C'est l'histoire d'un couple

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Une silhouette. Une ombre que je voyais souvent dans ma tête et dans mes songes. Une personne tenant une couverture de toute sa largeur. Elle paraissait à genoux, profondément bienveillante et dans mes rêves, souhaitait m'envelopper de sa chaleur. Lorsque la réalité m'extirpait peu à peu de mes hallucinations créatives, je l'entendais toujours hurler de désespoir. Réveillé, quelquefois, l'être me parlait. Je n'en comprenais pas le moindre mot, mais je l'écoutais. J'aimais imaginer qu'il s'agissait de mon père. Je ne l'ai jamais vraiment connu. Comme aucun homme dans ma famille, en réalité.


Ma confusion accompagna la mélodie du vent. Son intensité gagnait en puissance, mais restait mesurée. Il s'engouffrait dans ma chambre avec plus de facilité, dans un sifflement préoccupant. La seule similarité entre ces peintures enfantines ne me permettait en rien de discerner son sens. Je fixais dès lors ma mère, attendant une réaction de sa part.

Elle n'en fit rien et patienta quelques instants, plus pensive qu'autre chose. Elle rempila les feuilles en un tas uniforme, puis imposa le poids de son corps vulnérable sur le lit. Il agonisait toujours plus.


Elle installa les œuvres sur ses cuisses, qu'elle serrait dorénavant. Ses coudes prenaient appui sur elles, permettant à son dos courbé de tenir cette position. Ses paumes glissèrent sous son visage, qui s'y écrasa sans peine. Elle regardait, semblait-il, la porte, comme si elle cherchait une issue de secours, ou ses mots. Après une grande inspiration aiguillée par ses paupières closes, elle souffla longuement.

« Dans cette histoire, il n'y a pas de prince, parvint-elle à articuler. Il n'y a pas de royaume magique non plus.

- Ah bon ? Ça se passe où, alors ?

- En fait, se ravisa-t-elle. C'est l'histoire d'un couple... »

Elle leva les yeux, en pleine réflexion. Un silence s'installa à nos côtés, troublé par le léger bruissement du vent. Je l'observais, partagé entre l'impatience et une pointe d'inquiétude. À la suite d'un temps manifestement court, mais perçu comme une éternité, elle débuta son épopée :

« Ce couple n'était ni noble ni pauvre. Il travaillait comme toutes et tous, essayant par tous les moyens d'être heureux. Pour y parvenir, ces jeunes gens emménagèrent ensemble avec l'accord de leurs parents. Ils donnèrent la vie à deux filles. Ils firent de leur mieux pour les élever convenablement et leur payer des études, malgré les dettes.

- C'est papy et mamie, c'est ça ?

- Mais les fillettes grandirent vites, continua-t-elle, ignorant mes propos. Et bientôt, elles quittèrent le domicile. Au départ, les enfants restèrent très soudés avec le devenu couple âgé. Parmi ces jeunes adultes, l'une découvrit l'amour rapidement. Elle se maria au bout de quelques mois. Les parents étaient enchantés de voir l'une d'elles resplendirent de joie. L'autre, toutefois, avait plus de mal à rencontrer quelqu'un. Elle le voulait, c'était certain, mais n'y parvenait pas. Les hommes, elles les trouvaient immatures. Cependant un beau jour, la jeune femme entendit la foudre éclater en son cœur, lorsque son regard se perdit dans celui d'un étrange garçon. Toujours en retrait, elle aimait sa discrétion. En lui parlant, elle ne s'attendait pas à être autant captivée. Il était passionnant. Intelligent. Inadapté par moment, surtout socialement, il n'en demeurait pas moins un homme avec beaucoup d'idée. Il avait en outre une créativité impressionnante et racontait nombre d'histoires toute plus originales les unes que les autres.

Il n'en fallut pas plus à l'amoureuse pour lui déclarer sa flamme, qu'il entreprit d'alimenter au quotidien par de grandes poésies sentimentales. Bientôt, ils se marièrent et eurent, à leur tour, un petit garçon. »


Elle stoppa là son aventure, le visage apaisé. Cette partie semblait lui faire du bien, ravivait des souvenirs enchanteurs. Elle s'imaginait sans doute pouvoir conclure cette histoire ainsi.

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