Avec une rigueur militaire, ils se tinrent tous droit sur leurs deux jambes, le dos droit, les mains derrière le dos. Soudain, l'un des miroirs qui leur faisait face pivota et le magister scientis Vasco aux sourcils tressautant suivit d'une dizaine d'aspirant scientis, en sortirent. En plus d'être chaudement vêtu, ils portaient tous la blouse à moitié noire et blanche, avec imprimé dessus dans des couleurs opposées, deux femmes identiques en toge romaine tenant un livre d'une main levée, mais le bras tendu était opposé. Parmi eux, derrière Killian, Evan vit Charlaine. Elle lui fit un grand sourire. Elle était elle-même suivit de Tessa, qui le fixa d'un air égal.
- Bien, maintenant que le magister scientis Vasco et ses apprentis du jour sont là, nous allons pouvoir passer à la deuxième partie de la session d'entrainement. Mais bien entendu, je ne vous dirais pas à l'avance ce qui vous attend, précisa-t-il avec un sourire presque sadique. Vous allez recevoir vos dernières statistiques sur vos montres. Ensuite, tous à la Fourmilière.
Le magister princeps disparut derrière une porte coulissante en compagnie du magister scientis Vasco et de certains aspirants scientis, laissant les alumni dans l'immense locus. Charlaine et Tessa vinrent vers lui. Sa montre en argent sonna comme celle de tous les alumni du locus et il appuya sur la surface. Un hologramme apparut juste au-dessus. Il regarda les courbes et les chiffres. Un véritable désastre.
Keiji lança d'une voix grandiloquente, les bras levés, à la vue de ses propres statistiques :
- Tel l'aigle qui s'envole ! je n'ai que le ciel pour limite !
Charlaine vint vers lui en secouant la tête après un regard à Keiji. Elle était suivie de son ancienne amalia.
- Le magister Tambwe a été clément de ne pas t'envoyer dans les Puits, dit-elle en lui touchant l'épaule de la main. Je suis contente que tout ça n'ait pas dégénéré.
- Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment de la clémence, mais oui. Ça aurait pu être pire. Tu as revu Dorcas ?
- Non, elle a été absente tout le reste de la matinée.
- Je vois.
Tessa regarda ses chiffres, pensivement puis lui dit tout bas, en se rapprochant de lui :
- Je pourrais... je pourrais réfléchir à un programme si tu veux. Pour t'aider à améliorer tes résultats. Après tout ce sont des prévisions d'évolution. Il est toujours possible de les améliorer. Ce n'est pas encore trop grave.
Encore ce nœud à l'estomac. Evan fit disparaître l'hologramme en murmurant :
- Tessa...
- Tu ne devrais pas cracher sur une main tendue, coupa-t-elle.
- Tu ne comprends vraiment pas.
Elle lui demanda encore plus bas en se rapprochant un peu plus :
- C'est une fille, c'est ça ?
- Non, répondit-il, lasse, avec une pointe de contrariété dans la voix, tout en s'écartant un peu d'elle, mal à l'aise à cause de sa proximité.
Il baignait dans le parfum capiteux qu'elle avait toujours porté depuis qu'il la connaissait.
Souvenirs perdus.
- Pourquoi est-ce que tu insistes ? murmura-t-il.
- Parce que je ne te comprends pas. Je déteste ne pas comprendre. Et tu le sais bien.
Sur ces mots, elle se détourna et s'éloigna vers la porte coulissante. Soudain, les miroirs opaques pivotèrent révélant une centaine d'entrées qui donnait sur un escalier descendant dans un tunnel plongé dans la lumière tamisée de torches enflammées.
- Ça va commencer, dit Charlaine, la moue soucieuse. Faites attention à vous, s'il vous plait.
Keiji lui fit un clin d'œil. Evan hocha de nouveau la tête, la mine sombre, alors qu'elle s'éloignait vers la porte que Tessa avait prise avant elle.
