière la porte-fenêtre.

'Il va où ?' demanda-t-il en rentrant.

'C'est ce que je m'évertue de savoir, figure-toi !' clama Schneider sur un ton impérieux.

Richard resta interdit. Je mis mon sac sur l'épaule, sortis mes clefs de la poche et leur lançai :

'Vous voulez que je vous enferme à l'intérieur ?'

Richard regarda Schneider, en quête de réponse ; Schneider soupira et me suivit dans le couloir, Richard sur ses talons. Dans l'ascenseur, Richard observait mon sac avec inquiétude. Il se tourna vers Schneider et lui chuchota :

'On ne peut pas le laisser faire, c'est de la folie.'

'Ah ça ! Je sais bien !' s'exclama Schneider, alors qu'il ne pensait probablement pas à la même chose.

Richard me regarda, gêné.

'Till ?'

'Quoi encore ?'

'Tu vas faire quoi à Paris ?'

'Botter des fesses.'

Tous les deux froncèrent les sourcils.

'D'après toi ?' ajoutai-je, sarcastique.

Richard acquiesça. Schneider fronça les sourcils. J'ai souvent donné l'impression de prendre Richard pour un idiot. En réalité, je sais qu'il n'était bête qu'en surface ; il pensait souvent à autre chose quand il réagissait enfin à une situation, avec un train de retard, mais son esprit, lui, concevait déjà la suite. Bloqué dans la simultanéité de ses idées, il enclenchait des réactions automatiques, devenues caricaturales surtout après des années d'imitations, qu'il avait appris, docilement ou stratégiquement, à supporter sans broncher. Ça lui donnait des allures de diplomate. Schneider, lui, c'était l'opposé ; il était... têtu.

Ich verstehe nicht (Incompréhension)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant