Look Through The Past - Tome/Partie 1

2. Look - Clive

Apparemment, l'arrivée d'un homme ne plaisait pas à tout le monde... Laurus ne parlait toujours pas, mais Léa avait déjà fait part de son désaccord à Flora par messages et s'obstinait à exprimer son indignation à la sœur d'Adèle qui ne répondait pas. Écoutait-elle seulement ce que le démon pestait ?

Clive et Flora avaient déposé les enfants chez le couple évoqué plus tôt dans la journée qui se fit une joie de les accueillir ; ils avaient tous deux dépassé les soixante-dix ans, les cinquante de vie commune à chasser et les trente de mariage. Leurs fils avaient péris dans un incendie provoqué par une goule alors qu'ils étaient âgés de vingt et seize ans. Le couple était de sortie ce soir-là, mais la nuit fut longue pour eux. Voir Georges et Maggie leur fit le plus grand bien et ils promirent de veiller sur eux et de ne jamais relâcher leur vigilance. Les deux jeunes chasseurs sont repartis l'esprit plus tranquille qu'à l'arrivée. Une fois cela fait, ils rejoignirent Léa et Laurus et tous réfléchirent à l'enquête ; tous sauf Léa qui s'amusait sur son téléphone et apportait de temps à autre une suggestion plus ou moins pertinente à la recherche générale. Ils s'étaient installés à une terrasse et Flora sortit un petit carnet dans lequel elle prenait des notes personnelles sur les chasses, ainsi que tous les documents qu'Adèle avait trouvés et déballés dans la chambre du Four Seasons Motel. Elle étala le tout face à elle et tout le groupe se pencha sur les papiers éparpillés ici et là ; Clive prit une feuille de papier et un stylo et commença à gribouiller un schéma retraçant les différents éléments de l'enquête.

« Les meurtres à Crandon : l'œuvre des anges c'est ça ? » demanda-t-il, suspendant un instant ses coups rapides de stylo.

- On pense que oui, répondit fermement Flora.

- Dans le but de trouver le « puissant déchu » qui « a survécu » et qui « compte dominer les siens » je suppose... C'était les dires de nos deux ravisseurs quand on était dans le hangar.

- Oui, je m'en souviens... tu penses que c'était ce « puissant déchu » qu'ils recherchaient ?

- Sans aucun doute...

Léa leva le nez de son téléphone et regarda Clive intensément comme pour chercher une réponse sans même avoir posé la question, ce qui le mis très mal à l'aise. Il était discret et perspicace, mais n'aimait pas trop être fixé comme le faisait le démon, au risque de se bloquer totalement dans une timidité redoutablement coriace.

« Pose-la ta question Léa, ça se voit que tu en as une qui te brûle les lèvres. Alors vas-y, on t'écoute... » soupira Flora, qui reçut un merci silencieux du jeune homme.

- Avec Adèle, on a fait une mauvaise rencontre un soir, justement quand toi et ton cher petit-ami étiez en train de vous faire ligoter à plusieurs miles de là... On te l'a raconté Flora, la magnifique et fantastique petite histoire de notre cher ami Bériel !

- Ah oui je m'en souviens ! Dans le bar, et il vous a parlé d'une sorte de légende ou un truc dans le genre...

- Pas une légende, un truc vrai et avéré. Si Bériel nous avait menti, à mon avis, on n'aurait pas retrouvé Laurus quelques temps après.

- Que veux-tu dire ? demanda Clive.

- Ah oui, toi l'intello tu n'es pas au courant. Il nous a raconté qu'un commando recherchait une certaine Lauriel, sœur cadette d'une fille ; toutes deux dans une armée et que l'aînée s'était faite la malle. Du coup, la cadette, Lauriel était partie la chercher et que le commando devait la retrouver et la punir pour sa désobéissance. Perso, je pense qu'il s'agit de Laurus, mais on n'en saura rien...

- Elle est où la question dans tout ça Léa ? s'impatienta Flora.

- La voilà : le commando aurait-il aussi pour mission de retrouver le grand bonhomme qui va dominer les siens et qui va chercher le pseudo trône perdu et surtout, le puissant déchu ne serait-il pas la sœur aînée de l'histoire de Bériel ?

Personne ne répondit aux hypothèses du démon. Clive n'en pensait pas moins, il était arrivé aux mêmes conclusions qu'elle grâce aux différents éléments qu'il avait en sa possession, ce n'est pas pour autant qu'il allait faire des plans sur la comète !

