Raconte-moi une histoire

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Je sautais dans mon lit, qui craqua de la plus habituelle des manières. Les pieds en bois tremblèrent, mais tinrent le coup. Ils soutenaient mon jeune corps sans grande peine, mais mon énergie les épuisait un peu plus chaque jour.


Je m'emmitouflais sous les couettes jusqu'à mi-visage. Le regard fuyant, j'observais ma chambre. Une fine mèche de lumière permettait d'en percevoir les formes. Je reconnaissais mes peluches, logées dans une bibliothèque, entre deux livres. Deux contes que ma si belle maman me lisait avant de dormir. Des trois étages qui composaient l'armoire, seule la plus haute vivait. Les autres incarnaient le vestige d'affaires disparues au gré de mes jeux si violents. Aucun jouet ne me survivait bien longtemps.

À la gauche de ce meuble vieilli se trouvait mon bureau. Il ressemblait davantage à une table en acacia, avec quatre rangements. Il était comme nu, je l'avais rangé après mes devoirs. Dans les tiroirs qui l'habillaient verticalement y dormaient quelques livres scolaires. Des manuels, des crayons et diverses babioles que j'y cachais.

Un grand rideau transparent le caressait lorsque le vent soufflait dans ma chambre. Il faut dire qu'il soufflait souvent. Mes fenêtres ne pouvaient le contenir. Elles étaient vétustes. Au mieux, elles m'isolaient de la pluie, au pire, elles permettaient aux maladies de se nourrir. Cependant, l'air hivernal chuintait doucement ce soir.


Je me situais entre deux de ces fenêtres. Contre un mur peint et repeint. Mes envies déguisaient ma chambrette et il n'existait aucune limite quant à ces possibilités. Cette saison, du bleu enveloppait mon univers. Peut-être que la prochaine verrait une robe jaunâtre recouvrir le blanc crème d'origine.

Le sommeil gagnait rapidement son combat contre ma curiosité infantile. Toutefois, mon rituel ne s'achevait qu'une fois le tour de ces vingt mètres carrés terminé. Je jetais un coup d'œil sur la grande armoire en pin d'occasion. Je vérifiais ses portes. Closes, bien. Cela me rassurait. Si l'une d'elles avait l'impertinence de laisser une chemise ne serait-ce que dépasser, je pouvais ne pas dormir. En effet, le bois, ce noble matériau que vantait ma mère au quotidien, respirait la nuit. Il se gonflait, grognait et gémissait comme si mes affaires le gênaient. Fermer ces portes, c'était affirmer ma puissance, du haut de mes sept ans.

Une chaise finissait d'animer cette pièce. Disposer au plus près de la porte dans un coin, le siège me faisait face. Fabriqué en aulne, seul un coussin beige légèrement rembourré permettait un confort convenable. Son dossier rectangulaire renforçait son appui par une série de lignes verticales, responsables de plusieurs maux de dos. Dessus, droite et patiente, se trouvait ma maman. Elle attendait la fin de mon rituel. Elle savait dans le cas contraire que mes hurlements nocturnes la réveilleraient. Sa silhouette me réconfortait. Devais-je plutôt parler de son aura, profondément bienveillante.


Je sortis donc timidement ma bouche de la couette, comme pour l'inviter à me rejoindre. Le froid environnant effleura mes lèvres de bébés, les crispant légèrement. Celle qui m'avait vu naître se leva et vint s'asseoir au plus près de moi. Son poids fit pencher le matelas de son côté. Le sommier hurla, mais résista.

Je discernais un sourire franc et empli de bonnes pensées. Magnifique, il entretenait ses rides et les embellissait. Ses jambes croisées, protégées par un pantalon noir supportaient ses douces mains. L'inclinaison de son dos affirmait sa posture de professeure des écoles.

Elle sentait le parfum. Un mélange de fleurs qu'il était possible d'imaginer durant la rosée du matin, en été. Un effluve apaisant, utilisé principalement lors de ses réunions parents-professeurs. Cela expliquait l'heure tardive du dîner.

« Prêt à aller au lit ? », me demanda-t-elle aimablement, son corps dansant au rythme de ses mots. Je hochais la tête, attendant mon histoire.

Délivre-toi Des SongesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant