Chapitre 79 : De mes cendres...

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À la lumière des quelques lampadaires auréolés flottants dans la brume, Evan marcha quelques minutes dans la pénombre de la rue. Les lumières n'étaient pas en nombre suffisant pour que les rues fussent suffisamment éclairées et parussent sûres. Comme si c'était volontairement que le Cimetière était maintenu dans une pareille atmosphère.

Il avait du mal à garder les yeux ouverts. Chaque pas était une torture et le froid semblait se faire une place à l'intérieur de son corps. La tête lui tournait. Il fallait qu'il trouve une pharmacie. Il pourrait ainsi s'y procurer des agrafes et des pansements de guérison accélérée ainsi que quelque chose pour calmer sa violente migraine. Et surtout de quoi se réchauffer mais il savait pertinemment que, malheureusement pour lui, il n'y avait rien de tel aussi loin du 9ème.

Il était au cœur du Cimetière et les rues en plus d'être inhospitalières, noyées dans un brouillard épais, étaient aussi peuplées qu'une nécropole lors d'une rude soirée d'hiver. Il croisa quelques pauvres bougres qui ne manifestèrent aucun intérêt, ni à son visage ensanglanté, ni à ses vêtements poisseux de sang. Rien d'inhabituel par ici. Sur ses vêtements, le sang, semblable à des rubis à la sombre lueur, s'était cristallisé. Il s'appuyait contre les façades et les portes brisées et fissurées laissant des trainées carmines sur les murs encore debout d'antiques magasins en ruine. Il avait tellement froid. Il s'effondra dans la neige en se disant qu'il n'aurait vraiment pas dû écouter un type qu'il connaissait depuis moins d'une heure. Il ne comprenait pas pourquoi Franz avait tenu à le soumettre à de telles épreuves... Pour quelle raison ? Franz connaissait forcément ses statistiques... Foutu scientis...

— On est perdu ? Lui demanda une voix mesquine.

Il leva les yeux et vit une ombre au-dessus de lui. Il ne voyait pas clairement car sa vue était trouble. Il en devina deux autres derrière la première.

— Qu'est-ce qu'on a là ? c'est not' jour de chance, ah, ah !

— J'rêve ou on a un de ces tyrans convaincus qu'ils sont plus que des hommes ? Qu'ils valent plus que nous, les vrais humains.

— Sale monstre !

— C'est la fête des cristaux, j'vous dis.

L'un d'entre eux essaya de lui prendre son neshir. L'adrénaline déferla dans sa poitrine. Il bondit instinctivement et lui tordit le bras. Ce dernier émit un craquement scabreux. Puis d'une droite, il l'envoya dans la neige, geignant et serrant son bras contre lui.

— Si... J'étais vous, je... me tirerais d'ici, leur dit-il, le deux poings levés et tremblants.

L'un des deux hommes arrêta l'autre en disant

— Regarde-le. Il est quasiment mort. Laissons-le crever, on l'récupèrera demain.

Evan le dos contre une vieille vitrine au verre à moitié brisé, soupira alors que les deux ombres disparaissaient en traînant la troisième. Il entendit brusquement des rires. Des rires familiers. Il regarda partout dans la rue sombre sans apercevoir qui que ce soit. Il reconnaissait pourtant ces rires suintant de cruauté et de sadisme.

Lucas, Baptiste et Jordan. Il se moquait de lui et de son malheur. Il ne mourrait pas ici. Il était hors de question qu'il meurt dans le Cimetière... Dans le cimetière ? Comme c'était ironique ! Il se mit à rire comme un dément alors qu'il continuait d'avancer, un pas après l'autre, avec l'impression de se trainer des boulets d'une centaine de kilos à chaque cheville. Il ne sut pas combien de temps il marcha avant qu'il ne s'effondre en se défendant contre des coups de neshir.

— Tu vois ? Je t'avais dit que je te prendrai tout.

Lucas. Ses yeux gris le fixaient avec un plaisir non dissimulé. Il se réjouissait de sa souffrance. Il vit Baptiste jaillir du brouillard à sa droite. Il lui dit :

— Maintenant que le deuxième des Quatre Souverains disparaît, vient le tour du troisième. Keiji, le Shogun au Regard d'Aigle sera puni pour avoir pactisé avec un ma'nkel. S'être abaissé en faisant de lui son A'shua Meno... Et ta délicieuse Charlaine...

— Si tu touches...

— Qu'est-ce que tu vas faire ? lui demanda Jordan en le fixant avec ses yeux sombres et froid. Sache que je tuerais Keiji.

Evan se mit à rire et dit après une quinte de toux si sévères qu'il eut l'impression qu'il allait cracher ses poumons.

— Toi ? la bonne blague...Tu ne peux rien contre lui.

— Qui t'as dit que je m'en occuperais seul ? Ensuite Baptiste fera de la délicate Charlaine sa propriété. Il la fera souffrir, ça tu peux en être sûr parce que, que peut-on contre les Sangs d'Acier ?

— Je vais m'en sortir... et je creuserai moi-même vos trois tombes, rétorqua-t-il d'une voix haineuse.

— Tu as déjà creusé la tienne, abruti. Regarde-toi, tu es fini. Et Lucas aura pour récompense Tessa.

Evan poussa un hurlement de rage et se retrouva de nouveau seul dans la rue. Ce n'était que des hallucinations ? Bien sûr... Que viendrait-il faire dans le Cimetière à cet instant précis ? Il était en hypothermie sévère. Un homme normal n'aurait pas pu tenir debout, ni même marcher dans son état. Il fallait qu'il continue. Il tenta de se lever mais ses jambes ne répondaient plus. Il avait atteint ses limites...

— Saleté...

Soudain, son cœur puis ses veines prirent feu et devinrent d'un rouge incandescent, luisant à travers ses vêtements. Il se mit à hurler comme un supplicié et assistant impuissant à cette lave brûlante qui venait de sa poitrine et se propageait dans le reste de son corps. Était-ce la fin ? Son Kar'Cirkaem finissait de s'effondrer consumant les derniers reliquats de son énergie vitale ! Retourner aux cendres... La mort était...

De violentes convulsions le saisirent. L'agitant comme un pantin et les ténèbres l'engloutirent.

Il perdit alors toute sensation.

Que ce fût le froid, la douleur, même la colère ou la révolte.

Plus rien.

Mais dans ces ténèbres résonnaient...

Une mélodie.

Légère comme le murmure d'une brise au fond d'une vallée.

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Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à laisser des commentaires sur vos impressions et de voter si ce chapitre vous a plu !

Merci encore pour votre temps, cher(e)s wattpadien(ne)s !

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant