Les premières lueurs du jour dissipèrent l'enfer. Le chant des oiseaux résonna, consolant mon âme meurtrie et fatiguée. Je sortis donc la tête, pour apercevoir un environnement stérile. Dénué de tout danger. Les cernes sur mon visage se révélaient douloureux. Mon état oscillant entre la vie et la torpeur m'alourdit un peu plus. Mon crâne trouva refuge sur l'oreiller, qui se montra d'un confort royal. Mes yeux se clôturèrent enfin pour de bon. La paix me gagna bien vite et avec elle, l'assurance d'un sommeil sans problème.
Ma maman frappa à ma porte deux fois. J'émergeais difficilement après un repos lustral. J'ôtais le drap d'un geste brusque, avant de m'en recouvrir immédiatement. Le froid se révélait insurmontable. Le soleil percutait mon parquet. La poussière se dévoilait davantage dans une robe épaisse et variée.
« Il est l'heure de te lever ! », scanda ma mère depuis la cuisine. Je l'entendais préparer le déjeuner. Je me passais les mains sur la figure, puis les essuyaient sur mon pyjama gris, sans motif ni dessin. J'y trouvais alors une humidité impressionnante. Si ma vessie s'était relâchée au cours de la nuit, la sueur ne l'avait pas aidé à sécher. La honte me prit de court, mes joues rougirent. Je l'ôtais avec dégoût. Mes pas me guidèrent ensuite vers la salle de bain, où j'y envoyais les habits. La corbeille à linge sale était heureusement vide. Saisissant la pomme de douche, je passais plusieurs longues minutes à me rincer, obsédé par cette nuit.
Nu, à peine séché, j'accourais vers la chambre, grelottant, les lèvres bleues. Je fixais soudainement la vitre encadrée de bois miteux, comme pour m'assurer qu'aucune personne ne me guettait. J'ouvrais le placard ensuite, après un temps, et attrapais quelques vêtements. Sans y réfléchir, j'avais opté pour un jogging vert. Je refermais l'armoire en pin pour m'engager enfin vers la cuisine, soulagé.
Là, ma mère m'attendait, assise, les jambes croisées. Deux assiettes fraîchement dressées titillaient ma faim. Des spaghettis au beurre et au persil fumaient et exhalaient cette odeur exquise. Du ketchup trônait sur la table nappée, ainsi qu'un verre de jus, un pichet d'eau et du rab. Prenant place sur la chaise en métal, adouci par un coussin noir, je m'apprêtais à déguster le repas, quand une voix m'interrogeât :
« Tu as bien dormi mon chéri ?
- Pas trop non, répondis-je honnêtement.
- Je suis désolé, c'est de ma faute. Je n'aurais pas dû te raconter ça... Certainement pas comme ça, et en pleine nuit, mais... »
La pause qui s'ensuivit fut lourde. Elle reprit néanmoins quelques secondes après, pour m'avouer ses raisons :
« Ton papa, ça fait tout juste six ans. Hier, j'étais un peu à cran, voilà tout. »
Je dévorais mes pâtes sans un mot, tiraillé par un appétit d'ogre. Je hochais maladroitement la tête pour lui répondre. Puis, comprenant la gravité de ses paroles, j'enclenchais :
« Je ne me souviens pas vraiment de lui...
- C'était quelqu'un d'exceptionnel, vraiment. S'il n'avait qu'une tare, qu'un défaut, se reprit-elle. C'était d'un peu trop chérir l'alcool. En dehors de ça, c'était un homme génial. Il t'aimait comme peu en sont capables. »
Elle enchaîna de nombreux éloges à son propos. Je n'en doutais nullement, mais je ne pouvais les projeter sur un individu. Depuis six ans, je n'avais connu qu'elle. Ma famille se réduisait à elle. J'en étais parfaitement heureux, mais éprouvait un manque inqualifiable, que je ne comprenais pas.
« Tu lui ressembles. Tu as ses yeux et son courage. Sa timidité aussi, sourit-elle.
- Ah oui, interrogeais-je, surpris et intrigué, quelques nouilles pendant à mes lèvres.
- Oui, il me disait que plus jeune, il aimait dessiner et pianoter. Comme toi. Il a toujours préféré la solitude à la parlotte. Comme toi. Je pense même qu'il était très intelligent.
- Surdoué comme moi ?
- J'en mettrai ma main au feu. »
Son attention s'écroula soudainement. Sa tête suivie, comme alourdie par le chagrin. Elle scrutait les couverts, mais son estomac ne semblait rien désirer.

VOUS LISEZ
Délivre-toi Des Songes
Horror⚠️Histoire d'épouvante horreur⚠️ ➡️Nouvel épisode tous les mardi, jeudi et dimanche⬅️ Je voulais dormir, je voulais une histoire pour m'y aider. Je me suis alors mis dans mon lit et j'attendais ma maman. J'ai sept ans et il commence à faire froid, p...