« Soyons raisonnables : fions-nous aux faits et à ce que nous avons pour l'instant... Si on en croit les différents... »

Le jeune homme s'arrêta soudain, quand Laurus se leva, et sans dire un mot – comme à son habitude, quitta la table et se dirigea vers une barrière donnant sur le lac Érié. Léa soupira et posa ses chaussures sur le dessus de la table en retournant à ses applications. Flora regarda Clive et celui-ci décida de rejoindre la sœur d'Adèle pour lui parler, même si sa petite amie doutait du succès de son opération. Avant de la rejoindre, il paya deux thés noirs à emporter qu'il amena à la jeune femme silencieuse, ce qu'elle accepta en buvant une première gorgée. Son regard se perdit à l'horizon sur le coucher du soleil sur le lac sublime.

« Alors..., commença-t-il douteux. Si j'ai bien compris, tu ne parles pas... Et c'est ton droit bien sûr ! Mais si tu ne parles pas, ça ne veut pas dire que tu ne comprends rien, que tu ne peux pas écouter ce qui t'entoure. Alors voilà. Je vais te raconter une histoire vraie et personnelle : celle de notre rencontre à Flora et moi...

« Au début, je n'étais qu'un moins que rien. On s'est rencontré par hasard, au lycée. On venait de terminer notre examen de collège et on se retrouvait pour la première fois dans une option de l'école. À l'époque, on appelait cela les Sciences et Laboratoire. C'est elle qui est venue vers moi. On a passé une année des plus magiques, jusqu'à ce que vienne l'année suivante, où on a été séparé... On a passé des jours sombres, des épreuves difficiles et tout nous séparait... Pourtant, lors de notre dernière année dans l'établissement, le destin a voulu que nous nous retrouvions. On a mis beaucoup de temps pour comprendre, mais nous y voilà. Encore aujourd'hui, notre amour est à l'épreuve de tous les monstres, de toutes les créatures et des forces de la nature.

« Regarde-moi Laurus, (il prit son visage entre ses mains et la regarda droit dans les yeux). Je pense qu'il s'agit de la même chose entre toi et Adèle. Vous ne vous aimez pas d'un amour tel que celui qui nous uni Flora et moi, mais d'un amour sororal, fraternel si tu préfères. Je suis persuadé que notre parcours ne diffère pas tant que ça. Ose me dire le contraire ! Comprends-moi je t'en supplie... J'ai perdu Flora en deuxième année de lycée, tu as perdu Adèle également, même si je crois que tu ne l'as pas revue depuis plus d'un an. Je pense savoir ce que tu ressens : la perte d'un être cher pour un certain temps c'est quelque chose de dur à vivre. Mais tu sais que toi et moi, on l'a retrouvée, cette personne disparue. Même si pour ton cas, à mon avis c'était plus qu'un an... Je ne peux imaginer ta douleur là maintenant que tu ressens, car nous n'avons aucune certitude que notre plan fonctionnera. Mais je te promets une chose Laurus : nous allons retrouver ta sœur, je t'en fais la promesse. Tu m'entends ? La promesse... »

Clive soupira, se détourna de Laurus, silencieuse qui elle aussi, tourna son regard vers le lac au loin. Leurs pensées se perdirent, le jeune homme repensa à cette rencontre avec Flora, ce jour-là au lycée, comme il l'avait décrite quelques minutes auparavant. Sa petite-amie était incroyable... Non seulement physiquement, avec sa mèche bouclée sur son front, ses cheveux en queue de cheval haute rehaussés d'un nœud rouge, des joues roses et sa tâche de naissance en forme de pomme, d'une couleur dorée. Flora est... Si courageuse ! Si convaincante ! C'est elle qui l'a encouragée à la suivre de temps en temps à la chasse, même si elle reconnaissait qu'eux deux courraient de graves dangers si tous les jours ils partaient sur une enquête. C'est pour cela qu'ils s'étaient fixé une limite. Son histoire avec elle se retournait dans tous les sens dans son esprit quand sa tête tourna, guidée par les mains de Laurus qui l'avaient agrippée.

« Regarde » dit-elle.

Le seul mot qu'elle prononça jusque-là était pour lui et tout était énigmatique, d'autant plus qu'en un instant, le décor changea et tout devint noir autour de lui. Il ne voyait plus rien, tout était sombre et obscurité, seul un mot et une seule voix obsédante subsistaient dans le néant : Regarde...