Certains alumni échangèrent des regards nerveux, d'autres esquissèrent des sourires carnassiers. Evan croisa le regard bleu de Joaquin. Il lui fit un signe de la tête qu'il lui rendit. Il était visiblement un peu nerveux. Qui ne l'était pas ? Aucun des alumni n'avait encore choisi par quels escaliers il descendrait :
- Qu'est-ce que tu penses que ce sera cette fois ? marmonna-t-il après l'avoir rejoint. Un duel ou un combat à mort avec une bête ?
- Honnêtement, il est imprévisible. Il fait tout pour l'être...
- Ouais... Le cobra géant des Pics des Ténèbres. C'était un véritable cauchemar. Ce magister est cruel. A croire qu'il veut vraiment qu'on crève tous.
- Le Tri est inéluctable et primordial, dit simplement Evan, avec amertume. A n'importe quel prix.
On lui donna une tape énergique sur l'épaule :
- Mais vous allez arrêter de pleurnicher, oui ? lança Keiji en s'appuyant nonchalamment sur son épaule. On se détend, d'accords ? Tant que nous sommes ensemble, rien ne peut nous vaincre. On l'a déjà prouvé plus d'une fois. On lui a réglé son compte au cobra.
- Après qu'il ait tué deux d'entre nous, précisa Evan.
- Et nous ne sommes pas toujours en équipe, Kei, rajouta Joaquin.
- C'est vrai. Alors dans ce cas, comme le dit mon grand-père : brûle de toute ta force, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que de la cendre, alors peut-être renaîtras-tu...
- Oui, peut-être renaîtrons-nous, confirma Jin, un brun à la coupe au bol qui venait de les rejoindre.
Il avait un visage juvénile, lui donnant l'air d'avoir quatorze ans mais la même corpulence que la plupart. Son teint était jaunâtre et ses yeux bridés étaient sombres et mélancolique, mais marqué de la froideur des ignemshirs. Il était accompagné d'un alumnus aux dreadlocks et au teint foncé. Ses yeux bruns intimidant associés à ses pommettes saillantes et son menton carré évoquaient un fauve toujours sur ses gardes.
Il dit de sa voix indolente :
- Il va falloir y aller. J'ai tendance à me dire que plus on traine, plus ça empire.
- Tu as raison, confirma Keiji en se redressant.
Sans grande surprise, Alejandro descendit le premier. Sans dire le moindre mot, ils se séparèrent et choisirent chacun une entrée. En descendant seul les marches de pierre poussiéreuses dans l'atmosphère feutrée du tunnel, Evan sentit la température déjà glaciale dans le locus, baisser davantage. Il planait dans l'air une odeur de terre et d'humidité.
Evan n'éprouvait pas vraiment de la peur. Ou du moins, comme de nombreux autres alumni, il avait appris à vivre avec. A dompter l'angoisse lors de ses premières années, une angoisse qui commençait dès le réveil et ne disparaissait jamais, jusqu'à ce qu'il se soit endormi. Encore que souvent, elle le poursuivait dans son sommeil sous la forme d'effroyables cauchemars.
Quoiqu'il en fût, il était déterminé. Il était encore en vie et ferait en sorte de le rester. La mort faisait partie de la vie, comme la vie de la mort.
Fils des Cendres,
Fils des Cendres,
De la terre naquit ton corps, par le feu fut forgée ton âme et par l'acier fut créée ta volonté,
Une volonté faite de l'aurore, créatrice de lumière dans les ténèbres...
Il s'agissait s'il se souvenait bien des quelques vers qui se trouvaient dans la préface du Codex Shirin. Le Codex renfermant les règles et les lois auxquels les ignemshirs devaient se soumettre sur les Trois-Mondes.
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Merci encore pour votre temps, cher(e)s wattpadien(ne)s !
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Ignemshirs - Tome 1 : Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)
FantascienzaAprès une apocalypse planétaire, une science ancestrale, mystérieuse et avant-gardiste permet la création d'épées exceptionnelles, les neshirs. Ces dernières bouleversent le monde ravagé et transforment la société en profondeur. Fils de l'un des pl...