Interroge ton cœur

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Le dimanche chanta de sa plus belle voix matinale. Les coulures orangées baignaient le ciel. En son horizon, la boule de feu grimpait timidement en altitude. La lumière immergeait ma chambre d'une teinte apaisante. Ma mère somnolait, la tête en arrière, bouche ouverte. Une respiration légère s'évadait de ses lèvres. Le chauffage soufflait son air le plus caniculaire en ma direction, luttant contre un automne toujours plus froid.


Mes paupières se décollaient avec difficulté, prises par une chassie gluante. La sécrétion visqueuse m'écœurant, je la chassais avec vigueur. Je glissais ensuite quatre doigts sur ma joue, encore chaude et sensible. Ma respiration se faisait pénible, mon nez se révélait encombré. Et tandis que j'émergeais d'un sommeil réparateur, les souvenirs se réveillant tranquillement, la sonnette vint me faire sursauter. Je refermais les yeux, feignant un repos profond. J'entendis alors des pas quitter ma chambre et résonner jusqu'au salon. Là, la porte d'entrée se déverrouilla maladroitement.


Une voix masculine articula quelques mots. Ma mère y répondit doucement. Elle l'invita ensuite à l'intérieur, puis renonça. Elle endossa son manteau bruyamment, et sortit, ironiquement, le plus silencieusement possible.


Son attitude m'étonnait, et ma curiosité prit bien vite le dessus. J'enfilais mes chaussons, caché sous le sommier. Avec eux, j'attrapais ma couverture. Je l'enroulais autour de moi, telle une cape de super héros. Enfin, je m'avançais au-delà de la frontière de ma chambrette. De ma position, aucune parole n'était audible. Seul un brouhaha confus et brouillé m'était accessible. Le carreau à hauteur d'adulte, découpant la porte d'entrée en un demi-cercle, me permit une chevelure brune. J'y reconnaissais ma maman. Sa tête se mouvait rapidement, elle discutait. J'avançais à pas de loup, imitant les plus redoutables ninjas, de mes films favoris.


Je me dissimulais ensuite par dessous la fenêtre de la cuisine, pour y voir l'étranger. Une grande personne, de dos. Il était vêtu d'une veste en cuir noir, rembourré au niveau des coudes. Un motif d'aigle confirma un motard. Dans ses mains gantées, un casque se balançait au rythme de ses mots. Incompréhensibles. Je me concentrais davantage sur la conversation, dans l'espoir d'y discerner quelques phrases.


« C'est compliqué, tenta doucement la professeure. Il n'est pas encore prêt à te voir.

- Mais pourquoi, questionna l'homme, visiblement impatient. »

Le silence qui s'ensuivit résigna l'anonyme qui interrogea alors mon âge, comme s'il me connaissait de longs temps.

« Sept ans.

- Il a dû tellement grandir depuis la dernière fois.

- Oui, c'est un gentil garçon. Mais il affronte une période compliquée.

- J'imagine, concéda-t-il, sur un ton lourd. »


Le quarantenaire, à en croire sa voix rauque, pareille à celle d'un fumeur, se retourna, pour admirer la maison. Alors que je m'apprêtais à y découvrir l'homme, il remit son casque. Ses yeux, par derrière la visière, transpirait la déception. Il observait la demeure comme s'il la connaissait par cœur, comme s'il l'avait battit de ses mains. Il finit par pivoter, dos à moi. Compréhensif, d'un mouvement, il entreprit de rejoindre son engin motorisé.


Je profitais du calme pour retrouver mon lit. Je m'y enterrais à nouveau, des questions pleins la tête. Le confort eut raison de moi et les rêves reprirent. Seulement, parmi la multitude d'images inoffensives, un panneau de bois apparaissait à intervalle régulier. Une phrase y figurait, en un rouge feu. L'écriture semblait hâtive. Les lettres, haute et mince annonçaient : Qui est l'étranger ? L'homme à la couverture ? Le mystérieux motard sonnant chaque dimanche tout en discrétion ? Ou ta propre mère ? Interroge ton cœur mon petit.


« À table ! »

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