« Je ne devais jamais le rejoindre, sans quoi je deviendrai comme ma sœur. Ma mère l'apprit bien après, à ses dépens, malheureusement. J'ai eu beau par la suite me renseigner, je n'ai jamais pu comprendre quoi que ce soit au sujet de cette chose qui nous séduisait dans nos rêves, ni pourquoi elle venait à nous. Mon arrière-grand-père, néanmoins, avait écrit un ouvrage, que personne n'expliquait. J'avais décidé d'y jeter un œil et j'avais bien fait. Ta grand-mère et moi-même, on a lu et relu chacune de ses lignes jour après jour, jusqu'à ce que la trois cent vingt-septième page puisse s'interpréter ainsi. »
Elle sortit de la poche arrière de son jean une feuille pliée en quatre. Elle l'allongea péniblement et, tentant de retenir son émotion, en traduisit un extrait :
« Et puisses-tu ouvrir ton cœur, toi qui dans la pénombre nous appelles. Toi qui nous garantis la chaleur de ton corps, en échange de la nôtre. Toi qui apparais aux hommes dès sept ans, aux premiers froids et aux femmes dès que leurs plus proches aimants se cèdent à ton étreinte. »
Elle jeta ensuite un regard horrifié en ma direction, la réminiscence de mes dessins la saisissant. Le chagrin ne se cachait plus de derrière ses paupières.
« Et si le temps passe sans qu'elles ne te rejoignent, continua-t-elle par cœur, la voix tremblante. Alors tu disparaîtras de leurs songes, jusqu'à ce que tu n'engloutisses à nouveau un de leurs plus proches aimants, encore et encore... »
Elle fondit enfin en larme, me serra dans ses bras si fort, que j'en eus des fourmis de la tête aux pieds. Elle se détacha rapidement de moi pour me supplier de ne jamais côtoyer cette silhouette. Elle me la montra avec mes gribouillis, pointant la chose du doigt avec violence, en répétant cette consigne. La folie s'emparait d'elle, son maquillage s'écoulait avec les perles d'eau. Sa voix torturée, mais fragile résonnait contre les murs. Elle tapait de son index le plus tendu sur cette ombre avant de jeter les feuilles au loin. Ses mains vibraient. Elles se déformaient. Ses os raidis les rendaient squelettiques et inquiétantes. Le papier s'accumulait sur le parquet, dans un frôlement désagréable. Ils virevoltaient tels des déchets bannis, interdits. Bientôt, une dizaine jonchait le bois. Des cadavres que jamais plus, je ne lui présenterais.
Son état détint sur moi et très vite la peur vint me réchauffer. J'empêchais mes yeux de fuir comme un robinet et m'enterrait dans mes couvertures. Des gémissements de terreur se dégageaient de ma bouche frémissante et je ne pouvais retenir alors :
« Je n'aime pas cette histoire, je n'aime pas cette histoire, non non je l'aime pas du tout maman !
- Moi non plus, mais promet-moi de ne jamais rencontrer cet homme, je t'en supplie ! »
Dans l'incapacité de répondre, je hochais la tête. Ne pouvant le voir, elle me retira avec force la couette et son visage m'apparut comme le plus effroyable des cauchemars. Ses yeux rougis par les pleures, coulaient à profusion. De son nez s'évadaient un fluide jaunâtre et, de sa bouche entrouverte, un filet de bave me conjurait de réagir. L'horreur de son regard creusé par les cernes de la terreur me fit hurler.
Elle s'excusa mille fois tandis que je me réappropriais mon bouclier de tissu. J'enfilais ma tête dessous malgré sa chaleur étouffante. L'angoisse me parcourait, ma vessie commençait à me tirailler. J'avais peur, je ne voulais plus l'entendre, je ne voulais plus de cette histoire.
Ma mère se leva du lit. Ses genoux craquèrent, je compris qu'elle s'accroupissait. Ses coudes scellèrent modérément plus mon couchage. De faibles mots, à peine intelligible vinrent compléter ce cauchemar éveiller, mais je saisis bien vite qu'elle priait pour mon âme. Les mains jointes, elle souhaitait ma vie aussi longue que la sienne et bien plus encore. Qu'elle fasse appel à dieu, elle qui n'en avait jamais abordé le sujet, rendit un peu plus confus mon état. Je sanglotais, en me répétant d'un murmure : « Ne jamais rencontrer l'homme à la couverture. L'homme à la couverture n'est pas gentil, pas bienveillant. Il veut manger ma chaleur, pas me réchauffer. »
Mon corps recroquevillé se mut régulièrement d'avant en arrière, les mots résonnant dans ma tête. J'avais déjà été si proche de lui, surtout la première fois. J'avais déjà était si proche de lui que j'avais pu l'entendre respirer.
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Délivre-toi Des Songes
Horror⚠️Histoire d'épouvante horreur⚠️ ➡️Nouvel épisode tous les mardi, jeudi et dimanche⬅️ Je voulais dormir, je voulais une histoire pour m'y aider. Je me suis alors mis dans mon lit et j'attendais ma maman. J'ai sept ans et il commence à faire froid, p...